Agrégation

L'érudition peut-elle être joyeuse ? L'image de la science dans Tristram Shandy

ARTICLE

Plus mon oncle Toby buvait à cette douce fontaine de science, plus ardente et plus impatiente était sa soif […].
La deuxième année [il acheta] presque autant d’ouvrages sur l’architecture militaire que Don Quichotte en avait lus sur la chevalerie quand le curé et le barbier firent irruption dans sa librairie.
Vie et opinions de Tristram Shandy (II, 3, p.97) [1]

The more my uncle Toby drank of this sweet fountain of science, the greater was the heat and impatience of his thirst […]
In the second year [he purchased] almost as many more books of military architecture, as Don Quixote was found to have of chivalry, when the curate and barber invaded his library.
The Life and Opinions of Tristram Shandy

Regards croisés sur le « Livre scientifique »

Jean Céard conclut sa « Présentation du Tiers Livre » par la mise en évidence d’une ambiguïté caractéristique sinon du « roman moderne » au sens où l’entend Kundera, du moins de la « tant veritable histoire » écrite par Rabelais, qu’il lui semble important de rattacher à la lignée des éloges paradoxaux dont participe l’ouvrage d’H.C. Agrippa : De l’incertitude et vanité des sciences. Madeleine Descargues-Grant propose de son côté une « Présentation de Tristram Shandy » qui fait loupe sur l’intertexte satirique et ce que la critique anglophone appelle « learned wit » (ou « comique érudit »), suggérant que les enjeux de la fiction sont à chercher du côté d’une épistémologie nouvelle, voire même d’un nouveau modèle épistémologique, qu’aurait pour fonction d’éclairer le discrédit jeté sur les sciences par des formes critiques du discours.

Les textes de Pascal Duris (professeur d’épistémologie et histoire des sciences) et Isabelle Poulin (maître de conférences en littérature comparée) reproduits ci-après témoignent de l’actualité d’un débat qui concerne au plus haut point de futurs enseignants de Lettres, le ton joyeux adopté par les auteurs au programme visant précisément à poser la question de l’usage et de la transmission du savoir.

Deux points de vue sont successivement proposés sur ce qu’un programme de recherche commun appelle « Le livre scientifique » [pour plus d’informations, se reporter au site du programme : www.msha/livrescientifique.html].

Le point de vue du « littéraire » : le terme ayant été perçu comme trop vague, il a fallu formuler une compétence propre, non sans difficulté, qui peut éclairer la réflexion sur la « naissance du roman moderne ».

Le point de vue de l’historien des sciences qui, à la lumière des connaissances qu’il a des différentes théories et concepts en vigueur au siècle de Sterne, pense que l’auteur, particulièrement bien informé de la science de son temps, est moins railleur ou ironique qu’il y paraît.

 
Le roman comme « science » du vivant
(Isabelle Poulin)

Du point de vue du comparatiste, la question de la science dans Tristram Shandy révèle la capacité d’accueil et de remise en perspective de tous les discours qui semble bien être le privilège de l’œuvre littéraire. La présence en son sein de multiples voies (ou voix) d’accès à la connaissance, invite à lui associer une acception du mot « science » dite « littéraire ou vieillie » : « Somme de connaissances qu’un individu possède ou peut acquérir par l’étude, la réflexion ou l’expérience » (Trésor de la Langue Française). C’est aussi le sens du Dictionnaire de l’Académie (1762) : « Connaissance qu’on a de quelque chose ». Cette ouverture ou ambiguïté étant posée, il ne s’agira pas d’évaluer la (ou les) science(s) présente(s) dans l’œuvre de Laurence Sterne, mais de prêter attention à une forme de pensée anxieuse qui permet une vulgarisation infinie du savoir — la question de l’écrivain n’étant pas celle de l’image de la science, mais plutôt celle de sa définition : qu’est-ce que la science ?

J’évoquerai donc pour commencer la science (au sens « littéraire ou vieilli ») profuse de Tristram Shandy. J’essaierai ensuite d’établir pourquoi l’érudition doit être joyeuse, et poserai pour finir la question du sens de sa mise « en roman ».

