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ARTICLE
La parution en 2014 du livre de Marie-Jeanne Zenetti, Factographies : l’enregistrement à l’époque contemporaine a suscité un regain d’intérêt pour le concept de « factographie ». Ce livre propose en effet d’analyser à la lumière de ce terme certaines œuvres d’écrivains récents ou contemporains, tels que Charles Reznikoff, Alexander Kluge, Georges Perec, Annie Ernaux et Marcel Cohen. La chercheuse reconnaît dans son introduction qu’elle emprunte ce néologisme aux « membres de l’avant-garde constructiviste russe des années 20 [1] », mais elle en fait rapidement une notion vacante, lui reprochant son flou définitionnel et la faiblesse esthétique des œuvres qu’elle désigne, en raison de la « simplicité du geste de représentation factographique [2] », avant de construire sa propre définition de la factographie comme art de l’enregistrement et de la notation :
Les factographies qui font l’objet de cette étude sont ainsi clairement distinctes de la faktografiâ des constructivistes russes des années 20, aussi bien d’un point de vue formel qu’en ce qui concerne leur prétention à transformer le réel telle qu’elle a été revendiquée par les productivistes [3] .
Les analyses développées dans la suite du livre sont toujours passionnantes, en particulier l’idée d’un « pacte documentaire problématique », idée qui ruine la transparence revendiquée du document : celui-ci est toujours une construction du réel. Cependant, il nous semble utile de revenir à l’origine du terme de factographie, tel qu’il apparaît en URSS, en 1929 précisément, quand les membres de la revue Novy LEF publient un volume intitulé La littérature des faits [4] , qui est une défense et une illustration de la littérature documentaire.
Rappelons brièvement que la revue LEF (Front gauche de l’art) est fondée par Vladimir Maïakovski en mars 1923 et qu’elle compte sept numéros jusqu’en janvier 1925. Elle regroupe les « Lefistes » comme Ossip Brik ou Boris Asseev. Elle est rebaptisée Novy LEF en 1927 et accueille plus largement les « formalistes », à savoir les théoriciens de l’OPOÏAZ (Société pour l'étude du langage poétique) comme Serge Tretiakov, Viktor Chklovski, Iouri Tynianov ou Boris Eichenbaum, qui avaient déjà collaboré au numéro 5 de l’ancienne formule, lequel était intitulé « La langue et le style de Lénine ». Novy LEF va compter douze numéros dirigés par Vladimir Maïakovski, puis par Serge Tretiakov. Au début des années 1930, les porte-paroles du formalisme sont contraints de réviser leurs positions, dans le contexte d’un affrontement idéologique avec les membres de la RAPP (Association russe des écrivains prolétariens [5] ). Ainsi, Chklovski prononce son autocritique devant l’Union des Écrivains en 1930 et Tretiakov se convertit au réalisme socialiste en 1934. Il sera accusé d’espionnage et exécuté en 1939. Les articles rassemblés en 1929 dans le volume Literatura fakta coordonné par Nikolaï Tchoujak et Serge Tretiakov revêtent ainsi une grande importance historique et apparaissent comme l’aboutissement du Novy LEF et comme le testament du groupe formaliste : Gérard Conio y voit « la dernière flambée d’utopie avant le triomphe d’un pragmatisme et d’un conformisme dictés par la raison d’État [6] ». Ces articles militent pour une redéfinition du système des genres littéraires, prônant l’abolition du lyrisme poétique et de la fiction romanesque au profit d’une écriture des « faits ».
Cette proposition se comprend à la lumière des réflexions des formalistes sur la notion de genre. Dans son livre Théorie de la littérature (poétique), Boris Tomachevski définit les genres par l’alliance d’un contenu et d’une forme spécifique (« un groupement de procédés »), soumise à la diachronie :
Жанры живут и развиваются. […] Жанр испытывает эволюцию, а иной раз и резкую революцию. […] Рыцарский роман средних веков и современный роман Андрея Белого и Пильняка могут не иметь никаких общих признаков, и, однако, современный роман появился в результате медленной, многовековой эволюции древнего романа. […] С другой стороны, мы постоянно присутствуем при зарождении новых жанров из распада старых. […] В смене жанров любопытно постоянное вытеснение высоких жанров низкими. И здесь можно провести параллель с социальной эволюцией, в процессе которой "высокие" господствующие классы постепенно вытесняются демократическими, "низкими" слоями.
Les genres vivent et se développent. […] Le genre subit une évolution et parfois une révolution. […] Le roman de chevalerie du Moyen-âge et le roman contemporain d’André Biély ou de Pilniak peuvent n’avoir aucun trait commun, et cependant le roman contemporain apparaît comme le résultat d’une lente évolution séculaire du roman primitif. […] Nous assistons sans cesse à la naissance de genres nouveaux à partir des anciens qui se désagrègent. […] Le remplacement constant des genres élevés par des genres vulgaires appartient au processus de succession des genres. On peut également le mettre en parallèle avec l’évolution sociale, au cours de laquelle les classes « supérieures », dominantes, sont progressivement remplacées par des couches démocratiques, « inférieures [7] ».
