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Appel pour le premier numéro de la revue Pagaille : « Marâtre Nature. Quand Gaïa contre-attaque »
Date de l'échéance : 15/07/2019
Lieu de l'événement : /
Nom de l'organisateur : Revue Pagaille
Email de l'organisateur : contact@revue-pagaille.fr
Site web de référence : http://revue-pagaille.fr/
Présentation de la revue :
Pagaille est une revue numérique biannuelle indépendante de littératures et médias comparés, fondée par des chercheuses et chercheurs en littératures comparées. Elle a pour objectif de promouvoir l’approche comparatiste dans le champ des sciences humaines et sociales. Comme son nom l’indique, la revue entend explorer des champs particulièrement riches de la recherche actuelle, des espaces intellectuels en pagaille au sein desquels le comparatisme entend se frayer un chemin et apporter un éclairage spécifique. À ce titre, les démarches inter-, intra-, et transmédiales ont toute leur place dans la revue.
Corps de l’appel :
Dans un contexte de multiplication des phénomènes extrêmes causés par le dérèglement climatique, face à l’effondrement des écosystèmes et alors que la sixième extinction de masse a déjà commencé, on observe un début de prise de conscience, au sein de la société civile, de la nécessité de modifier nos comportements et d’alerter les pouvoirs publics. En témoignent l’Affaire du siècle, les marches pour le climat, les grèves scolaires initiées par Greta Thunberg ou encore les initiatives locales qui favorisent une économie plus « verte ». Depuis la fin des années 80, l’essor des humanités environnementales dans le sillage du spatial turn, avec l’écocritique, l’écopoétique, l’écosophie, la géocritique et la géopoétique montre que les sciences humaines se sont elles aussi efforcées de contribuer à une réflexion sur les liens entre l’homme et la planète. Le grand nombre de travaux et d’événements scientifiques récents sur ce sujet témoigne de l’urgence qu’il y a à se saisir de ces questions à l’ère de l’Anthropocène (pensons, par exemple, au projet Écolitt de l’université d’Angers, au site literature.green porté par l’université de Gand, au réseau interuniversitaire ZoneZadir, au colloque organisé sur le sujet à l’université de Sherbrooke en 2018, ou au dernier numéro de la revue Critique, « Vivre dans un monde abîmé »).
Pourtant, à rebours de certains paradigmes écocritiques actuels de réunification voire de symbiose entre l’homme et la nature, la littérature, les médias et les arts ont parfois mis en scène le fait que la Nature est tout autant capable de protéger que d’écraser de sa toute puissance la vanité humaine, de ramener à sa juste condition de petit mortel, d’être transitoire et faible, celui ou celle dont l'orgueil aurait enflé comme un bœuf. Du déluge purificateur aux plaies d’Égypte, de nombreux récits mythiques ont su construire l’image d’une nature capable de punir l’homme, de contre-attaquer. La nature apparaît alors comme une marâtre (« Ô marâtre nature », se plaignait déjà Du Bellay), une figure maternelle persécutrice avec laquelle se rejoue le mythe des origines et le roman familial décrits par la psychanalyse freudienne. Cet imaginaire de « marâtre nature » justifierait-il à lui seul l’ambition cartésienne de s’en « rendre comme maître et possesseur » par tous les moyens ? À l’inverse, serait-il une façon de rappeler à l’homme qu’il n’est qu’un rouage du système-Gaïa ?
Comment la littérature comparée peut-elle se saisir de ces interrogations ? Les appels récents visant à formaliser une écocritique comparée (Alain Suberchicot, Stephanie Posthumus) sont autant de signes de la tendance du comparatisme contemporain à prendre part à cette réflexion sur l’écologie en mettant en exergue les enjeux de la frontière dans la préhension de l’environnement. Que cette dernière soit linguistique, politique, artistique ou médiatique, elle informe la manière de penser la nature et son rapport à l’homme.
Pour ce premier numéro de Pagaille, nous aimerions réfléchir à cette conception de la nature, pensée non comme simple victime des sociétés humaines, soumise aux aléas des catastrophes écologiques causées par l'industrialisation massive, mais comme une force souveraine.
