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La scène de la mort du père d’Hamlet est la scène invisible, la scène manquante, qu’il s’agit, depuis la tragédie de Shakespeare devenue le texte référence de ce qui est devenu un mythe « intermédial [1] » très productif, de faire voir et/ou imaginer. Le fratricide, catastrophe précédant le drame, a, dans l’histoire des réceptions critique et créatrice de la pièce, suscité toutes sortes de suspicions, de commentaires, de représentations, de transmotivations et de variations sémantiques et intermédiales. Shakespeare a en effet dérobé au regard du spectateur la scène du régicide, repoussée hors des limites du drame et du champ des regards, se différenciant ainsi des versions narratives antérieures – Saxo Grammaticus, puis François de Belleforest font état d’un assassinat public perpétré devant des témoins complices, et présenté ensuite par le tueur comme une valeureuse réaction de Fengon à une attaque de la reine par son époux. Le meurtre brutal laisse place à l’empoisonnement discret et perfide d’un homme seul et endormi ; l’hypothèse d’une morsure de serpent accidentelle devient la vérité « officielle » du nouveau pouvoir, une explication reprise, scénarisée et amplifiée par le romancier John Updike en l’an 2000 dans Gertrude and Claudius [2] . La certitude d’un assassinat a été dans le même temps fragilisée par le dispositif imaginé par Shakespeare, sa dénonciation émanant d’un spectre (ghost, spirit, image, figure), être à l’existence problématique, mais surtout aux intentions incertaines (c’est ce dernier point surtout qui inquiète Hamlet dans la tragédie élisabéthaine, conscient qu’il est que sa mélancolie le fragilise par rapport à d’hypothétiques séductions du diable [3] ). Dans Will in the World : How Shakespeare Became Shakespeare (traduction française : Will le magnifique), et plus précisément dans le chapitre intitulé « Parler avec les morts », l’universitaire américain Stephen Greenblatt livre des observations éclairantes quant à ce choix d’une narration à la première personne pour représenter la mort du père. Relisant les monologues écrits par Shakespeare dans les tragédies précédant la création d’Hamlet (Richard III, Jules César), il constate d’abord qu’on assiste à une « lente mise au point d’un ensemble particulier de techniques de représentation du réel », dont celle de la représentation de « l’intériorité du sujet [4] », et observe que, du point de vue d’une comparaison entre l’histoire tragique française et la tragédie de Shakespeare, l’écart le plus important quant à l’attitude adoptée par le jeune prince après la mort de son père est la disparition de toute « justification [5] » stratégique verbalisée de sa folie – choix qui a ouvert le champ à des spéculations innombrables sur l’état psychique d’Hamlet, mais aussi sur le statut de ce récit accusateur, dont il est le seul récepteur et qui épouse si bien ses désirs secrets. Si son « âme prophétique » lui soufflait de soupçonner et de haïr l’oncle qui venait d’épouser sa mère, n’était-ce pas elle qui lui faisait entendre/prononcer les mots du spectre au cours d’une hallucination où s’exprimeraient ses tourments intérieurs ? En rendant possible cette hypothèse (renforcée par la tentation suicidaire et les pulsions violentes du personnage, mais aussi par la scène du cabinet [closet scene] où Hamlet voir réapparaître le spectre, tandis que Gertrude ne voit ni n’entend rien), Shakespeare, ayant « détruit la logique implacable de l’intrigue transmise par les sources [6] », dans laquelle Amleth fait le fol en attendant l’heure de la vengeance et de la conquête du pouvoir tout en préservant sa vie, transforme la scène du meurtre en une « scène à problème », ce dont la démultiplication de ses représentations au sein de la tragédie est un signe.
La mort du père, comme scène à faire imaginer ou à faire voir, resurgit sous plusieurs formes distinctes qui mettent en jeu des migrations génériques et formelles mises en scène à l’intérieur même de la pièce en combinant, selon des modalités diverses, mots et images. Le récit des faits n’est plus assumé par un narrateur externe qui en garantit la véracité, mais proféré par la victime qui, sous la forme d’un spectre, personnage théâtral récurrent des tragédies de vengeance, interpelle son fils en une scène spectaculaire et effrayante pour accuser le nouveau roi de sa mort. L’identité et la nature fantomatique du narrateur, le jeu théâtral et les effets spéciaux qu’elles induisent font qu’il y a là une remarquable synergie entre narration et (grand) spectacle, imagination et vision. C’est ensuite Hamlet, récepteur exclusif de ce récit-révélation, qui opère sa transmodalisation en organisant sa double représentation théâtrale et publique devant l’assassin présumé : la pantomime, en le stylisant à l’extrême, donne à voir le déroulement du meurtre et l’usurpation de la couronne sans le soutien des mots, mais avec les commentaires en off d’un Hamlet spectateur-metteur en scène qui fait jouer à plein la double énonciation ; dans un second temps, les mots d’une tragédie, Le Meurtre de Gonzague, légèrement réécrite par Hamlet [7] , amplifient et verbalisent l’argument de la pantomime jusqu’à ce que Claudius, indigné par les provocations du prince ou saisi par l’image véridique de son forfait, interrompe le spectacle et réclame de la lumière. Sur scène, le personnage de Lucianus vient de verser du poison dans l’oreille de Gonzague. François-Victor Hugo, en 1865, décrivait et faisait imaginer en des termes saisissants le drame intérieur se jouant en Claudius à l’instant de cette reconnaissance du crime à la vue de sa représentation, et plus encore de son apparition, mot qui fait écho à d’autres apparitions spectrales terrifiantes chez Shakespeare (notamment dans Macbeth) et qui suggère que l’image scénique produit sur le coupable un effet de terreur aussi efficace que le spectre du vieil Hamlet au premier acte.
Enfin, pour comble d’horreur, dans ce traître blafard et plâtré, qui fait mine de verser le poison, il se reconnaît lui, Claudius ! Ô triomphe de l’illusion scénique ! son crime, qu’il croyait pour jamais caché au fond de sa conscience, Claudius le voit subitement sortir d’une trappe et paraître sur une estrade devant toute sa cour, hideux, épouvantable et menaçant ! Devant cette apparition, Claudius pâlit, il tremble, il demande des lumières comme un enfant, et il se sauve. – Lui qui n’avait pas reculé devant le crime réel, il recule devant le crime fictif. Lui, le fratricide vrai, il fuit devant le fratricide imaginaire [8] .