De même, Iouri Tynianov affirme dans son livre Archaïstes et novateurs l’historicité et l’interdépendance des genres, et il développe l’idée que la littérarité d’un texte est toute relative – idée que l’on retrouve dans nombre d’articles formalistes de l’époque :
То, что в одной эпохе является литературным фактом, то для другой будет общеречевым бытовым явлением, и наоборот, в зависимости от всей литературной системы, в которой данный факт обращается. Так, дружеское письмо Державина - факт бытовой, дружеское письмо карамзинской и пушкинской эпохи - факт литературный. Ср. литературность мемуаров и дневников в одной системе литературы и внелитературность в другой.
Ce qui est « fait littéraire » pour une époque sera un phénomène linguistique relevant de la vie sociale pour une autre et inversement, selon le système littéraire par rapport auquel ce fait se situe. Ainsi une lettre à un ami de Derjavine est un fait de la vie sociale ; à l’époque de Karamzine et de Pouchkine, la même lettre amicale est un fait littéraire. Témoin le caractère littéraire des mémoires et des journaux dans un système littéraire et leur caractère extra-littéraire dans un autre [8] .
À la lumière de ces réflexions, la « littérature factuelle » ou « factographie » peut se comprendre comme un nouveau genre littéraire que les contributeurs du LEF appellent de leurs vœux (et que certains mettent en œuvre) et comme une forme originale capable de rendre compte de la nouvelle société qui semble se mettre en place. Il convient cependant de s’interroger sur le caractère réellement novateur de ce genre, dans la mesure où, comme l’indiquent les deux citations précédentes, un genre de naît pas ex nihilo, mais résulte de la modification de genres antérieurs. En dernier lieu, je propose quelques hypothèses permettant de comprendre le faible écho rencontré en France par la promotion du genre factographique.
Positions
Le volume Literatura fakta publié en 1929 donne une armature théorique aux réflexions antérieures de Viktor Chklovski et d’Ossip Brik notamment sur l’importance du « fait » en littérature [9] . Il rassemble quarante-trois articles, certains étant repris des numéros antérieurs de la revue [10] . Les contributeurs sont : Tretiakov (9 contributions), Chklovski (7), Brik (6), Neznamov (6), Tchoujak (5), Trenin (2), Grits (2) et Pertsov (1). Le volume comporte enfin trois articles anonymes signés « LEF ». Par ailleurs, le recueil est structuré en six parties. La première, intitulée « Literatura fakta », est la plus percutante sur le plan théorique. Elle rassemble des articles affirmant de grands principes, en particulier l’opposition entre fait et fiction. Ainsi, Nikolaï Tchoujak écrit dans « Vade-mecum de l’écrivain », le premier article du volume :
Никакого сюжета мы нарочито не разрушаем: сюжет разлагается сам собою. Разлагается потому, что разлагается традиционный роман. И кроме того, говоря условно о разрушении сюжета, мы имеем в виду искусственный сюжет, т. е. фабулу, а не сюжет вообще. […] Сюжет невыдуманный есть во всякой очерково-описательной литературе. Мемуары, путешествия, человеческие документы, биографии, история — все это столь же натурально-сюжетно, как сюжетна и сама действительность. Такой сюжет мы разрушать не собираемся, да и разрушить его нельзя. Жизнь — очень неплохая выдумщица, а мы — всячески за жизнь. […] Вот это-то, товарищи, и будет искусство (т. е. умение): искусство видеть, во-первых, и искусство передать, во-вторых. Искусство увидеть скрытый от невооруженного взгляда сюжет — это значит искусство продвижки факта; а искусство изложить такой сюжет будет литература продвижки факта.
Nous ne détruisons à dessein aucun « sujet » : le « sujet » se désintègre tout seul. Il se désintègre parce que se désintègre le roman traditionnel. Et en outre, en parlant conditionnellement de la destruction du « sujet », nous avons en vue le « sujet » artificiel, c’est-à-dire la fable et non le « sujet » en général. […] Le « sujet » non inventé se trouve dans toute littérature descriptive et d’essai. Les mémoires, les voyages, les témoignages humains, les biographies, l’histoire – tout cela relève aussi naturellement du « sujet » que la réalité elle-même. Nous n’avons pas l’intention de détruire un tel « sujet » et d’ailleurs, il est interdit de le détruire. La vie n’est pas du tout mauvaise inventrice et nous sommes dans tous les cas pour la vie. […] Voilà donc, camarades, ce qui sera l’art (c’est-à-dire, le savoir-faire) : l’art de voir, tout d’abord, et l’art de transmettre, en second lieu. L’art de voir le « sujet » caché à l’œil non exercé, cela signifie l’art de promouvoir les faits ; et l’art d’exposer un tel « sujet » sera la littérature de la progression des faits (par abréviation nous l’appellerons tout simplement littérature factuelle) [11] .
Le parti pris, quelque peu péremptoire, de la vie contre l’invention, repose ici sur un argument de dissociation qui renvoie dos à dos les deux sens du terme « sujet » [сюжет / sûžet], lequel désigne soit le thème trouvé au sein du réel par l’écrivain, soit la mise en forme littéraire (selon la terminologie de Chklovski). Ces quelques lignes donnent un aperçu assez exact du ton de l’ensemble du recueil. Les deuxième, troisième et quatrième parties rassemblent une petite vingtaine d’articles critiques, souvent courts, chacun étant généralement centré sur un livre (Le Ciment de Gladkov, La Destruction de Fadeev, etc.), un auteur (Gorki) ou un courant (la poésie contemporaine et le roman contemporain). L’ensemble est généralement hostile aux textes envisagés. Enfin, les cinquième et la sixième parties donnent à lire une autre vingtaine d’articles plus positifs portant sur des textes ou des ouvrages récents, qui sont donnés comme des exemples à suivre. On observe non sans sourire que la plupart des textes signalés sont en fait écrits par des membres ou des proches du LEF, comme Tretiakov, Kouchner et Tchoujak.