Loin de toute position d’arrière-garde, il ne s’agira aucunement d’appeler à un retour à une conception conservatrice et anthropocentrée de la nature, mais de s’interroger sur ce que la littérature et les arts disent du rapport des cultures humaines à l’environnement. En somme, de voir en quoi l’examen de la multitude - diachronique, synchronique, géographique, culturelle - des représentations d’une nature en pagaille, hors de contrôle, nous offre les moyens d’exhumer les structures de l’imaginaire qui ont fait, anthropologiquement, l’articulation des sociétés humaines à l’idée de nature.
Les propositions d’articles pourront s’inscrire dans un ou plusieurs des axes suivants.
I. La nature, mère cruelle
Les rapports entre l’homme et la nature ne sont ni monolithiques, ni univoques. Alors que la tradition héritée de l’humanisme et des Lumières avait laissé espérer que l’homme puisse s’extraire de la nature, le dérèglement des écosystèmes nous oblige aujourd’hui à reconsidérer l’opposition entre nature et culture, que l’histoire a érigée au rang d’évidence (e.g. Vincent Message). En quoi les objets culturels participent-ils de cette réflexion commune autour de ce qui fait ou non « nature » ? Quelles sont les frontières de la nature, ses bornes culturelles et ethnographiques ? Comprend-elle les animaux ? Le non-vivant ? Les roches ? Les virus ? Tout cela à la fois ? La nature de l’homme et ses inclinations sont-elles également une émanation de la nature ?
Dans une perspective écoféministe, on pourra s’interroger sur la représentation de cette nature féminisée en une figure maternelle vengeresse et sur les présupposés idéologiques qu’elle recouvre. À l’image de la figure de « Dame nature » qui offre une représentation naïve, candide et chaste de la femme, comment les incarnations de la « Marâtre nature » dans le champ artistique construisent-elles une image problématique des femmes, notamment dans la mise en scène des rapports de force qu’elle induit et qu’elle met au jour entre les genres ?
II. Face-à-face et rapports de force entre l’homme et la Nature hostile
Quel rôle ont joué les récits d’aventures, qui placent l’humain into the wild et qui ménagent ainsi des face-à-face entre l’homme et la nature, dans la construction d’une nature hostile (e.g. Jack London, David Vann) ? Que dire de la représentation de la nature dans les œuvres de science-fiction apocalyptiques ? Peut-on envisager une représentation de l’anéantissement total de l’homme par la nature, que ce soit dans la littérature, le cinéma ou encore le jeu vidéo ? Existe-t-il des œuvres qui s’affranchissent des rapports et motifs topiques, enfermant la nature hostile dans des métaphores éculées (le déluge comme châtiment divin, la forêt comme métaphore sexuelle, etc.) ? Dans quelle mesure cette représentation menaçante de la nature renvoie-t-elle à une vision ethnocentrée ?
Ce face-à-face peut également évoluer en fonction des âges de la vie envisagés par les œuvres de fiction. Dans la littérature de jeunesse par exemple, des Contes de Perrault et des frères Grimm jusqu’aux récits plus récents d’Yves-Marie Clément, en quoi la nature apparaît-elle comme une force anxiogène, dangereuse pour l’enfant qui s’y attarde ou qui s’y perd, aux antipodes de la belle Nature, riche d’enseignements pour le jeune Émile qui y parfait son éducation ?
Quelles sont les positions idéologiques et/ou politiques des auteurs décrivant une nature hostile (e.g. Edward Abbey) ? Dans quelle mesure sont-elles marquées par une époque, un régime politique ou un lieu spécifique ? En quoi l’engagement écologique d’un écrivain suppose-t-il l’élaboration de nouveaux styles d’écriture, d’une poétique renouvelée capable de dire le monde animal et végétal ? Les littératures environnementales traitant de la nature hostile débouchent-elles sur des actions concrètes (engagement politique, actions pédagogiques, démarches de vulgarisation) ?