Si l’on considère, dans une perspective diachronique et intermédiale, les innombrables réécritures de ce que l’on peut désigner comme un « mythème » à l’intérieur du mythe d’Hamlet, il apparaît que toute réécriture peut prendre une valeur métatextuelle et témoigne de la volonté des critiques et artistes d’interroger le choix fait par Shakespeare de ne pas représenter directement la scène du meurtre, au profit de représentations indirectes qui en soulignent l’énigme : comment et pourquoi faire voir ce qui a définitivement échappé au regard ? comment aussi se jouer de et jouer avec cette absence de représentation du meurtre après Shakespeare ? La question à laquelle nous voudrions apporter ici quelques réponses sera la suivante : que peut nous apprendre l’examen des migrations génériques et intermédiales observables dans la déclinaison des propositions formelles mises en œuvre par Shakespeare (un récit oralisé et spectaculaire, une pantomime reconstituant le « film » muet des événements, une tragédie) et considérés dans le cadre des transferts culturels liés à des déplacements géographiques et/ou chronologiques ? Sur le plan méthodologique, je me livrerai à une analyse « micrologique » (Peter Szondi), en me concentrant sur les séquences dramatiques visant chez Shakespeare à représenter la mort du vieil Hamlet et sur leur « remédialisation [9] » à travers l’examen de quelques exemples empruntés à différents arts visuels (illustration, cinéma) et genres littéraires (roman, essai). Après avoir examiné quelques illustrations réalisées au XIXe siècle pour le cadre éditorial, qu’elles soient destinées ou non à accompagner le texte traduit du théâtre de Shakespeare, je voudrais les confronter à d’autres types d’images fabriquées depuis le début du XXIe siècle pour combler la lacune de la scène de meurtre. Trois « objets » bien différents ont retenu mon attention : l’essai de Pierre Bayard intitulé Enquête sur Hamlet. Le dialogue de sourds, paru en France en 2002 ; le roman de Ian McEwan, Nutshell, paru en 2016 et traduit en 2017 sous le titre Dans une coque de noix et Hamlet, le film de Michael Almereyda tourné à New York et sorti en 2000 que j’évoquerai en conclusion. Mon propos sera donc aussi de questionner les modalités de production des images mentales ou matérielles que nous proposent ces trois œuvres et qui sont co-fabriquées par le récepteur.
L’ouvrage d’Alan R. Young, Hamlet and the Visual Arts 1709-1900, permet de mesurer l’importance des arts visuels dans le développement du mythe hamlétien en Angleterre dès le XVIIIe, en Europe au XIXe siècle : dessins, tableaux inspirés de la pièce de Shakespeare ou immortalisant les grands comédiens ayant brillé dans le rôle d’Hamlet (y compris dans des versions dramatiques adaptées de Shakespeare), lithographies (par exemple la série bien connue signée Eugène Delacroix), ou gravures diffusées dans le cadre des éditions du théâtre de Shakespeare ont contribué à introduire et à fixer dans l’imaginaire collectif des silhouettes et des scènes contribuant pleinement à la fabrique du « mythe Hamlet » et stimulant en retour sa réception créatrice. La richesse de cet ensemble iconographique a également favorisé la métamorphose des personnages les plus représentés, Hamlet et Ophélie [10] , en figures mythiques de plus en plus autonomes par rapport à la pièce élisabéthaine. Young s’est aussi intéressé, dans les premières pages d’un chapitre intitulé « Scenes Imagined and Real [11] » aux productions iconographiques n’illustrant pas les actions destinées à être jouées sur la scène, mais inventant, recréant à partir du texte ce qu’on pourrait appeler les scènes manquantes. Au théâtre, ces actions (survenues dans le passé ou hors scène) sont le plus souvent prises en charge par des narrations, voire des évocations assumées par tel ou tel personnage. Parmi ces scènes imaginées, l’enfance d’Hamlet avec Yorrick a connu un certain succès auprès des illustrateurs, tout comme la scène du meurtre.
La représentation du meurtre à travers différents media obéit à deux logiques distinctes, selon qu’on la saisisse dans sa dimension spectaculaire et terrifiante – les effets poétiques du récit du spectre, déjà puissants, sont augmentés par le recours aux effets spéciaux dans les mises en scène théâtrales et plus encore au cinéma –, ou dans sa dimension affective, endolorie et nostalgique, pour révéler le corps d’un père aimé plus que celui du roi en armure [12] . C’est mettre l’accent sur ce corps vulnérable et souffrant que fait resurgir la pantomime, et qui est souvent occulté par l’effroi du prince face à l’apparition du spectre en armure à l’Acte I. Il me semble que cet aspect du Roi est souligné dans la série d’images [13] que je vais rapidement commenter et qui ont toutes été produites au xixe siècle, à une époque où la plupart des représentations théâtrales de Hamlet sont soit partielles, soit fondées sur des adaptations comme en France (Ducis [14] , puis Dumas et Meurice), mais où le débat sur Shakespeare fait considérablement évoluer la réflexion sur ce qui serait ou non représentable sur scène. Je commencerai par comparer deux gravures, parues dans des ouvrages faisant accéder à l’univers shakespearien par des voies différentes.
Une première illustration, un dessin original gravé à l’eau-forte, a retenu mon attention. Il s’agit d’une gravure réalisée par l’illustrateur allemand Moritz Retzsch [15] , qu’on retrouvera dans Gallerie zu Shakespeare's dramatischen Werken / Galerie de Shakespeare. L’ouvrage a été publié en trois langues avec des « textes d’accompagnement » de Karl August Böttiger, Carl Borromaüs von Miltitz et Hermann Ulrici, qui sont « transposés à chaque fois dans la langue de publication de l’ouvrage ». Ils précèdent la liste des personnages et des extraits, parfois assez longs, traduits et « présentés au regard des planches [16] ». Dans La réception de Shakespeare en Allemagne de 1815 à 1850, Christine Roger souligne, au fil de cette description à laquelle j’ai emprunté quelques éléments, l’originalité de l’entreprise du point de vue du rapport entre texte et image. De son côté Manon Montier, faisant le point sur l’importance des galeries dans la réception française de Shakespeare en France au xviiie siècle, constate que la diffusion de ce type d’ouvrages passe par des importations-traductions de galeries conçues et imprimées ailleurs. Se constitue donc de la sorte ce que j’appellerais une constellation d’images partagées qui a inscrit dans l’imaginaire collectif européen une sélection de scènes shakespeariennes.
Les premières galeries de Shakespeare paraissent en France en 1828-1829 et sont en fait des traductions d’éditions allemandes (6). La fin des années 1830 voit apparaître de nouvelles galeries, il s’agit cette fois-ci de reproductions de keepsakes anglais. Deux principaux ouvrages se détachent : dans un premier temps une Galerie des personnages de Shakespeare, publiées par Amédée Pichot chez Baudry en 1844, puis en 1849 (7). Ce livre est orné de près de quatre-vingts gravures illustrant chaque pièce, mais également de portraits de Shakespeare, de comédiens, ou de grands éditeurs. Le deuxième ouvrage, publié chez Delloye en 1838, se focalise sur les personnages féminins de Shakespeare […]. Pourvu d’un ensemble de quarante-cinq gravures réalisées par les artistes les plus célèbres de Londres, ce livre est illustré de portraits des personnages shakespeariens, mais aussi de bandeaux, et de petites vignettes en fin de commentaire, reflétant l’environnement où se déroule chaque pièce [17] .