Une « grande moisson de science » [2]


Associée à celle des « greniers du savoir » qui apparaît dans le conte de Slawkenbergius (p.247), l’image d’une « grande moisson de science » met en évidence le triple circuit économique, culturel et biologique qui constitue la mécanique du récit de Sterne comme de celui de Rabelais. Une première enquête sémantique révèle assez vite la polysémie du terme « science » qui traduit aussi bien « science » que « knowledge » ou « learning », plaçant sur le même plan large de la « connaissance » toutes sortes de compétences intellectuelles ou pratiques : la « science » de la sage-femme (p.53) ou la « science conjugale » (p.65) traduit « knowledge », alors que « science des fortifications » (p.115) reproduit mot à mot « science of fortification ». Inversement, Charles Mauron transforme en « homme de l’art » (p.61), le célèbre obstétricien Manningham que Sterne qualifie de « scientifick operator », ou en deux « savants alliés » (p.148) les deux « allies in science » que sont le père Shandy et le Docteur Slop au moment de la naissance du héros ; le traducteur évoque un « langage plus scientifique » (p.38) quand le texte original montre plutôt  « a  man of science » à travers une façon de parler.

Rien d’étonnant sans doute à ce foisonnement, le livre de Sterne se présentant comme une « Encyclopédie des arts et des sciences » (p.122) dont la fonction de préservation du vivant est clairement énoncée dans une digression rendue nécessaire par la présentation du personnage de l’oncle Toby ; pour le « dessiner à grands traits » le narrateur puise dans la science des climats, l’histoire littéraire, l’Histoire tout court et se tourne enfin vers le lecteur :

« C’est ainsi mes compagnons de labour avec qui je dois partager la grande moisson de science qui mûrit maintenant sous nos yeux, c’est ainsi par de lentes et hasardeuses avances que notre connaissance physique, métaphysique, physiologique, polémique, nautique, mathématique, énigmatique, technique, biographique, romantique, chimique et obstétrique, sans parler de cinquante autres branches (pour la plupart terminées en ique) a, depuis deux siècles et davantage, progressivement rampé vers le sommet de cet Αχμ? de perfection dont nous ne devons pas, autant que l’on peut conjecturer d’après les progrès de ces sept dernières années, nous trouver maintenant fort loin.

On peut espérer quand nous y parviendrons, que c’en sera fini de toute espèce d’écrits ; l’absence de toute espèce d’écrits mettra fin à toute espèce de lecture et, comme la guerre engendre la misère et la misère la paix, toute espèce de connaissance disparaîtra […] » (I, 21, p.76 ; je souligne).

« Thus, -- thus my fellow labourers and associates in this great harvest of our learning, now ripening before our eyes ; thus it is, by slow steps of casual increase, that our knowledge physical, metaphysical, physiological, polemical, nautical, mathematical, ænigmatical, technical, biographical, romantical, chemical, and obstetrical, with fifty other branches of it, (most of 'em ending, as these do, in ical) have, for these two last centuries and more, gradually been creeping upwards towards that of their perfections, from which, if we may form a conjecture from the advances of these last seven years, we cannot possibly be far off.
When that happens, it is to be hoped, it will put an end to all kind of writings whatsoever ; -- the want of all kind of writing will put an end to all kind of reading ; -- and that in time, As war begets poverty, poverty peace, ---- must, in course, put an end to all kind of knowledge […] ».

Obadiah ramenant au galop les instruments de Slop offre une illustration très précise de ce grand vacarme des sciences qui s’entrechoquent (« ique ») comme les instruments dans le sac de l’accoucheur : son cas, précise le narrateur, « relève de l’obstétrique, de la scriptique, de la canulique, de la papistique et dans la mesure où un cheval de poste était impliqué, de la cabal-istique » [3] . Il faut adjoindre encore à ce sac de nœuds une fort aléatoire science du corps, sur laquelle le récit accommode à plusieurs reprises, comme lorsque le caporal Trim s’apprête à lire le Sermon de Sterne lui-même sur « les tromperies de la  conscience » (sermon cité par Voltaire dans son Dictionnaire philosophique) :

« Il se tenait debout devant son auditoire, le corps souplement incliné juste à quatre-vingt-cinq degrés et demi au-dessus de l’horizon. Les habiles orateurs à qui j’adresse ces lignes savent que tel est bien le véritable angle persuasif d’incidence. On peut parler ou prêcher à n’importe quel autre angle, c’est certain ; on le fait même tous les jours, mais avec quel effet, je vous laisse juge.
Et la nécessité de ces quatre-vingt-cinq degrés et demi exactement mesurés ne nous montre-t-elle pas en passant l’intime union des arts et des sciences ? » (II, 17, p.122, je souligne)