III. Épistémologie de la catastrophe
La catastrophe est-elle simplement naturelle ou relève-t-elle forcément d’un rapport à l’humain, inscrit dans les discours et les représentations ? Comment penser une épistémologie de la catastrophe, et comment s’envisage le temps de l’après ? Combien de catastrophes naturelles ont-elles été interprétées à travers un prisme axiologique - désastre de Pompéi, séisme de Lisbonne - faisant de la Nature une force vengeresse, punitive voire épuratrice ? Quel lien la littérature tisse-t-elle entre fatalité et catastrophe naturelle, en montrant un homme soumis aux éléments telluriques qu’il ne contrôle pas: sécheresses, inondations, cyclones, tsunamis, séismes (e.g. Graciliano Ramos, Jesmyn Ward, Emmanuel Carrère, Philippe Quesne) ?
Peut-on envisager des spécificités géographiques dans le traitement de la nature hostile et des catastrophes naturelles ? Des poétiques de la catastrophe surgissent-elles dans les régions particulièrement menacées par le dérèglement climatique (e.g. Maryse Condé, Patrick Chamoiseau)? Comment les écrivaines et les écrivains fantasment-il cette nature hostile et inquiétante, notamment dans les « mondes renversés » qu’il nous donne à voir, ces loci horribiles où « un aspic [peut] s’accouple[r] d’une ourse » et « un serpent déchire[r] un vautour » (Théophile de Viau, « Ode ») ? Comment la catastrophe naturelle devient-elle un moteur de la création littéraire ?
Modalités de soumission :
Comité scientifique :
Comité de rédaction :
Bibliographie indicative :
BLANC, Nathalie, CHARTIER, Denis et PUGHE, Thomas, « Littérature et écologie : vers une écopoétique », Écologie & politique, n° 36, 2008, p. 15-28
BONVALOT, Anne-Laure, « Literaturas ambientales del Sur global para el pluriverso: hacia una poética decolonial del género » dans Brice Chamouleau (dir.), De colonialidad. Perspectivas sobre sujetos y género en la historia contemporánea española, Madrid, Postmetropolis Editorial, 2017, p. 49-70
CHELEBOURG, Christian, Les Écofictions. Mythologies de la fin du monde, Bruxelles, Les Impressions nouvelles, 2012
CHONÉ, Aurélie, HAJEK, Isabelle et HAMMAN, Philippe (dir.), Guide des Humanités environnementales [en ligne], Villeneuve d'Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2016. URL : http://books.openedition.org/septentrion/19284
CLARK, Timothy, The Cambridge Introduction to Literature and the Environment, Cambridge, Cambridge University Press, 2011
CLARK, Timothy, Ecocriticism on the Edge: the Anthropocene as a Threshold Concept, New York/Londres, Bloomsbury, 2015
COLLOT, Michel, Pour une géographie littéraire, Paris, Corti, 2014
DESCOLA, Philippe, Par-delà nature et culture, Paris, Gallimard, 2005
ENGÉLIBERT, Jean-Paul, Apocalypses sans royaume. Politique des fictions de la fin du monde, XXe-XXIe siècles, Paris, Classiques Garnier, 2013
FINCH-RACE, Daniel A. et POSTHUMUS, Stephanie (dir.), French Ecocriticism. From the Early Modern Period to the Twenty-First Century, Frankfurt am Main, Peter Lang, 2017
GUATTARI, Félix, Qu'est-ce que l'écosophie ?, éd. Stéphane Nadaud, Ardennes, Lignes/IMEC, 2013
GUEST, Bertrand, Révolutions dans le cosmos. Essais de libération géographique : Humboldt, Thoreau, Reclus, Paris, Classiques Garnier, 2017
HEISE, Ursula K., « The Hitchhiker's Guide to Ecocriticism », PMLA, vol. 121, n° 2, 2006, p. 503-516
LATOUCHE, Serge et al., Krisis, « Nature ? », n° 49, 2018
LATOUR, Bruno, Face à Gaïa : huit conférences sur le nouveau régime climatique, Paris, La Découverte, 2015
LATOUR, Bruno, Politiques de la nature, Comment faire entrer les sciences en démocratie, Paris, La Découverte, 1999
LAVOCAT, Françoise (dir.), Pestes, incendies, naufrages. Écritures du désastre au dix-septième siècle, Turnhout (Belgique), Brepols, 2011
MACÉ, Marielle et al., Critique, « Vivre dans un monde abîmé », n° 860-861, vol. 1, 2019. URL: https://www.cairn.info/revue-critique-2019-1.htm