Figure 1. La scène du meurtre par Moritz Retzsch (Galerie de Shakespeare). |
Gallerie zu Shakespeare’s dramatischen Werken a d’abord été publié chez Ernst Fleisher à Leipzig, puis à Paris, entre 1828 et 1846 – il en existe de nombreuses rééditions. La scène du meurtre est, dans cet ensemble, représentée à la fois littéralement, l’illustration reprenant les actions propres au récit du spectre, et avec une portée symbolique assumée par le changement de décor et les accessoires allégoriques. Le roi ne repose plus dans un verger, mais dans un espace semi-fermé par des arcades et sous une statue de Némésis. Le commentaire, par le Professeur Boettiger, de cette planche, « qui peut être considérée comme une ingénieuse et expressive introduction au drame qui se prépare », révèle à quel point cette figuration du meurtre contient différents éléments visuels suggérant le châtiment à venir. Le meurtrier est sous le regard de deux personnages (comme, pourrait-on ajouter, il sera sous les regards croisés d’Hamlet et d’Horatio pendant la représentation théâtrale du meurtre) : un vieillard de pierre pris dans l’arc gothique devient un « témoin inanimé de l’action » et indique que, « dans la pensée de l’artiste », « le crime le plus caché ne peut rester impuni ». Mais la signification symbolique de l’image tient surtout au personnage féminin qui domine la scène :
La statue imposante de Némésis, placée dans une niche, confirme cette vérité, tandis que ses attributs, tels le glaive levé au-dessus du coupable, la balance où se pèsent les actions des mortels, et l’œil pénétrant de la justice qui orne le sein de la déesse, en donne le développement ; le serpent qu’elle écrase sous ses pieds, malgré ses sifflements rappelle ces paroles de l’ombre d’Hamlet : [Le serpent dont la morsure tua ton père, / Porte maintenant sa couronne [18] . »]
Du point de vue de la relation texte / image, le texte se donne pour mission d’expliciter l’intention présente dans la remédialisation opérée par Moritz Retzsch [19] . On serait ici entre le rapport structurant simple et le rapport structurant complexe de l’hyperopus à la tragédie de Shakespeare pour reprendre la terminologue esquissée par Claude Paul sur le modèle genettien. Dans le rapport structurant simple, « l’emprunt engage la totalité ou la quasi-totalité de l’hyperopus sur un plan narratif et/ou esthétique. Il entre en résonnance voire détermine le sujet ou le style d’une œuvre dont il augmente significativement les réseaux de sens [20] . » Dans le cas de l’image étudiée, il n’y a pas seulement transposition plastique du drame, l’illustration reposant, on l’a vu, sur un récit au statut problématique et non sur une scène du drame offerte à la vue du spectateur, mais production d’une vision personnelle du mythe – notamment parce qu’il y a contamination entre deux mythes, deux univers tragiques, et donc véritable « polylogue des artistes [21] ». Si par ailleurs, comme l’écrivait Louis Marin, le frontispice fonctionne comme une « lisière de la lecture [22] », « une espèce de préface en image », gardant « ses pouvoirs cognitifs sur l’ouvrage qu’elle introduit et sa force prescriptive sur la lecture [23] re », l’image de Retzsch, en associant d’emblée le crime et son châtiment par une instance supérieure, détourne l’attention de ce qui est au cœur du drame shakespearien (les hésitations de celui que le spectre désigne comme son vengeur) et ajoute une dimension morale à la simple représentation des faits. Par ailleurs le dispositif, parce qu’il met l’accent sur le jeu des regards, a valeur proleptique et annonce le spectacle du meurtre mis en scène par Hamlet à l’acte III pour attirer tous les regards et « prendre au piège la conscience du roi » (monologue de Hamlet concluant l’Acte II).
Par comparaison, le frontispice signé Henry Courtney Selous (voir, plus bas, Figure 2), paru d’abord à Londres dans l’édition de Cassel entre 1864 et 1868, puis en France dans les Œuvres complètes de Shakespeare traduites par Émile Montégut et publiées chez Hachette en trois volumes entre 1867 et 1870, apparaît moins engagé sur les plans axiologique et herméneutique. Dans l’image cohabitent deux versions contradictoires de la mort du vieil Hamlet : une scène de meurtre perpétrée contre un homme sans défense par un homme masqué, et une mort accidentelle suggérée par la présence du serpent en bas à gauche, non loin de la coupe des fruits, mais aussi du coussin vers lequel pend l’un des bras du roi. La fonction purement illustrative de l’image par rapport au récit du spectre – qui vient contredire la version officielle de sa mort – n’a pas été seulement exploitée par l’édition ; le cinéma [24] a mis en images à de nombreuses reprises la scène de meurtre du vieil Hamlet au moment où le spectre en fait la narration : le récit rétrospectif en voix off est alors confirmé en même temps qu’illustré par des images matérielles faisant pour ainsi dire preuve contre le coupable désigné. Comme medium, le cinéma permet de faire voir, en même temps qu’il fait entendre le récit, mais aussi il impose une représentation unique et réductrice de ce que la narration, dans son usage théâtral, laisse imaginer au spectateur dont l’attention est sollicitée autant par l’apparence et la voix du spectre que par le contenu du récit.
Mais d’autres types d’images, non matérielles, pourraient être prises en compte et interrogées. Le désir de compenser l’absence de cette scène essentielle a conduit certains récepteurs (essayistes, romanciers et cinéastes) à inventer et à faire surgir dans l’imagination de leurs lecteurs une autre scène, une contre-scène plus satisfaisante selon eux et venant infirmer ou atténuer la validité du récit du spectre chez Shakespeare. Réception critique (et notamment celle qui a été ouverte par Sigmund Freud et Ernest Jones) et réception créatrice se rejoignent ainsi dans l’image mentale que construit pour nous Pierre Bayard dans l’ultime chapitre d’Enquête à Elseneur. Le dialogue de sourds, intitulé « Ce qui s’est passé à Elseneur », titre qui laisse présager un récit où la vérité se dévoilera comme au terme de toute bonne enquête. Si le sous-titre de l’essai met l’accent sur la surdité qui frappe les différents commentateurs de Shakespeare, dans les dernières lignes du chapitre « Hamlet et ses fantômes », c’est la métaphore de la vue qui devient envahissante : il s’agit, écrit Pierre Bayard, de « voir progressivement se mettre en place une nouvelle configuration textuelle et d’autres interrogations dont nous n’avons pas idée aujourd’hui », mais qui « nous crèvent les yeux » « avec un éclat si aveuglant que nos successeurs ne comprendront pas » « [q]u’elles ne nous aient pas frappés [25] . » Tout en examinant l’hypothèse de l’innocence de Claudius, Bayard a accumulé les indices de la culpabilité d’Hamlet, préparant son lecteur à la révélation qu’il s’apprête à lui asséner. Le prince est « sujet à hallucinations » et capable de « folie violente » et, si la seule « question juste » est de « savoir qui a tué », il faut rappeler les faits dramatisés par Shakespeare : « Hamlet exécute le père d’Ophélie, fait assassiner Guildenstern et Rosencrantz, pousse Ophélie au suicide, et tue Laërte et Claudius [26] ». Il faut aussi entendre les « aveux » d’Hamlet sur ses propres péchés, lesquels ne devraient pas peser plus lourd dans la balance que les prétendus aveux de Claudius dans la scène de la prière. À partir de là, l’« activité de complément, dont le cœur est la décision que chaque lecteur doit prendre sur la folie d’Hamlet », peut aller jusqu’à imaginer une autre scène permettant de « donner une explication conforme à notre époque et à notre sensibilité » aux points demeurés « obscurs [27] ». « On peut imaginer [28] » qu’Hamlet ait vu son père reposant après l’amour à côté d’une autre femme et que « cette vue l’ait plongé dans la fureur criminelle [29] » et fait empoisonner son père. Pas à pas, Bayard nous laisse deviner l’identité de cette autre femme, aimée d’Hamlet et convoitée par le père, et nous fait imaginer le prince « accompli[ssant] le même geste de parricide que les fils de la horde primitive dont parle Freud et pour les mêmes raisons : le reproche fait au père de s’emparer de toutes les femmes. Geste si terrible qu’il l’oublie immédiatement, même si son souvenir ne va ensuite cesser de le hanter [30] . » Pour inscrire en nous cette image mentale ou cette vue imageante [31] d’Hamlet contemplant son père aux côtés d’Ophélie, puis le tuant, Bayard livre son ultime argument : chez Shakespeare, c’est généralement au meurtrier que le spectre de sa victime apparaît.