«He stood before them with his body swayed, and bent forwards just so far, as to make an angle of 85 degrees and a half upon the plain of the horizon ; -- which sound orators, to whom I address this, know very well, to be the true persuasive angle of incidence; -- in any other angle you may talk and preach ; -- 'tis certain, -- and it is done every day ; -- but with what effect, -- I leave the world to judge !
The necessity of this precise angle of 85 degrees and a half to a mathematical exactness, -- does it not shew us, by the way, -- how the arts and sciences mutually befriend each other ? »

On peut rappeler que le sermon se trouvait dans un livre savant, et en est tombé (p.139). L’acteur Garrick, dont les suspensions de voix sont « mesurées au chronomètre » (p.176), est régulièrement convoqué pour dire en retour l’impossible mesure des affects, comme lors de ce changement de décor dans le cours du récit :

« Le lecteur m’aidera, j’espère, à rouler dans la coulisse l’artillerie de mon oncle Toby, à déménager sa guérite, à débarrasser si possible la scène des ouvrages à cornes et des demi-lunes et pousser à l’écart tout le reste de son attirail militaire ; cela fait, Garrick, ami cher, nous moucherons les chandelles, nous balaierons les planches avec un balai neuf, lèverons enfin le rideau et camperons, de mon oncle Toby, pour le montrer au monde, un personnage si nouveau que nul ne pourra prévoir ses actions.
Si la pitié pourtant est bien sœur de l’amour et si le courage ne lui est pas étranger, vous avez assez vu mon oncle Toby se manifester dans un premier état pour faire ressortir dans le second les traits de famille par où ils s’apparentent. Hélas ! Vaine science ! dans des cas de ce genre tu ne nous aides jamais et nous embarrasses toujours »
(VI, 30, p.410-411)

« I Beg the reader will assist me here, to wheel off my uncle Toby's ordnance behind the scenes,   -- to remove his sentry-box, and clear the theatre, if possible, of horn-works and half-moons, and get the rest of his military apparatus out of the way ;   -- that done, my dear friend Garrick, we'll snuff the candles bright, -- sweep the stage with a new broom, -- draw up the curtain, and exhibit my uncle Toby dressed in a new character, throughout which the world can have no idea how he will act : and yet, if pity be akin to love, -- and bravery no alien to it, you have seen enough of my uncle Toby in these, to trace these family likenesses, betwixt the two passions (in case there is one) to your heart's content.
Vain science ! thou assists us in no case of this kind -- and thou puzzlest us in every one. »

La  science profuse est loin d’être assimilable, on le voit, à la science infuse. L’accumulation des savoirs est même jugée plutôt suspecte : « Dis-moi, cher lettré », interroge le narrateur sur le seuil du Livre V, « ne cesserons-nous pas d’ajouter tant à la quantité et si peu à la vraie richesse ? » (p.307). L’image bientôt introduite des « reliques de notre savoir » (ibid. : « the relicks of learning ») pose la question de la fonction de l’écrit scientifique : quiétude ou inquiétude de l’esprit ? La façon dont le personnage éponyme se jette sur les routes en quête d’un « passage du Nord-Ouest » dans le monde intellectuel (p.362) fait plutôt pencher la balance du côté de l’absence de repos.

L’érudition ne peut être que joyeuse

On peut rappeler que le projet de Sterne est de railler dans Tristram Shandy une certaine conception de la science : « Le Plan, vous le verrez, est des plus vaste ; — il comprend, non seulement l’exposition des points faibles contenus dans les sciences — là où résident leurs aspects les plus ridicules — mais aussi bien d’autres sujets, dans les genres les plus variés, que, pour ma part, je juge désopilants » [4] . Parmi les emblèmes de ce projet on peut citer les « connaisseurs en jurons » [5] , ou l’assemblée de savants convoquée pour statuer sur le cas d’un nez démesuré: « La Faculté, plus que tout autre corps savant, eût projeté des flots de lumière sur le sujet si elle avait pu ne pas le mêler à ses disputes sur le goître et l’enflure oedémateuse » (p.241).