L’articulation entre une première partie théorique et les cinq parties suivantes placées sous le signe de la critique indique que l’orientation du volume Literatura fakta n’est pas seulement programmatique. Plusieurs œuvres écrites dans les années précédant sa publication, ainsi qu’au cours des années 1930, semblent témoigner de la naissance effective d’un genre nouveau, la factographie, qui pourrait se décliner en trois grands types de textes : les reportages, les textes autobiographiques et les autres. Le premier type de factographie concerne les articles et les essais d’information générale, et connaît une véritable floraison dans l’URSS des années 1920. Ainsi, Tretiakov abandonne par exemple la poésie et le théâtre pour rédiger des articles sur des sujets divers (kolkhozes, usines, aviation), sans renoncer pour autant à une haute exigence littéraire, comme nous le verrons ci-dessous. Le deuxième type est formé par les textes autobiographiques : citons en particulier les trois livres publiés par Chklovski au milieu des années 1920 (Voyage sentimental [12] en 1923, Zoo. Lettres qui ne parlent pas d’amour ou la 3e Héloïse [13] en 1923 également et La Troisième Fabrique [14] en 1926), trois livres qui se caractérisent par une esthétique de la diversité, du montage et du fragment. Comme ces quelques exemples le laissent entendre, distinguer ces deux types de textes est sujet à caution : Tretiakov rédige ses reportages à la première personne quand Chklovski joue sur la gamme complète des genres autobiographiques, allant du journal intime aux mémoires politiques rendant compte des transformations de son époque. Le troisième et dernier type, encore plus problématique, renvoie à des textes plus tardifs qui flirtent avec la fiction, genre qui semblait pourtant banni dans Literatura fakta. Il s’agit des nombreux exemples de biographies romancées, à l’image de la trilogie que Tynianov a consacrée à la sphère littéraire à l’époque de Pouchkine [15] , ainsi que de fictions documentaires, à l’instar du livre passionnant d’Ehrenbourg, 10CV [16] (1929) qui allie personnages fictifs et documents authentiques abondants (à côté desquels les énoncés réels insérés par Dos Passos dans USA ou Döblin dans Berlin Alexanderplatz paraissent anecdotiques). Nous reviendrons sur ce paradoxe.
Innovation ?
Par-delà les proclamations théoriques de Literatura fakta et l’abondance de textes factographiques, dont certains mettent consciemment en œuvre ces proclamations, il est cependant permis de douter de la solidité du concept de « factographie », et ce pour au moins trois raisons : ce type de littérature peut être lu comme une forme d’héritage de traditions littéraires antérieures, la prétendue innovation ne renvoyant in fine qu’à une mutation politique du monde pris en charge par la factographie ; la promotion de la factographie relève à certains égards d’une forme d’opportunisme politique ; enfin, la pertinence même d’un projet qui vise une dissolution de la littérature dans la vie est sujette à caution.
D’abord, l’idée de la naissance sui generis d’un genre novateur est discutable sur le plan historique : la factographie des années 1920-1930 peut aussi être simplement considérée comme une continuation de la tradition de la littérature documentaire, déjà ancienne dans le contexte littéraire russe. Eichenbaum reconnaît d’ailleurs dans son article « Leskov et la prose contemporaine » (1927) que l’essor des formes documentaires traduit l’influence de Leskov, un écrivain du XIXe siècle revendiqué par les jeunes écrivains, en particulier ceux qui forment le groupe « Les frères de Sérapion » :
Но еще характернее и знаменательнее наличность в русской прозе xix века таких явлений, как Даль, Гоголь, Лесков, как беллетристы-этнографы, вроде А. Мельникова-Печерского, П. Якушина, С. Максимова и др. Эти явления, отодвинутые в сторону развитием и инерцией романа, выплывают сейчас в качестве новой традиции. […] Об этом свидетельствуют такие факты, как сказки и рассказы Ремизова, Замятина, последние вещи Горького, очерки Пришвина, рассказы Зощенко, Вс. Иванова, Леонова, Федина, Никитина, Бабеля и др.
Mais ce qu’il y a de plus caractéristique et de plus significatif encore, c’est la présence dans la prose russe du XIXe siècle de phénomènes tels que Dahl, Gogol, Leskov, ou que des écrivains-ethnographes tels que Melnikov-Petcherski, Iakouchkine, Maksimov et d’autres. Ces phénomènes, marginalisés par le développement de la force d’inertie du roman, remontent en ce moment à la surface en guise de nouvelle tradition. […] À preuve les contes et récits de Rémizov, de Zamiatine, les derniers textes de Gorki, les essais de Prochvine, ceux de Zochtchenko, de Vsévolod Ivanov, de Leonov, de Fédine, de Nikitine, de Babel, etc [17] . »
Leonid Heller [18] évoque plus largement la tradition de l’otcherk (esquisse, étude, essai) plébiscitée au XIXe siècle, qui connaît deux actualisations : la littérature populiste telle que la pratique Gleb Ouspenski et les œuvres non-fictionnelles de romanciers célèbres, à l’exemple des Récits de Sébastopol de Tolstoï (1855) ou L’Île de Sakhaline de Tchekhov (1895). Par-delà cette « nouvelle tradition » nationale, la factographie semble également influencée par des textes étrangers, en particulier les enquêtes sur le monde ouvrier, tels les textes de Pierre Hamp sur l’industrie française au début du XXe siècle, et le roman simultanéiste [19] .