POSTHUMUS, Stephanie, French Écocritique. Reading Contemporary French Theory and Fiction Ecologically, Toronto, University of Toronto Press, 2017
SCHAEFFER, Alain, La Fin de l'exception humaine, Paris, Gallimard, 2007
SCHOENTJES, Pierre, Ce qui a lieu. Essai d’écopoétique, Paris, Wildproject, 2015
STRAUSER, Joëlle et BERT, Jean-François, Le Portique [en ligne], « Catastrophe(s)? », n°22, 2009. URL: https://journals.openedition.org/leportique/1973
SUBERCHICOT, Alain, Littérature et environnement. Pour une écocritique comparée, Paris, Honoré Champion, 2012
VOISIN, Patrick, EcolΩ. Écologie et environnement en Grèce et à Rome, Paris, Belles Lettres, 2014
WESTLING, Louise, The Cambridge Companion to Literature and the Environment, Cambridge, Cambridge University Press, 2014
WESTPHAL, Bertrand, La Géocritique : réel, fiction, espace, Paris, Minuit, 2007
WOLFE, Cary, What is Posthumanism ?, Minneapolis/Londres, UP Minnesota, 2010
Pagaille est une revue numérique biannuelle indépendante de littératures et médias comparés, fondée par des chercheuses et chercheurs en littératures comparées. Elle a pour objectif de promouvoir l’approche comparatiste dans le champ des sciences humaines et sociales. Comme son nom l’indique, la revue entend explorer des champs particulièrement riches de la recherche actuelle, des espaces intellectuels en pagaille au sein desquels le comparatisme entend se frayer un chemin et apporter un éclairage spécifique. À ce titre, les démarches inter-, intra-, et transmédiales ont toute leur place dans la revue.
Corps de l’appel :
Dans un contexte de multiplication des phénomènes extrêmes causés par le dérèglement climatique, face à l’effondrement des écosystèmes et alors que la sixième extinction de masse a déjà commencé, on observe un début de prise de conscience, au sein de la société civile, de la nécessité de modifier nos comportements et d’alerter les pouvoirs publics. En témoignent l’Affaire du siècle, les marches pour le climat, les grèves scolaires initiées par Greta Thunberg ou encore les initiatives locales qui favorisent une économie plus « verte ». Depuis la fin des années 80, l’essor des humanités environnementales dans le sillage du spatial turn, avec l’écocritique, l’écopoétique, l’écosophie, la géocritique et la géopoétique montre que les sciences humaines se sont elles aussi efforcées de contribuer à une réflexion sur les liens entre l’homme et la planète. Le grand nombre de travaux et d’événements scientifiques récents sur ce sujet témoigne de l’urgence qu’il y a à se saisir de ces questions à l’ère de l’Anthropocène (pensons, par exemple, au projet Écolitt de l’université d’Angers, au site literature.green porté par l’université de Gand, au réseau interuniversitaire ZoneZadir, au colloque organisé sur le sujet à l’université de Sherbrooke en 2018, ou au dernier numéro de la revue Critique, « Vivre dans un monde abîmé »).
Pourtant, à rebours de certains paradigmes écocritiques actuels de réunification voire de symbiose entre l’homme et la nature, la littérature, les médias et les arts ont parfois mis en scène le fait que la Nature est tout autant capable de protéger que d’écraser de sa toute puissance la vanité humaine, de ramener à sa juste condition de petit mortel, d’être transitoire et faible, celui ou celle dont l'orgueil aurait enflé comme un bœuf. Du déluge purificateur aux plaies d’Égypte, de nombreux récits mythiques ont su construire l’image d’une nature capable de punir l’homme, de contre-attaquer. La nature apparaît alors comme une marâtre (« Ô marâtre nature », se plaignait déjà Du Bellay), une figure maternelle persécutrice avec laquelle se rejoue le mythe des origines et le roman familial décrits par la psychanalyse freudienne. Cet imaginaire de « marâtre nature » justifierait-il à lui seul l’ambition cartésienne de s’en « rendre comme maître et possesseur » par tous les moyens ? À l’inverse, serait-il une façon de rappeler à l’homme qu’il n’est qu’un rouage du système-Gaïa ?