Ce qui est le plus frappant, pour qui a lu l’essai de Bayard, c’est l’efficacité, du point de vue de la réception, de cette image inédite, jamais vue, d’une scène de meurtre qu’il se représente par hypothèse et qui s’impose à son esprit. Or à son tour, le lecteur est comme hanté par cette image-hypothèse faisant écran entre le texte et lui, et qui agit à la manière de ces « interpolations » interrogées par Sophie Rabau dans B. comme Homère. L’invention de Victor B., essai où elle ouvre la méthode de Victor Bérard, traducteur et commentateur d’Homère, à « la perspective d’une création [32] ». Bayard serait au fond, en mettant en avant l’activité de complément propre à toute lecture, en faisant l’histoire des commentaires de la tragédie-palimpseste qu’est Hamlet, mais aussi en y ajoutant ce qu’il a envie d’y lire, un adepte, grâce à sa « puissance spéculative », de la « méthode géniale invention de Victor B., la lirécriture par interpolation dont la formule s’énonce en deux maximes : tout texte est interpolé dès lors qu’on le lit ; tout texte est interpolable dès lors qu’on le lit. Tout texte et plus particulièrement tout texte écrit après, bien après Homère [33] . » Ce qui vaut pour Homère vaut pour Shakespeare et plus encore pour Hamlet, avec ses variantes textuelles multiples, et ses commentaires innombrables. Nous avons avec cet essai de « lirécriture » une migration générique qui engage à la fois le jeu spéculatif, l’histoire des interprétations d’un texte et l’imagination – la scène manquante finissant par nous apparaître sans que Bayard la raconte sous l’espèce d’une image mentale extrêmement saisissante, nous « crevant les yeux » d’un « éclat […] aveuglant », pour reprendre les métaphores de Bayard lui-même.
Bayard mettait au centre de sa « lirécriture » une scène à ne pas voir qu’aurait vue Hamlet, et une scène de meurtre qu’il rend visible pour son lecteur sans la décrire. Le récent roman du Britannique Ian McEwan est entièrement fondé sur l’invisibilité de cette scène de meurtre que le narrateur ne peut que redouter, puis imaginer à partir de ce qu’il entend et ressent, totalement impuissant qu’il est à l’empêcher. Et pour cause : ce narrateur n’est pas encore au monde, dans le monde des signes visibles et des interactions avec les autres.
Me voici donc, la tête en bas dans une femme. Les bras patiemment croisés, attendant, attendant et me demandant à l’intérieur de qui je suis, dans quoi je suis embarqué [34] .
Tel est l’incipit de Nutshell / Dans une coquille de noix. La procrastination et l’incapacité d’agir de Hamlet trouvent ici une explication aussi rationnelle que fictionnellement atypique : le long monologue intérieur qui constitue le roman est attribué à un presque-né qui attend de faire son entrée dans le monde avec espoir et appréhension, quand le prince shakespearien s’interrogeait, avec tout autant d’appréhension, en un long monologue sur l’au-delà. La scène du meurtre occupe une place centrale dans le roman puisqu’Hamlet, le pas encore nommé, prisonnier du ventre de sa mère Trudy, en suit la conception, les préparatifs, l’exécution et les suites (le roman s’achève avec l’expulsion du narrateur hors du ventre de sa mère et l’arrestation imminente des coupables). Elle est entièrement restituée par le narrateur à partir des sons qu’il perçoit (paroles et intonations, petits bruits de la cuisine, soupirs, etc.), les échos internes de la déglutition de sa mère l’assourdissant parfois. Claude et Trudy ont projeté de faire boire à John un smoothie de Judd Street, servi dans un gobelet en polystyrène et agrémenté d’antigel en guise de jusquiame. Ils sont amants depuis plusieurs mois : si les deux complices se sont engagés dans la voie du crime, c’est parce que John et sa maîtresse, écart notable par rapport à la tradition, veulent expulser Trudy de sa maison londonienne. L’impuissance du narrateur autodiégétique se dit tout entière dans ce passage décisif où la réminiscence textuelle « spectralise » le narrateur et met l’accent sur la vanité de son action, qui fait écho à celle du personnage-narrateur shakespearien :
Je jurerais qu’il à la main ce gobelet d’amour et de mort.
À nouveau je donne des coups de talon pour contrer le sort qui l’attend.
« Oh là, bébé taupe ! s’exclame ma mère d’une voix douce, maternelle. Il se réveille.
[…] Le gobelet en polystyrène sonne creux quand il le pose sur la table [35] .
Hamlet est ainsi placé dans la position d’auditeur d’un meurtre réel, mais qu’il est obligé d’inventer en partie, puisqu’il ne voit pas ni n’interagit avec le monde réel, sauf de manière dérisoire. Il ne peut que s’auto-projeter et commenter en un long soliloque le film mental du meurtre, qu’il fictionnalise à partir de signaux sonores et de l’univers sensoriel dans lequel il baigne – il perçoit toutes les émotions et états de sa mère (plaisir, ivresse, peur, etc.). On a là un étrange récit teïchoscopique composé par un narrateur aveugle, mais dont le récit parvient à nous faire imaginer une scène audio-visuelle. La migration générique, de la scène au roman, permet de postuler une situation d’énonciation non réaliste, mais conforme à l’identité théâtrale d’un prince monologuant et réfléchissant sur le sens de l’action : la scène du meurtre, revisitée par McEwan avec humour, met l’accent sur l’invisibilité d’une scène frappée de tous les soupçons (y compris ceux concernant Gertrude) qui laisse prévoir l’impossibilité de la scène d’un meurtre second, celui de la vengeance, acceptée ici comme fantasme « incandescent », c’est-à-dire comme image, mais refusée comme « passage à l’acte » :
À quoi sert l’imagination, sinon à simuler les possibilités les plus sanglantes, à s’y complaire, à les répéter ? La pulsion, l’intention rêvée sont humaines, normales, et nous devrions nous pardonner à nous-mêmes.