Dans un deuxième ordre d’idées, la défense de la littérature factuelle peut apparaître comme une stratégie concertée de la part des formalistes afin de s’adapter au champ de force qui travaille la sphère littéraire à cette époque, voire comme une forme d’autocritique ou de palinodie, une manière de s’aligner sur les écrivains prolétariens qui prônent alors le rapprochement entre les masses et les intellectuels, comme l’indique l’intérêt manifesté par plusieurs articles de Literatura fakta pour le mouvement des rabkors (correspondants ouvriers). La lecture du recueil peut en effet donner l’impression que les formalistes seraient soudain devenus naïfs, au point de croire que la littérature peut saisir directement le réel, ignorant au passage le problème de la mise en forme. D’un autre côté, la factographie peut être vue justement comme une manière de s’opposer au Proletkult par le refus du roman, une manière de proclamer qu’une nouvelle réalité appelle une forme littéraire nouvelle. Tretiakov rappelle en particulier la nécessité de la configuration du réel par la littérature et l’unité de la forme et du contenu :
Для нас, фактовиков, не может быть фактов «как таковых». Есть факт-эффект и факт-дефект. Факт, усиливающий наши социалистические позиции, и факт, их ослабляющий.
Pour nous autres, factovistes, les faits n'existent pas « en tant que tels ». Il existe un fait-effet et un fait-défaut. Un fait qui renforce nos positions socialistes et un fait qui les affaiblit [20] . »
Enfin, l’idée d’un genre qui annulerait la tradition littéraire au profit de la vie et des faits, aussi séduisante soit-elle, doit être nuancée. De même que certains critiques d’art se moquent du non-fonctionnalisme des œuvres réalisées par les artistes « constructivistes » ou « productivistes », on peut questionner la valeur pragmatique des factographies. La lecture d’un article factographique de Tretiakov intitulé « À travers des lunettes embuées », consacré à l’expérience d’un vol en avion au-dessus de Moscou, permet de saisir ce paradoxe. En voici un extrait :
У меня начинают работать механизмы поэта и литературщика — цепь примитивно привычных ассоциаций, приводящая все видимое или часть его к так называемым художественным образам.
Горизонт стремительно расширяется. В лад оборотам пропеллера набухают обороты речи. Сочиняется:
взобравшись по воздушной лестнице, самолет бежит по ровному, накатанному, прозрачному плато.
А можно и так: поля, деревни, дороги, леса свалены в кругозор, как овощи в кухаркин фартук.
Можно сказать: чересполосица напоминает лоскутное одеяло (очень плохо).
Можно сказать: чернильные кляксы вспаханных паров (неверно, потому что таких линейно вычерченных клякс не бывает). […]
Огромное, иссиня-вспаханное поле треснуло тропинкой, как грифельная доска (опять образ). Над чернотою этого поля чувствую сброс самолета, от которого под ложечкой делается сладкая изжога. […] Этот сброс обрывает серию литературно-художественных выводов.Commencent à fonctionner en moi les mécanismes du poète et du littérateur : une chaîne d’associations primitivement habituelles, ramenant tout ou partie du visible à des images dites artistiques.
L’horizon s’élargit précipitamment. En accord aves les tours de l’hélice les tours linguistiques enflent. On compose :
Grimpé par l’escalier aérien l’avion court sur un plateau transparent aplani.
On peut aussi faire ceci : les champs, les villages, les routes, les bois sont jetés dans la perspective comme des légumes dans le tablier d’une cuisinière.
On peut dire : l’enclavement rappelle une couverture en lambeaux (très mauvais).
On peut dire : les taches d’encre des guérets labourés (c’est inexact, parce que de telles taches d’encre tracées en lignes n’existent pas). […]
Un immense champ labouré jusqu’à en être bleu est craquelé par un chemin comme une ardoise (encore une image). Au-dessus du noir de ce champ, j’ai la sensation de la chute de l’avion qui me fait une douce brûlure au creux de l’estomac. […] Cette chute interrompt cette série de déductions appartenant à l’art littéraire [21] .
Ici, Tretiakov parvient à donner l’illusion au lecteur d’être en train de lire le texte au moment de son élaboration, comme s’il était penché par-dessus l’épaule de l’écrivain. Cette élaboration semble osciller entre propension à la métaphore et fidélité au réel, dans une série de tentatives immédiatement suivies de repentirs. La pente littéraire est ainsi dénoncée comme un « mécanisme » sacrifiant le réel au souci de composition. Cet effet d’entraînement est brusquement interrompu à la fin de l’extrait par un retour ou une vengeance du réel (et du « je », par la même occasion), qui vient se rappeler violemment au bon souvenir du littérateur. « L’art littéraire » n’est cependant pas absent du texte, avec de nombreuses expressions ironiques, une série d’épanorthoses et plusieurs métaphores qui, si elles sont barrées, n’en laissent pas moins une impression d’originalité séduisante, produisant cet effet d’étrangement ou de défamiliarisation [остранение : ostranenie] cher aux formalistes [22] .