Comment la littérature comparée peut-elle se saisir de ces interrogations ? Les appels récents visant à formaliser une écocritique comparée (Alain Suberchicot, Stephanie Posthumus) sont autant de signes de la tendance du comparatisme contemporain à prendre part à cette réflexion sur l’écologie en mettant en exergue les enjeux de la frontière dans la préhension de l’environnement. Que cette dernière soit linguistique, politique, artistique ou médiatique, elle informe la manière de penser la nature et son rapport à l’homme.
Pour ce premier numéro de Pagaille, nous aimerions réfléchir à cette conception de la nature, pensée non comme simple victime des sociétés humaines, soumise aux aléas des catastrophes écologiques causées par l'industrialisation massive, mais comme une force souveraine.
Loin de toute position d’arrière-garde, il ne s’agira aucunement d’appeler à un retour à une conception conservatrice et anthropocentrée de la nature, mais de s’interroger sur ce que la littérature et les arts disent du rapport des cultures humaines à l’environnement. En somme, de voir en quoi l’examen de la multitude - diachronique, synchronique, géographique, culturelle - des représentations d’une nature en pagaille, hors de contrôle, nous offre les moyens d’exhumer les structures de l’imaginaire qui ont fait, anthropologiquement, l’articulation des sociétés humaines à l’idée de nature.
Les propositions d’articles pourront s’inscrire dans un ou plusieurs des axes suivants.
I. La nature, mère cruelle
- Nature, quelle nature ?
Les rapports entre l’homme et la nature ne sont ni monolithiques, ni univoques. Alors que la tradition héritée de l’humanisme et des Lumières avait laissé espérer que l’homme puisse s’extraire de la nature, le dérèglement des écosystèmes nous oblige aujourd’hui à reconsidérer l’opposition entre nature et culture, que l’histoire a érigée au rang d’évidence (e.g. Vincent Message). En quoi les objets culturels participent-ils de cette réflexion commune autour de ce qui fait ou non « nature » ? Quelles sont les frontières de la nature, ses bornes culturelles et ethnographiques ? Comprend-elle les animaux ? Le non-vivant ? Les roches ? Les virus ? Tout cela à la fois ? La nature de l’homme et ses inclinations sont-elles également une émanation de la nature ?
- Le genre de la Nature
Dans une perspective écoféministe, on pourra s’interroger sur la représentation de cette nature féminisée en une figure maternelle vengeresse et sur les présupposés idéologiques qu’elle recouvre. À l’image de la figure de « Dame nature » qui offre une représentation naïve, candide et chaste de la femme, comment les incarnations de la « Marâtre nature » dans le champ artistique construisent-elles une image problématique des femmes, notamment dans la mise en scène des rapports de force qu’elle induit et qu’elle met au jour entre les genres ?
II. Face-à-face et rapports de force entre l’homme et la Nature hostile
- La Nature, destructrice de la civilisation
Quel rôle ont joué les récits d’aventures, qui placent l’humain into the wild et qui ménagent ainsi des face-à-face entre l’homme et la nature, dans la construction d’une nature hostile (e.g. Jack London, David Vann) ? Que dire de la représentation de la nature dans les œuvres de science-fiction apocalyptiques ? Peut-on envisager une représentation de l’anéantissement total de l’homme par la nature, que ce soit dans la littérature, le cinéma ou encore le jeu vidéo ? Existe-t-il des œuvres qui s’affranchissent des rapports et motifs topiques, enfermant la nature hostile dans des métaphores éculées (le déluge comme châtiment divin, la forêt comme métaphore sexuelle, etc.) ? Dans quelle mesure cette représentation menaçante de la nature renvoie-t-elle à une vision ethnocentrée ?
- L’enfance, période privilégiée du rapport à la Nature ?