Mais lever la main sur autrui, la violence d’un passage à l’acte sont maudits. […]
Lorsque nous passons devant la précieuse bibliothèque de mon père, j’ai donc renoncé, non pas en pensée mais en acte, à venger sa mort dans cette vie ou dans la prochaine, postnatale. Et je m’absous de toute lâcheté. L’élimination de Claude de ressuscitera pas mon père [36] .
Pour prolonger ces réflexions, je voudrais maintenant me livrer à quelques remarques concernant la réécriture transmédiale de la play within a play (dispositif qui permet à Shakespeare de procéder à une transmodalisation de la narration du spectre) à deux moments de l’histoire où le processus de mise en circulation et de diffusion des images s’est accéléré : le XIXe (progrès technologiques dans l’imprimerie et élargissement du lectorat) et le tout début du XXIe siècle (numérisation et libre accès à des millions d’images).
Éminemment spectaculaire elle aussi, cette scène où la cour assiste, sans savoir vraiment ce qu’elle voit, à la représentation mimétique de la mort de son précédent roi et de l’infidélité de sa veuve, tandis qu’Hamlet et Horatio fixent le visage de Claudius – pour eux la véritable scène à contempler –, n’a pas manqué de susciter l’intérêt des peintres (celui de Daniel Maclise par exemple, dont le tableau, The Play Scene in Hamlet (1842), est conservé à la Tate Britain [37] ) et des illustrateurs, puis des cinéastes ayant adapté Hamlet. Considérons une petite sélection d’illustrations parues dans des éditions françaises du théâtre de Shakespeare et dont les auteurs sont Félix Joseph Barrias [38] (Figure 4), Henry Courtney Selous [39] (Figure ), et Albert Robida qui retravaille à son tour cette scène-image pour accompagner la traduction de Jules Lermina parue en 1898 [40] (Figure 5).
Figure 2. Hamlet, dans Œuvres complètes de Shakespeare, traduction Émile Montégut, illustrée par Henry Courtney Selous, Paris, Hachette, 3 volumes, 1867-1870, t. 3, p. 471. |
Figure 3. Hamlet, Acte III, scène 2, dans Œuvres complètes de Shakespeare, traduction d’Émile Montégut, illustrée par Henry Courtney Selous, Paris, Hachette, 3 volumes, 1867-1870, t. 3, p. 509.
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Figure 4. Hamlet, Œuvres complètes de Shakespeare, Paris, Librairie de l’Écho de la Sorbonne, réédition de la traduction de Benjamin Laroche avec deux cent dix-huit dessins de Félix-Joseph Barrias par Deghouy, 1856, [rééditions en 1864 et 1875]
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Figure 5. Hamlet, Acte III, scène 2, dans Œuvres de William Shakespeare, traduction de Jules Lermina illustrée par Albert Robida, Paris, L. Boulanger éditeur, 1898, p. 65.
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Ces différentes compositions iconographiques, quel que soit l’angle vue adopté, procèdent au même « arrêt sur image » pour faire voir l’instant fatal où le poison est versé ou bien vient d’être versé dans l’oreille du roi. Mais l’image scénique fixée par l’illustrateur se combine avec d’autres invariants pour restituer la tension dramatique du moment où le roi se lève et interrompt la représentation : groupe où l’on identifie Hamlet, Ophélie, Claudius, Gertrude et d’autres personnages de la cour ; regard ou geste accusateur d’Hamlet ; attitude et gestuelle du roi marquant sa colère et/ou son effroi. Pour que ce moment de dévoilement fonctionne à plein, le spectateur de l’image doit tout saisir en même temps : la scène du meurtre, le visage du roi, l’intensité avec laquelle Hamlet surveille Claudius.
Dans certains ensembles éditoriaux, la scène du meurtre donne lieu à des réécritures visuelles, correspondant aux variations formelles initiées par Shakespeare (narration/spectacle). C’est le cas dans Gallerie zu Shakespeare’s dramatischen Werken où Moritz Retzsch compose une seconde image de cette scène (Figure 1), lorsqu’il illustre le moment où le roi est confronté à l’image de son crime. Le dispositif général diffère, mais c’est le même instant du geste fatal qui est immobilisé. Le choix fait par Henry Courtney Selous (Figure 2), du point de vue de la réécriture interne, est plus intéressant : le frontispice étudié plus haut montre le roi endormi dans une image qui saisit le geste meurtrier tout en « citant » visuellement le serpent incriminé à tort. La seconde illustration montre au premier plan un Hamlet accusateur face à Claudius qui se détourne brutalement du spectacle tragique de la scène du meurtre (corps exhibé dans ce mouvement de rejet, le refus de voir étant en même temps signifié par le bras venu se placer devant les yeux). La scène où se tiennent les acteurs est représentée à l’arrière-plan du groupe et elle occupe le centre de la partie supérieure de l’illustration. Ce qu’on y voit, ce sont des comédiens interrompus dans la scène de meurtre (l’acteur jouant le roi se lève à demi, celui qui joue le fratricide tient encore le flacon de poison à la main) et qui regardent dans la direction du roi dont la réaction fait soudain spectacle. La confrontation des deux figurations de la même scène permet de faire apparaître que Selous a mis l’accent non pas sur le jugement du coupable (figure de Némésis chez Retzsch), mais sur la puissance et l’efficace du théâtre.
À partir des variations formelles mises en œuvre par Shakespeare pour faire revenir la scène de meurtre dans l’espace scénique en jouant des possibilités offertes par le théâtre, mais aussi pour confronter le spectateur à des représentations, proches et dissemblables à la fois, d’une scène qu’il doit d’abord imaginer à partir d’un récit avant de la voir et de la revoir, des images fabriquées par des artistes ont proliféré en marge du texte de Shakespeare. Cette production, déjà considérable quantitativement aux XVIIe-XIXe siècles, a transmis aux générations suivantes, observe Alan R. Young, « un héritage extrêmement riche en commentaires interprétatifs visuels à travers des supports aussi variés que des gravures, des aquarelles, des huiles, des lithographies, des photographies ou des sculptures. » [an enormously rich legacy of interpretive visual commentary in media as varied as engravings, watercolors, oils, lithographs, photographs, or sculptures [41] .]