Cet article nous conduit ainsi au paradoxe suivant : le meurtre symbolique du littéraire reste éminemment littéraire dans son expression. Difficile en tout cas de voir dans cet article un intérêt purement « pragmatique [23] », selon la définition que donne Gérard Genette de ce terme dans Fiction et diction, à savoir une littérature utilitaire, à l’instar des textes scientifiques, politiques ou économiques. En voulant sortir du littéraire, les factographistes ne font donc qu’en élargir les frontières, comme le note Gérard Conio analysant le théâtre de Tretiakov ainsi que son texte Un Testament chinois. Autobiographie de Tan Shih-hua (1930) :
Arrachant la littérature à son ghetto, à ses privilèges, à ses privilégiés, à ses rites, les factualistes, au lieu de perpétrer son suicide, suscitent son déchaînement. […] On comprend alors que la littérature et la vie sont, en fait, depuis toujours en osmose. La mise à mort de la littérature se confond alors avec la révélation que tout est littérature [24] .
On pourrait en dire autant d’un peintre-plasticien représentatif du constructivisme et du productivisme comme Rodtchenko ou d’un cinéaste comme Dziga Vertov, qui définit son cinéma comme une simple « fabrique des faits [25] » réduisant le rôle du cinéaste à la portion congrue : dans leur effort pour supprimer l’art au profit de la vie, ces créateurs inventent en réalité un art nouveau. Plusieurs spécialistes, à commencer par Gérard Conio [26] , ont en effet dressé un parallèle entre les propositions littéraires du LEF et celles des plasticiens et cinéastes qui ont pu y collaborer. Précisons tout de même que, si les « architectones » de Malevitch n’ont jamais servi de maquettes pour de futurs architectes, à l’inverse, la factographie assume réellement une fonction référentielle, les écrivains endossant pleinement le métier de journaliste.
Migrations
Ce battement dialectique entre une mort et une renaissance de la littérature laisse penser que les factographistes ne renient pas complètement les positions formalistes qu’ils défendaient antérieurement : l’utopie d’une transparence des faits passe bien par une rhétorique de la transparence. Si ce groupe est minoritaire au sein des lettres soviétiques de l’époque, en comparaison avec le poids de la littérature prolétarienne notamment, sa conception de la littérature est bien plus novatrice et annonce d’une certaine manière la reconnaissance de la littérarité des genres essayistiques tout au long du XXe siècle, en URSS et ailleurs. On peut dès lors se demander quel écho a pu recevoir en France ce concept de factographie et quelle a pu être la pénétration de la nouvelle littérature factographique soviétique en France.
Au cours des années 1920, les lecteurs français se voient proposer un grand nombre de traductions en provenance de l’URSS, leur permettant de découvrir les auteurs prolétariens comme les compagnons de route, grâce en particulier à divers périodiques (L’Humanité, Le Monde, Clarté, Europe, etc.) et à plusieurs maisons d’édition (Gallimard et sa collection « Les jeunes russes », Montaigne et sa collection « Littérature de la Russie nouvelle », les Éditions sociales internationales du PCF, Le Sagittaire-Kra ou encore Rieder). Les premières références à la littérature factuelle se trouvent sous la plume d’un des grands « passeurs » qui informent régulièrement le lecteur français de l’actualité de la littérature soviétique, Vladimir Pozner. Le jeune écrivain consacre plusieurs articles critiques de circonstance (dans les revues Bifur, NRF et Europe) et deux textes de fond à la littérature soviétique de cette période. Le premier est un livre intitulé Panorama de la littérature russe, qui présente les grands courants littéraires de d’histoire russe récente : le décadentisme, le symbolisme, le post-symbolisme et la littérature soviétique. Celle-ci est représentée par plusieurs auteurs (Zamiatine, Pilniak, etc.) et courants (formalistes et frères de Sérapion notamment) auxquels Pozner distribue ses éloges, en opposition avec la littérature prolétarienne qui est une forme de « standardisation » dans laquelle « le sentiment de la réalité est perdu [27] ». Un dernier chapitre est consacré à ce que Pozner nomme la méthode « cinégraphique » :
Le récit suivi qui se déroule dans un ordre chronologique n’intéresse que peu d’écrivains. La plupart des auteurs construisent leurs romans ou nouvelles avec des éléments dissociés qui sont entremêlés, juxtaposés ou opposés, exactement comme un metteur en scène de cinéma colle les bouts de pellicule les uns aux autres. […] Pour tout dire, les écrivains ne racontent plus : ils montrent. Cela s’explique par le fait que la matière première de l’art a pris une valeur esthétique en elle-même. […] Les documents : lettre, télégramme, journal intime, décret, affiche, etc., sont considérés comme œuvre d’art et sont incorporés tels quels dans les livres [28] .