Ce face-à-face peut également évoluer en fonction des âges de la vie envisagés par les œuvres de fiction. Dans la littérature de jeunesse par exemple, des Contes de Perrault et des frères Grimm jusqu’aux récits plus récents d’Yves-Marie Clément, en quoi la nature apparaît-elle comme une force anxiogène, dangereuse pour l’enfant qui s’y attarde ou qui s’y perd, aux antipodes de la belle Nature, riche d’enseignements pour le jeune Émile qui y parfait son éducation ?
- Approches politiques et engagement
Quelles sont les positions idéologiques et/ou politiques des auteurs décrivant une nature hostile (e.g. Edward Abbey) ? Dans quelle mesure sont-elles marquées par une époque, un régime politique ou un lieu spécifique ? En quoi l’engagement écologique d’un écrivain suppose-t-il l’élaboration de nouveaux styles d’écriture, d’une poétique renouvelée capable de dire le monde animal et végétal ? Les littératures environnementales traitant de la nature hostile débouchent-elles sur des actions concrètes (engagement politique, actions pédagogiques, démarches de vulgarisation) ?
III. Épistémologie de la catastrophe
- Catastrophe et imaginaire
La catastrophe est-elle simplement naturelle ou relève-t-elle forcément d’un rapport à l’humain, inscrit dans les discours et les représentations ? Comment penser une épistémologie de la catastrophe, et comment s’envisage le temps de l’après ? Combien de catastrophes naturelles ont-elles été interprétées à travers un prisme axiologique - désastre de Pompéi, séisme de Lisbonne - faisant de la Nature une force vengeresse, punitive voire épuratrice ? Quel lien la littérature tisse-t-elle entre fatalité et catastrophe naturelle, en montrant un homme soumis aux éléments telluriques qu’il ne contrôle pas: sécheresses, inondations, cyclones, tsunamis, séismes (e.g. Graciliano Ramos, Jesmyn Ward, Emmanuel Carrère, Philippe Quesne) ?
- Géographie de la catastrophe
Peut-on envisager des spécificités géographiques dans le traitement de la nature hostile et des catastrophes naturelles ? Des poétiques de la catastrophe surgissent-elles dans les régions particulièrement menacées par le dérèglement climatique (e.g. Maryse Condé, Patrick Chamoiseau)? Comment les écrivaines et les écrivains fantasment-il cette nature hostile et inquiétante, notamment dans les « mondes renversés » qu’il nous donne à voir, ces loci horribiles où « un aspic [peut] s’accouple[r] d’une ourse » et « un serpent déchire[r] un vautour » (Théophile de Viau, « Ode ») ? Comment la catastrophe naturelle devient-elle un moteur de la création littéraire ?
Modalités de soumission :
- Les propositions d’articles entre 3000 et 5000 signes, accompagnées d’une bio-bibliographie et de 5 mots-clés, sont à envoyer avant le 15 juillet 2019 à l’adresse mail suivante : contact@revue-pagaille.fr
- Les notifications aux auteurs seront envoyées à partir de la fin du mois de juillet 2019.
- L’article (de 35 000 à 45 000 signes espaces compris) sera à envoyer avant le 1er décembre 2019 pour évaluation en double aveugle par le comité scientifique.