Aujourd’hui, ces images dérivées d’une séquence particulière de la tragédie de Shakespeare, dès lors qu’elles sont exhumées des bibliothèques, photographiées, publiées sur Internet, constituent pour le chercheur, mais aussi pourquoi pas, pour un metteur en scène et un cinéaste, un intertexte visuel témoignant d’un état des interprétations d’une scène privée de témoins visuels dans le drame, mais dont les représentations n’ont cessé de se démultiplier hors de lui. Cette dynamique est initiée par le personnage de Shakespeare, mais le dépasse : Hamlet, entendant-voyant la mort de son père dans le récit du spectre (vue imageante), invente et projette sur scène le scandale du fratricide pour le faire voir, et revoir à tous. Il le rend ainsi inoubliable, les images, fixes – puis mobiles depuis l’invention du cinéma –, le faisant sans cesse resurgir. La plupart de ces images soutiennent et valident une interprétation du texte qui correspond au point de vue du personnage principal, désormais persuadé que le spectre a dit vrai. Mais elles célèbrent aussi, dans l’espace qu’est le livre, les pouvoirs du théâtre grâce à la relation texte/image, les exemples présentés ici rappelant le caractère fondamentalement intermédial de la performance théâtrale.
Ces images ont été produites dans une période de l’histoire culturelle européenne où les images se multipliaient et circulaient dans des aires géographiques élargies et où cette séquence de la mort du vieil Hamlet n’avait pas encore été frappée de soupçon. Considérons maintenant le Hamlet de Michael Almereyda, film tourné à New York à la toute fin du xxe siècle et qui a suscité un nombre non négligeable d’articles universitaires, sans doute parce que le film interroge les conditions ouvertes par les nouvelles technologies de toute reformulation intermédiale dans un contexte où la masse disponible de textes, films, documents et images stockées est devenue vertigineuse. Hamlet, dans la pièce de Shakespeare, a été chargé d’un devoir de mémoire (remember me), qu’il accomplit à sa manière en exhibant et en recréant, dans l’espace scénique, des images du père disparu et menacé d’une disparition pire encore – son effacement de la mémoire des hommes. Dans la closet scene, il confronte ainsi son oublieuse mère à des images pour lui rendre, de force, la mémoire [42] : le tableau (picture) de son défunt époux, la « représentation imagée des deux frères » [The counterfeit presentment of two brothers], cette monstration insistante [see / look you now / have you eyes, etc.] lui donnant l’occasion de développer un parallèle saturé d’images rhétoriques entre les deux époux successifs de Gertrude, si opposés selon lui, comme s’il lui fallait redoubler les images recrées par la pantomime et la tragédie à travers la médiation des comédiens. L’exhortation au souvenir adressée par le père au fils transforme Hamlet en producteur / montreur d’images rappelant le père au souvenir des hommes. La contradiction entre réflexion et action pointée par Hamlet, l’une des causes avancées de sa procrastination, serait alors à mettre en relation avec le fait qu’il ne dissocierait plus le réel de ses doubles (spectres, figures, images, souvenirs magnifiés, etc.), s’enfermant ainsi dans le cercle des apparences qu’il récusait à la scène 2 de l’Acte I.
Dans le film d’Almereyda, d’emblée, le personnage apparaît monologuant dans sa chambre, entouré de toutes sortes d’écrans, d’appareils d’enregistrement, certains déjà obsolètes, d’autres tout récents, mais condamnés à l’obsolescence dans un monde où tout objet technologique est voué à être remplacé. Il est littéralement cerné par des machines produisant, stockant, faisant défiler des images. Un essai particulièrement intéressant fait le point sur le moment historiquement particulier qu’a été ce film « méditation » sur la relation entre performance et nouvelles technologies, celui de W. B. Worthen, Shakespeare Performance Studies. L’auteur attire l’attention sur deux scènes où se marque l’écart du cinéma par rapport au théâtre, écart de plus en plus interrogé par les metteurs en scène qui utilisent la vidéo en direct ou confrontent pendant la représentation les acteurs à des enregistrements d’anciennes performances théâtrales ou d’images tournées avant la représentation, et qui permettent à Almereyda d’exhiber le processus de transposition d’un medium à l’autre, mais aussi d’une culture à une autre, à l’ère du numérique : la scène où Hamlet s’étonne de la puissante action des passions factices sur les traits du comédien (il regarde alors sur un écran James Dean et John Gielduld) et celle où il fait de la création numérique, actualisant en images accusatrices les virtualités ouvertes par le récit du spectre en termes de représentation.
[…] the film allegorizes Hamlet in the practices of recording, remaking, and remediating the cultural history and purposes of drama in the unending transformation of performance technologies [43] .
le film allégorise Hamlet dans les pratiques consistant à enregistrer, reprendre, remédialiser l’histoire culturelle et les intentions du drame dans la transformation sans fin des technologies de la représentation.
Dans un environnement saturé d’images, on découvre ce cyber-Hamlet achetant au supermarché une pile de DVD et fabriquant tout seul (plus besoin de comédiens quand on a à disposition des millions d’images stockées et prêtes à réemploi) un court-métrage composite où l’on repère quelques extraits d’un film muet (équivalent de la pantomime ?), de publicités, d’un film pornographique et de films familiaux. La projection semi-privée de cette création digitale a évidemment pour effet de faire blêmir, puis se lever le roi. Le geste assassin, extrait d’un film muet venu d’un autre temps déjà, est à nouveau donné à voir, les ruptures esthétiques et génériques de cette recréation numérique organisant la conflagration déstabilisante en même temps que familière d’époques, de styles, de références et de motifs hétérogènes, et réitérant pour le mettre à nu le scandale du meurtre fratricide. Dans l’univers saturé d’images où cette scène de meurtre a été déclinée en images innombrables et re-vue déjà un nombre incalculable de fois, on est en droit de se demander si seuls l’écart esthétique assumé dans sa réécriture et une prise à parti du spectateur qui soit véritablement pertinente au présent sont encore en mesure de rendre compte efficacement de ces deux moments de révélation (le récit du spectre, sa mise en spectacle).
Bibliographie
TEXTES ET OEUVRES
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Galerie de Shakespeare, dessins pour ses œuvres dramatiques gravés à l’eau-forte d’après Retzsch, avec des explications traduites de l’allemand du professeur Boettiger, par Mme Élise Voïart et des scènes de Shakespeare, traduites par M. Guizot et le traducteur de Lord Byron, A. Pichot, Paris, Audot, 1828-1832.
Hamlet, dans Œuvres complètes de Shakespeare, Paris, Librairie de l’Écho de la Sorbonne, réédition de la traduction de Benjamin Laroche avec deux cent dix-huit dessins de Félix-Joseph Barrias par Deghouy, 1856 [rééditions en 1864 et 1875].
Hamlet, dans Œuvres complètes de Shakespeare, traduction d’Émile Montégut, illustrée par Henry Courtney Selous, Paris, Hachette, 3 volumes, 1867-1870, t. 3.
Hamlet, trad. Jules Lermina, dans Œuvres de William Shakespeare, traduction nouvelle, avec biographie, notes et glossaire, précédée d’une lettre de Victorien Sardou de l’Académie française, tome premier, L. Boulanger, Deux cent dix-sept dessins d’Albert Robida, 1898.