Le terme de factographie n’est pas mentionné ici et les auteurs qui lui semblent représenter cette tendance sont des écrivains de fiction : Fédine, Pilniak, Nikitine et Pasternak. Cependant, l’analogie avec la méthode cinématographique pour tenter de cerner cette nouvelle tendance semble indiquer une influence de la vogue des documents factographiques sur la fiction : cette métaphore entend traduire la tentative de saisie directe du réel, lequel ne serait plus filtré par la conscience d’un littérateur, mais aussi les procédés de montage. Le propos de Pozner permet ainsi de relier ce qu’on pourrait qualifier de « fictions factographiques » à l’ensemble du courant moderniste qui s’affirme alors dans plusieurs pays européens et aux États-Unis.
Le second texte de fond sur ce sujet est un long article publié l’année suivante et intitulé « Quelques aspects de la littérature russe depuis 1917 », qui reprend et approfondit les idées développées ci-dessus. Dans une présentation générale, Pozner imagine un « Parlement littéraire russe [29] », distribuant les places en fonction des positions politiques des auteurs mentionnés. Il reprend ensuite l’opposition entre d’un côté la littérature prolétarienne, sans la dénigrer cette fois mais en précisant que « les futurs écrivains prolétariens sont encore au berceau, tout au plus au lycée [30] », et une « nouvelle tendance littéraire [31] » basée sur les faits :
En Russie, la matière première de l’art tend à devenir art à son tour. Les faits sont jugés sur le plan esthétique. Ce qui avait servi jusqu’à présent aux romanciers d’élément auquel ils faisaient subir une transformation avant de le livrer au public a reçu une consécration officielle. Il se forme un genre nouveau. Le brouillon tend à disparaître. Les auteurs n’éprouvent pas le besoin de romancer. Les carnets de notes ne sont plus un moyen mais un but. Les mémoires, les souvenirs, les biographies, les relations de voyage, les coupures de journaux deviennent des œuvres d’art [32] .
Chklovski ne renierait pas cette analyse qui distingue le matériau du traitement littéraire. Pozner repère au sein de cette nouvelle tendance plusieurs voies : l’autobiographie (Gorki et Chklovski), les textes de montage qui insèrent des énoncés réels au sein de fictions (Ehrenbourg, Pilniak, Nikitine) et le reportage à l’étranger (les mêmes ainsi que Maïakovski qui pratique le « reportage poétique »). Désormais, les genres strictement factographiques sont nommés aux côtés des fictions modernistes attirées par le document.
Mais le rôle joué par Pozner de « passeur » de la littérature soviétique, en particulier de sa composante factographique, ne se limite pas à ces quelques articles critiques : l’écrivain traduit pour le public français plusieurs textes issus de ce courant. Certes, son Anthologie de la prose russe contemporaine [33] , qui rassemble une vingtaine de nouvelles et d’extraits signés par les grands noms de l’époque (Babel, Ehrenbourg, Boulgakov, Ivanov, Pasternak, Pilniak, Seïfoullina, Nikitine, Vessioly, Zamiatine et d’autres), donne la part belle aux « compagnons de route » et en particulier au groupe « Les frères de Sérapion », mais laisse de côté la littérature factographique, probablement pour des raisons de chronologie. En effet, le volume Literatura fakta n’est publié qu’en 1929, soit la même année que cette Anthologie (et que le Panorama évoqué précédemment) : la factographie n’est peut-être pas encore clairement identifiée comme telle.
Ce décalage est rapidement rattrapé en 1931. Pozner dirige alors un numéro spécial du Nouvel âge, éphémère revue fondée par Henry Poulaille. Cette anthologie de textes documentaires intitulée « URSS 1931 » représente la première occasion pour le lecteur français de prendre connaissance des textes factographiques soviétiques. Dans l’article de présentation, Pozner fait le même constat que dans les articles critiques évoqués précédemment et reprend presque mot à mot les idées avancées dans Literatura fakta :
Je me suis adressé aux « documentaires ». Ce genre jouit actuellement d’une vogue immense en URSS. […] L’importance des événements qu’ont apporté ces dernières années, l’élargissement de l’horizon social, scientifique, voire même géographique […] ont relégué au deuxième plan les œuvres de fiction, fixant la curiosité générale sur la réalité. […] Abandonnant leurs cabinets de travail, leurs habitudes de création solitaires, [les écrivains soviétiques] sont descendus dans la rue et se sont mêlés à la foule, afin de connaître l’ouvrier à l’usine et le paysan aux champs [34] .
La sélection comporte douze textes et donne à lire des reportages rédigés par des écrivains connus et des rabkors. Ainsi, Lidia Seïfoullina rend compte de son expérience au sein de l’immense usine « Étoile rouge » de Léningrad, Tretiakov fait le récit des mois passés dans un kolkhoze du Kouban, Tikhonov rédige un reportage à propos du Turkestan et Tchoukovski rend compte de la vie d’un village de Crimée. Si quelques-uns de ces textes peuvent irriter par leur optimisme de commande à propos de l’émulation au sein des usines et de la capacité d’auto-organisation des kolkhozes, la plupart confirment l’essor d’un nouveau genre, celui du reportage à la première personne qui fusionne l’écriture autobiographique et le texte strictement documentaire. Par ailleurs, certains articles se démarquent par l’utilisation de documents bruts, notamment celui de Dimitri Kreptioukov « Crimée. Les archives d’un Kolkhoz », basé sur un dépouillement de procès verbaux de réunions. Ce volume dirigé par Pozner donne donc au lecteur français l’occasion de découvrir la factographie soviétique pour la première – mais aussi peut-être pour la dernière – fois. En effet, l’écriture factographique semble se tarir rapidement en URSS, en raison de la dispersion des ses promoteurs lors de l’arrêt de Novy LEF et de l’orientation imposée par le pouvoir au secteur littéraire au début des années 1930.