- La publication du numéro est prévue en décembre 2020 sur le site de la revue : http://revue-pagaille.fr
Comité scientifique :
- Nathalie Blanc (CNRS)
- Anne-Laure Bonvalot (Université Paul-Valéry Montpellier 3)
- Chloé Chaudet (Université Clermont Auvergne)
- Yvan Daniel (Université de La Rochelle)
- Xavier Garnier (Université Sorbonne-Nouvelle)
- Bertrand Guest (Université d’Angers)
- Anne-Rachel Hermetet (Université d’Angers)
- Françoise Lavocat (Université Sorbonne-Nouvelle)
- Lucie Taïeb (Université de Bretagne Occidentale)
- Pierre Schoentjes (Université de Gand)
Comité de rédaction :
- Manon Amandio (Université Paris Nanterre)
- Julie Brugier (Université Paris Nanterre)
- Hélène Dubail (Université Paris Nanterre)
- Amandine Lebarbier (Université Paris Nanterre)
- Sébastien Wit (Université de Picardie Jules Verne)
Bibliographie indicative :
BLANC, Nathalie, CHARTIER, Denis et PUGHE, Thomas, « Littérature et écologie : vers une écopoétique », Écologie & politique, n° 36, 2008, p. 15-28
BONVALOT, Anne-Laure, « Literaturas ambientales del Sur global para el pluriverso: hacia una poética decolonial del género » dans Brice Chamouleau (dir.), De colonialidad. Perspectivas sobre sujetos y género en la historia contemporánea española, Madrid, Postmetropolis Editorial, 2017, p. 49-70
CHELEBOURG, Christian, Les Écofictions. Mythologies de la fin du monde, Bruxelles, Les Impressions nouvelles, 2012
CHONÉ, Aurélie, HAJEK, Isabelle et HAMMAN, Philippe (dir.), Guide des Humanités environnementales [en ligne], Villeneuve d'Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2016. URL : http://books.openedition.org/septentrion/19284
CLARK, Timothy, The Cambridge Introduction to Literature and the Environment, Cambridge, Cambridge University Press, 2011
CLARK, Timothy, Ecocriticism on the Edge: the Anthropocene as a Threshold Concept, New York/Londres, Bloomsbury, 2015
COLLOT, Michel, Pour une géographie littéraire, Paris, Corti, 2014
DESCOLA, Philippe, Par-delà nature et culture, Paris, Gallimard, 2005
ENGÉLIBERT, Jean-Paul, Apocalypses sans royaume. Politique des fictions de la fin du monde, XXe-XXIe siècles, Paris, Classiques Garnier, 2013
FINCH-RACE, Daniel A. et POSTHUMUS, Stephanie (dir.), French Ecocriticism. From the Early Modern Period to the Twenty-First Century, Frankfurt am Main, Peter Lang, 2017
GUATTARI, Félix, Qu'est-ce que l'écosophie ?, éd. Stéphane Nadaud, Ardennes, Lignes/IMEC, 2013
GUEST, Bertrand, Révolutions dans le cosmos. Essais de libération géographique : Humboldt, Thoreau, Reclus, Paris, Classiques Garnier, 2017
HEISE, Ursula K., « The Hitchhiker's Guide to Ecocriticism », PMLA, vol. 121, n° 2, 2006, p. 503-516
LATOUCHE, Serge et al., Krisis, « Nature ? », n° 49, 2018
LATOUR, Bruno, Face à Gaïa : huit conférences sur le nouveau régime climatique, Paris, La Découverte, 2015
LATOUR, Bruno, Politiques de la nature, Comment faire entrer les sciences en démocratie, Paris, La Découverte, 1999
LAVOCAT, Françoise (dir.), Pestes, incendies, naufrages. Écritures du désastre au dix-septième siècle, Turnhout (Belgique), Brepols, 2011
MACÉ, Marielle et al., Critique, « Vivre dans un monde abîmé », n° 860-861, vol. 1, 2019. URL: https://www.cairn.info/revue-critique-2019-1.htm
POSTHUMUS, Stephanie, French Écocritique. Reading Contemporary French Theory and Fiction Ecologically, Toronto, University of Toronto Press, 2017
SCHAEFFER, Alain, La Fin de l'exception humaine, Paris, Gallimard, 2007
SCHOENTJES, Pierre, Ce qui a lieu. Essai d’écopoétique, Paris, Wildproject, 2015
STRAUSER, Joëlle et BERT, Jean-François, Le Portique [en ligne], « Catastrophe(s)? », n°22, 2009. URL: https://journals.openedition.org/leportique/1973
SUBERCHICOT, Alain, Littérature et environnement. Pour une écocritique comparée, Paris, Honoré Champion, 2012
VOISIN, Patrick, EcolΩ. Écologie et environnement en Grèce et à Rome, Paris, Belles Lettres, 2014
WESTLING, Louise, The Cambridge Companion to Literature and the Environment, Cambridge, Cambridge University Press, 2014
WESTPHAL, Bertrand, La Géocritique : réel, fiction, espace, Paris, Minuit, 2007
WOLFE, Cary, What is Posthumanism ?, Minneapolis/Londres, UP Minnesota, 2010
Source de l'information : Sébastien Wit