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BIBLIOGRAPHIE CRITIQUE
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Young, Alan R., Hamlet and the Visual Arts 1709-1900, Newark, University of Delaware Press, 2002. Je n’arrive pas à avoir une certitude quant au lieu de la publication orignale en 2004. La traduction indique Barol International Inc., mais c’est W. W. Norton & Company qui est indiqué le plus souvent..
Notes
- [1]
À propos d’Hamlet on devrait sans doute parler de mythe intermédial plus encore que de mythe littéraire. Le Dictionnaire des mythes littéraires dirigé par Pierre Brunel propose un article signé André Lorant et consacré à Hamlet comme mythe se déployant dans la littérature (Monaco, Éditions du Rocher, 1988, p. 706-710), mais de nombreux travaux ont aussi mis en évidence l’importance des arts visuels dans le développement du mythe. Voir : Alan R. Young, Hamlet and the Visual Arts 1709-1900, Newark, University of Delaware press, 2002 ; Sarah Hatchuel et Nathalie Vienne-Guerrin (dir.), Shakespeare on screen. Hamlet, Rouen, Publications des Universités de Rouen et du Havre, coll. « Shakespeare on screen », 2011.
- [2]
John Updike, Gertrude and Claudius, New York [Alfred A. Knopf, 2000], Random House Trade Paperbacks, 2012 ; Gertrude et Claudius, traduit de l’anglais par Michèle Albaret-Maatsch, Paris, Le Seuil, 2004. Le passage en question se trouve aux pages 176-177 de la traduction française.
- [3]
Voir Acte II, sc. 2, v. 525-530; « The spirit that I have seen / May be a devil, and the devil hath power / T’assume a pleasing shape ; yea, and perhaps, / Out of my weakness and my melancholy, / As he his very potent with such spirits, / Abuses me to damn me. » [L’esprit que j’ai vu / Est peut-être un diable, et le diable a le pouvoir / de revêtir une forme séduisante. Oui, et peut-être, / Profitant de ma faiblesse et de ma mélancolie, / Car il est très puissant sur ces sortes d’humeurs, / Il m’abuse pour me damner.] William Shakespeare, Hamlet, trad. Jean-Michel Déprats, édition bilingue présentée par Gisèle Venet, Paris, Gallimard, 2002 ; coll. « Folio », 2004, p. 162-163.
- [4]
Stephen Greenblatt, Will in the World: How Shakespeare Became Shakespeare [2004] ; Will le Magnifique, traduit de l’anglais par Marie-Anne de Béru, Paris, Flammarion, 2014, p. 325.
- [5]
Ibid., trad. cit., p. 332.
- [6]
Ibid., p. 332.
- [7]
Voir William Shakespeare, trad. cit., Hamlet, Acte II, sc. 2, v. 468-470 : « a speech of some dozen or sixteen lines which I vould set down and insert in’t » [une tirade de douze à seize vers que je veux écrire et y intercaler.] Il s’agit ici d’une réécriture par ajout d’éléments analogues à ceux décrits par le spectre. On peut supposer que c’est ce passage qui fait se lever le roi à l’Acte III, sc. 2, v. 239-248, d’autant que Hamlet en reprend partiellement le contenu à l’acteur jouant Lucianus qui vient d’entrer en scène tandis que le roi de la pièce s’est endormi. Ce dernier s’adresse à la « fétide mixture » qu’il tient en main, avant de verser le poison dans l’oreille du dormeur, mais, à cet instant, Hamlet, impatient de vérifier l’effet de son piège, prend la parole pour commenter la séquence (un empoisonnement dont le mobile est le pouvoir) et annoncer comment le meurtrier va séduire la femme de Gonzague, en dépit des serments de fidélité éternelle qu’elle vient de prononcer.
- [8]
François-Victor Hugo, Introduction aux Deux Hamlet, dans Œuvres complètes de W. Shakespeare, traduction François-Victor Hugo, Préface de Victor Hugo, Paris, Pagnerre, 1865-1872, t. 1, 1865, p. 78-79.
- [9]
Ce terme est un néologisme proposé par Caroline Fisher pour « naturaliser » l’anglais « remediation » dans « Intermedia et intermédialité », l’introduction d’Intermédialités, textes réunis par Caroline Fischer avec la collaboration d’Anne Debrosse, Paris, SFLGC, coll. « Poétiques comparatistes », 2015, p. 12.
- [10]
Sur cette « autonomisation » d’Ophélie dans le champ des arts visuels voir le chapitre « The Ophelia Phenomenon » dans l’ouvrage de Young cité plus haut (p. 279-345) et l’article d’Anne Cousseau : « Ophélie : histoire d’un mythe fin de siècle », Revue d’histoire littéraire de la France, 2001/1 (vol. 101), p. 105-122. DOI : 10.3917/rhlf.011.0105. URL : https://www.cairn.info/revue-d-histoire-litteraire-de-la-france-2001-1-page-105.htm
- [11]
Alan R. Young, Hamlet and the Visual Arts 1709-1900, op. cit., p. 135-278.
- [12]
Je pense au choix rare assumé par le metteur en scène portugais Luis Miguel Cintra en 2015 (Lisbonne) de faire jouer aux acteurs la scène du récit du spectre non pas dans la distance et l’effroi, mais dans la proximité et l’affection impuissante.
- [13]
Je remercie Manon Montier, actuellement engagée dans un doctorat sur Représentations du théâtre shakespearien dans les éditions illustrées du xixe siècle sous la direction de Sylvain Ledda et Ségolène Le Men, et avec laquelle j’ai collaboré pour une exposition universitaire (Représenter Shakespeare par l’image : les éditions illustrées en France au xixe siècle ; Université de Rouen, UFR LSH, Bibliothèque universitaire, printemps 2017) de ses suggestions. Je la remercie également de m’avoir autorisée à puiser dans son fonds photographique pour cet article.
- [14]
Dans la pièce de Jean-François Ducis, jouée pour la première fois en septembre 1769 à Paris, le récit de la mort du roi est fait par Gertrude qui, dans cette tragédie, est une complice active, puis repentante, de Claudius (Acte II, sc. 1).
- [15]
Moritz Retzsch (1779-1857) a également illustré le Faust de Goethe. Voir pour plus d’informations : Viola Hildebrand-Schat, Zeichnung im Dienste der Literaturvermittlung : Moritz Retzschs Illustrationen als Ausdruck bürgerlichen Kulturverstehens, Würzburg, Königshausen & Neumann, 2004. La totalité de la série consacrée à Hamlet est consultable en ligne sur le site Folger Shakespeare Library :
https://luna.folger.edu/luna/servlet/view/search?search=SUBMIT&q=retzsch&dateRangeStart=&dateRangeEnd=&QuickSearchA=QuickSearchA - [16]
Christine Roger, La réception de Shakespeare en Allemagne de 1815 à 1850 : propagation et assimilation de la référence étrangère, Berne, Peter Lang, 2008, p. 294.