Fiction(s)
La promotion de la factographie comme genre nouveau à même de restituer la réalité de la nouvelle société, tout en se distinguant du simple reportage, correspond donc à une période éphémère. Par-delà les déclarations fracassantes des membres du Novy LEF, elle ne se traduit pas par une mise à mort de la littérature au profit de la vie, mais davantage par une extension de la définition du littéraire. La fin des années 1920 et le début des années 1930 voient un essor relativement important de ce type de prose documentaire. Surtout et paradoxalement, certains textes factographiques représentent un apport majeur sur le plan formel, avec la pratique de l’insert de documents et de fragments qui permet de renouveler les genres existants, en particulier la biographie (Tynianov) et l’autobiographie (Chklovski). Mais la conséquence la plus tangible de la défense de la factographie par les formalistes concerne bizarrement l’essor de fictions documentaires, qui ne relèvent pas de la factographie à proprement parler, mais qui témoignent de la capacité de celle-ci à rénover le réalisme fictionnel, comme l’indiquent les romans de Pilniak, d’Ehrenbourg ou de Pozner. Si celui-ci a pu jouer momentanément le rôle d’un passeur de factographies en France, le concept mérite aujourd’hui d’être redécouvert, dans un contexte culturel marqué depuis une vingtaine d’années par l’essor de la littérature, du cinéma et de l’art documentaire [35] .
Bibliographie
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ZENETTI, Marie-Jeanne, Factographies : l’enregistrement à l’époque contemporaine, Paris, Classiques Garnier, 2014.
Notes
- [1]
Marie-Jeanne Zenetti, Factographies : l’enregistrement à l’époque contemporaine, Paris, Classiques Garnier, 2014, p. 8.
- [2]
Ibid., p. 10.
- [3]
Ibid., p. 12.
- [4]
Nicolas Tchoujak (dir.), La Littérature des faits. Premier recueil de matériaux des travailleurs du LEF [Литература факта. Первый сборник материалов работников ЛЕФа / Literatura fakta. Pervyj sbornik materialov rabotnikov LEFa], Moscou, Federatsia, 1929. https://lit.wikireading.ru/30452. Consulté le 01/03/2018.
- [5]
Voir : Jean-Pierre Morel, Le Roman insupportable, l’Internationale littéraire et la France (1920-32), Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque des idées », 1985. Le présent article doit beaucoup à cette étude incontournable.
- [6]
Gérard Conio, Le Constructivisme russe II. Le Constructivisme littéraire, Lausanne, L’Âge d’homme, 1987, p. 155.
- [7]
Boris Tomachevski, Théorie de la littérature (poétique) [Теория литературы (поэтика) / Teoriâ literatury (poètika)], 1925, Moscou, Aspekt Press, 1996, p. 207-208. Trad. T. Todorov, Théorie de la littérature. Textes des formalistes russes, Paris, Seuil 1965, coll. « Points essais », 2001, p. 308-309 (légèrement modifiée).
- [8]
Iouri Tynianov, Archaïques et novateurs [Архаисты и новаторы / Arhaisty i novatory], Léningrad, Priboi, 1929, p. 35. Trad. T. Todorov, Théorie de la littérature, op. cit., p. 127.
- [9]
Voir : Viktor Chklovski, Technique du métier d’écrivain [Техника писательского ремесла / Tehnika pisatelʹskogo remesla], Moscou-Léningrad, Molodaia Gvardia, 1927. Trad. P. Lequesne, Paris, L’Esprit des péninsules, 1997. Voir également : Ossip Brik, « Une fiction des faits » [Фикция факта / Fikciâ fakta], dans Novy Lef n°11, 1927.
- [10]
La moitié environ de ces articles est disponible en traduction française. Tous les articles de Tretiakov sont traduits dans Serge Tretiakov, Dans le front gauche de l’art, trad. H. Henry, D. Konopnicki, D. Zaslavsky, G. Gache, Y. Mignot et L. Robel, Paris, Maspero, coll. Action poétique, 1977. La plupart de ceux rédigés par Tchoujak, Brik et Chklovski sont traduits par Gérard Conio, Le Constructivisme russe II. Le Constructivisme littéraire, op. cit.
- [11]
Nikolaï Tchoujak, « Vade-mecum de l’écrivain » [Писательская памятка / Pisatelʹskaâ pamâtka], Literatura fakta, op. cit. Trad. G. Conio, Le Constructivisme russe II. Le constructivisme littéraire, op. cit., p. 172.
- [12]
Victor Chklovski, Voyage sentimental, trad. V. Pozner, Paris, Sagittaire – Simon Kra éditeur, 1926 ; rééd. Paris, Gallimard, coll. « Littératures soviétiques », 1963.
- [13]
Victor Chklovski, Zoo. Lettres qui ne parlent pas d’amour ou la troisième Héloïse, trad. V. Pozner, Paris Gallimard, coll. « Littératures soviétiques », 1963 ; rééd. Paris, L’Esprit des péninsules, 1998.
- [14]
Victor Chklovski, La Troisième Fabrique, trad. V. Pozner et P. Lequesne, Paris, L’Esprit des péninsules, 1998.