- [17]
Manon Montier, « L’avènement d’une iconographie shakespearienne en France : le cas des éditions illustrées au xixe siècle », communication présentée à la Journée des doctorants 2015, organisée par Guillaume Cousin à l’Université de Rouen le 27 mai 2015. (c) Publications numériques du CÉRÉdI, « Séminaires de recherche », n° 9, 2015. Voir les notes 6 et 7 pour des précisions sur ces « galeries ». URL : http://ceredi.labos.univ-rouen.fr/public/?l-avenement-d-une-iconographie.html
- [18]
Cette citation et les précédentes proviennent de la courte « Introduction extraite et traduite de l’allemand » à Hamlet dans Galerie de Shakespeare, dessins pour ses œuvres dramatiques gravés à l’eau-forte d’après Retzsch, avec des explications traduites de l’allemand du professeur Boettiger, par Mme Elise Voïart et des scènes de Shakespeare, traduites par M. Guizot et le traducteur de Lord Byron, A. Pichot, Paris, Audot, 1828-1832.
- [19]
Voir aussi Alan R. Young, Hamlet and the visual Arts, 1709-1900, op. cit., p. 142-147.
- [20]
Claude Paul, « Le polylogue des artistes en contexte intermédial », dans Carole Fischer (dir.), Intermédialités, op. cit., p. 141-160 ; cit. p. 149.
- [21]
Ibid., p. 151. Claude Paul emprunte le terme à Hans Robert Jauss pour en élargir le champ d’application. L’exemple développé dans l’article à propos des « rapports structurants complexes [qui] sont le propre du dialogue interartistique et intergénérationnel qui se noue au-travers des mythes » est une autre série d’illustrations réalisées par le même Moritz Retzsch pour le Faust de Goethe.
- [22]
Titre de l’un des chapitres de l’ouvrage de Louis Marin, Lectures traversières, Paris, Albin Michel, coll. « Bibliothèque du Collège international de philosophie », 1992.
- [23]
Louis Marin, « Préface-image : le frontispice des Contes-de-Perrault », Europe, n° 739-740, Charles Perrault, novembre-décembre 1990, p. 114.
- [24]
La fortune considérable de Hamlet au cinéma et dans les arts audio-visuels est révélée dans toute sa diversité dans l’impressionnante « Annotated Filmo-Bibliography » établie par José Ramón Diaz Fernández pour le volume Shakespeare on screen. Hamlet, op. cit., p. 369-532.
- [25]
Pierre Bayard, Enquête sur Hamlet. Le dialogue de sourds, Paris, Éditions de Minuit, coll. « Paradoxe », 2002, p. 121.
- [26]
Ibid., p. 176.
- [27]
Ibid., p. 177.
- [28]
Ibid., p. 178.
- [29]
Idem.
- [30]
Ibid., p. 179.
- [31]
Voir Bérengère Voisin (dir.), Fiction et vues imageantes : typologie et fonctionnalités, Studia Romanica Tartuensia, VII, Tartu, 2008.
- [32]
Sophie Rabau, B. comme Homère. L’invention de Victor B., Toulouse, Anarchasis, coll. « Essais », 2016, p. 3.
- [33]
Idem.
- [34]
Ian McEwan, Nutshell, London, J. Cape, 2016 ; Dans une coque de noix, trad. France Camus-Pichon, Paris, Gallimard, 2017, p. 13.
- [35]
Ibid., p. 111. Nous soulignons : « old mole » (vieille taupe) est l’une des apostrophes d’Hamlet au spectre dans la séquence où il veut faire jurer à ses compagnons de garder le secret sur ce qu’ils ont vu, tandis que le fantôme répète du fond de la terre « Swear » (Acte I, sc. 5, p. 104-105, trad. J.-M. Déprats).
- [36]
Ian McEwan, Nutshell, op. cit. et trad. cit., p. 147.
- [37]
Pour le voir en ligne, cliquer sur le lien suivant : http://www.tate.org.uk/art/artworks/maclise-the-play-scene-in-hamlet-n00422
- [38]
Hamlet, dans Œuvres complètes de Shakespeare, Paris, Librairie de l’Écho de la Sorbonne, réédition de la traduction de Benjamin Laroche avec deux cent dix-huit dessins de Félix-Joseph Barrias par Deghouy, 1856, [rééditions en 1864 et 1875].
- [39]
Hamlet, Acte III, sc. 2, dans Œuvres complètes de Shakespeare, traduction d’Émile Montégut, illustrée par Henry Courtney Selous, Paris, Hachette, 3 volumes, t. 3, 1867-1870, p. 509.
- [40]
Jules Lermina, Œuvres de William Shakespeare, traduction nouvelle, avec biographie, notes et glossaire, précédée d’une lettre de Victorien Sardou de l’Académie française, tome premier, L. Boulanger, Deux cent dix-sept dessins d’Albert Robida, 1898.
- [41]
Alan R. Young, Hamlet and the visual Arts, 1709-1900, op. cit., p. 135.
- [42]
W. Shakespeare, Hamlet, Acte III, sc. 4, trad. cit., p. 224-225.
- [43]
W. B. Worthen, Shakespeare Performance Studies, Cambridge University Press, 2014 ; édition Kindle, p. 154-155.
Pour citer cet article
Ariane Ferry, "Réinterprétations génériques et intermédiales d’une scène de meurtre : donner à voir et à revoir la mort du vieil Hamlet", SFLGC, Bibliothèque comparatiste, publié le 01/07/2019., URL : https://sflgc.org/acte/ferry-ariane-reinterpretations-generiques-et-intermediales-dune-scene-de-meurtre-donner-a-voir-et-a-revoir-la-mort-du-vieil-hamlet/, page consultée le 04 Décembre 2024.
Biographie de l'auteur
FERRY Ariane
Ariane Ferry est professeur de Littérature comparée à l’Université de Rouen Normandie. Son champ de recherche principal est la réécriture des mythes gréco-romains et modernes, dans le genre dramatique et dans le roman. Elle a publié en 2011 un ouvrage intitulé : Amphitryon, un mythe théâtral (Plaute, Rotrou, Molière, Dryden, Kleist). Elle travaille aussi sur l’histoire des traductions théâtrales (Plaute, Kleist…) et a codirigé avec Sylvie Humbert-Mougin le chapitre « Théâtre » du volume xixe siècle de l’Histoire des traductions en langue française (Y. Chevrel, L. D’hulst, C. Lombez dir.), Verdier, 2012. Elle a aussi dirigé Le Personnage historique de théâtre de 1789 à nos jours (Garnier, 2014) et codirigé avec Marianne Bouchardon Rendre accessible le théâtre étranger (Presses du Septentrion, 2017). Ses champs de recherche sont divers : réécriture des mythes au théâtre et dans le roman ; mythocritique (études diachroniques et synchroniques) ; histoire des traductions théâtrales ; histoire du théâtre ; questions de réception ; phénomènes de transgénéricité, transmédialité et transmodalisation ; figures féminines transgressives. Elle conduit actuellement avec Sandra Provini un projet de recherche collectif : La force des femmes, hier et aujourd’hui.