- [15]
Iouri Tynianov, Le Disgracié (1925), trad. H. Perreau, Paris, Gallimard, coll. « Littératures soviétiques », 1957, nouvelle trad. L. Denis, Paris, Gallimard, 2001 (livre consacré au poète Wilhelm Küchelbecker). Iouri Tynianov, La Mort du Vazir-Moukhtar (1928), trad. L. Denis, Paris, Gallimard, coll. « Littératures soviétiques », 1969 (évocation de l’exil de Griboïedov, l’auteur de la pièce Du malheur d’avoir trop d’esprit datée de 1821). Iouri Tynianov, La Jeunesse de Pouchkine (1943, inachevé), trad. L. Denis, Paris, Gallimard, coll. « Du monde entier », 1980.
- [16]
Ilia Ehrenbourg, 10CV, trad. M. Etard, Paris, Les Revues, 1930.
- [17]
Boris Eichenbaum, « Leskov et la prose contemporaine » [Лесков и современная проза / Leskov i sovremennaâ proza], 1927. Rééd. Sur la littérature [О литературе / O literature], Sovetskij Pisatel’, Moscou, 1987, p. 413. Trad. M. Aucouturier, Le Formalisme russe, Paris, PUF, 1994, p. 34.
- [18]
Leonid Heller, « Le mirage du vrai. Remarques sur la littérature factographique en URSS », J.-F. Chevrier et P. Roussin (dir.), Communications n°71, « Le parti pris du document : littérature, photographie, cinéma et architecture au xxe siècle », octobre 2001.
- [19]
Voir : Jean-Pierre Morel, Le Roman insupportable, op. cit., p. 327 et suivantes.
- [20]
Serge Tretiakov, « À suivre » [Продолжение следует / Prodolženie sleduet], Literatura fakta, op. cit. Traduit dans Dans le front gauche de l’art, op. cit., p. 110.
- [21]
Serge Tretiakov, « À travers des lunettes embuées » [Сквозь непротертые очки], Literatura fakta, op. cit., Traduit dans Dans le front gauche de l’art, op. cit., p. 133.
- [22]
Victor Chklovski, « L’art comme procédé » [Искусство как прием / Iskusstvo kak priem], in Théorie de la prose [О теории прозы / O teorii prozy], Moscou, Krug, 1925, p. 7-23. Trad. T. Todorov, Théorie de la littérature, op. cit., p. 75-97.
- [23]
Gérard Genette, Fiction et diction, Paris, Seuil, 2004, p. 91 et suivantes.
- [24]
Gérard Conio, Le Constructivisme russe II. Le Constructivisme littéraire, op. cit., p. 161.
- [25]
Dziga Vertov, « La fabrique des faits » [Фабрика факта / fabrika fakta], dans Pravda, 24 juillet 1926. Trad. dans Dziga Vertov, Articles, journaux, projets, trad. S. Mossé et A. Robel, Paris, 10/18, p. 83-85.
- [26]
Gérard Conio, Le Constructivisme russe II. Le Constructivisme littéraire, op. cit. Voir aussi Leonid Heller, « Cinéma, cinématisme et ciné-littérature en Russie », CiNéMAS, vol. 11, n°2-3 ; « Eisenstein dans le texte, printemps 2001, p. 167-196.
- [27]
Vladimir Pozner, Panorama de la littérature russe, Paris, Kra, 1929, p. 343.
- [28]
Ibid., p. 362-363.
- [29]
Vladimir Pozner, « Quelques aspects de la littérature russe depuis 1917 », dans Revue de Paris, Paris, 15 août 1930, p. 819.
- [30]
Ibid., p. 822.
- [31]
Ibid., p. 829.
- [32]
Ibid., p. 832.
- [33]
Vladimir Pozner, Anthologie de la prose russe contemporaine, Paris, Emile Hazan et cie, 1929.
- [34]
Vladimir Pozner, Le nouvel âge, numéro spécial : « URSS 1931 », Paris, Librairie Valois, 1931, p. 771-772.
- [35]
Voir : Dominique Baqué, Pour un nouvel art politique. De l’art contemporain au documentaire, Paris, Flammarion, 2004.
Pour citer cet article
Sylvain Dreyer, « URSS, 1929 : « factographie », naissance d’un genre ? », SFLGC, bibliothèque comparatiste, publié le .../.../2019, URL : https://sflgc.org/acte/dreyer-sylvain-urss-1929-factographie-naissance-dun-genre/, page consultée le 04 Décembre 2024.
Biographie de l'auteur
DREYER Sylvain
Sylvain Dreyer maître de conférences en littérature et cinéma à l’Université de Pau. Il a enseigné à l’Université Paris 7 Diderot et au Collège universitaire français (Université MGU de Moscou). Ses travaux concernent la littérature et le cinéma français, russes et latino-américains du XXe siècle, en particulier les questions portant sur le témoignage, l’engagement et les formes documentaires. Il est l’auteur de Révolutions ! Textes et films engagés. Cuba, Vietnam, Palestine (Armand Colin, 2013) et a dirigé Littérature et cinéma en miroir (PUPPA, 2013) ainsi que La Critique d’art à l’écran (Septentrion, 2018, avec D. Vaugeois). Il réalise aussi des films documentaires.