L’onomastique sert très souvent à railler les pédants, tel ce Mynheer Vander Blonederdondergewdenstronke qu’invective le narrateur à propos des sermons de Yorick, dont il feint de vouloir reproduire toutes les indications manuscrites (VI, 12, p.288). Les noms des premiers médecins introduits dans le livre inscrivent ces « TARTUFES en science » [6] dans le registre le plus bas : Kunastrokius (I, 7) veut dire « caresseur de cons », « Cunnusbranlius » dans la traduction de Jouvet ; Slop (II, 6) est une sorte de Docteur « crotte », « Bran » dans la traduction de Jouvet. La langue anglaise permet de jeter un même discrédit sur ces autres autorités que sont les critiques littéraires : qualifiés d’ânes : « Jack Asses », par un auteur irrité de l’accueil réservé à ses Livres précédents [7] , ils sont pris par la suite dans la trame équivoque d’une polysémie malheureuse qui  associe « âne » et « cul » en un même vocable : « ass » — ce dont se joue avec gourmandise le roman, à propos d’un oncle sur lequel pèse le même soupçon d’impuissance que sur le héros éponyme :

« Tant que mon oncle Toby fut amoureux, rien, dans les discours de mon père, ne le choqua davantage que l’usage pervers d’une parole d’Hilarion l’ermite, lequel traitant des jeûnes, veilles, flagellations et autres disciplines religieuses avait coutume de dire (plus plaisamment sans doute qu’il ne sied à un ermite) qu’il faisait perdre ainsi à son âne (par quoi il entendait son corps) l’habitude de ruer.
Une telle expression réjouissait mon père par sa façon laconique et satirique à la fois de désigner les désirs et les appétits de nos parties inférieures » (VIII, 31, p.526)

« If anything in this world, which my father said, could have provoked my uncle Toby, during the time he was in love, it was the perverse use my father was always making of an expression of Hilarion the hermit ; who, in speaking of his abstinence, his watchings, flagellations, and other instrumental parts of his religion -- would say -- though with more facetiousness than became an hermit -- ``That they were the means he used, to make his ass (meaning his body) leave off kicking.''
It pleased my father well ; it was not only a laconick way of expressing -- but of libelling, at the same time, the desires and appetites of the lower part of us ».

Ces histoires de montures reviennent régulièrement dans un livre où la question de la (pro)création  est fondamentale : l’âne (piètre lecteur ou véritable baudet) est comparé au « hobby-horse » indispensable au transport romanesque (p.526); il se trouve en travers du chemin du narrateur et lui déchire ses culottes

« dans la direction la plus malencontreuse qu’on puisse imaginer — à mon sens, c’est ici que mon exclamation « je vais vous faire voir » eût justement trouvé sa place ; ai-je tort ou raison ? Je laisse à mes
CRITIQUES
des
CULOTTES
emmenés tout exprès avec moi le soin d’en décider »
(VII, 32, p.471).

« in the most disastrous direction you can imagine ---- so that the Out upon it! in my opinion, should have come in here ---- but this I leave to be settled by
The
REVIEWERS
of
MY BREECHES
which I have brought over along with me for that purpose. »

l’âne sert enfin d’écran linguistique dans une scène d’attouchement très explicite où l’on voit la femme plonger la main au fond du panier de l’animal et fouiller « à la recherche de la chose » (p.574) avant de décider si elle va prendre époux.

Dès le chapitre IV du premier livre on a vu Tristram fermer la porte au nez de tous ceux qui ne seraient ni « curieux » ni « chercheurs » (« curious and inquisitive »), ce qui ne l’empêche pas de multiplier les images moqueuses du chercheur mâle — non seulement les femmes, fort peu présentes, ne sont pas des femmes « de science », mais elles ne sont pas non plus « inquisitive », comme le déplore Walter Shandy à propos de la mère du narrateur [8] . L’oncle Toby au milieu de ses livres sur les fortifications est représenté en Don Quichotte (p.97) ; on croise maints savants égarés ou effrayés :


« Car si les lumières, hélas ! étaient aussi aisément obtenues que le souhaitait notre exorde, y aurait-il (au moins dans la société savante) tant de malheureux égarés dont la pensée me fait trembler, qui n’ont cessé de tâtonner et de trébucher dans le noir toutes les nuits de leur existence, se cognant la tête aux poteaux et se fracassant le crâne sans jamais toucher au but de leur voyage ? Ici la moitié d’un corps savant qui se rue la lance en avant contre l’autre moitié ; ils culbutent et se roulent dans la boue comme des pourceaux. Là les confrères d’une autre profession qui se devraient se déchirer s’envolent au contraire comme une troupe d’oies sauvages en bon ordre et dans la même direction. Quel chaos ! »
(III, 20, p.190)

« For alas ! could this effusion of light have been as easily procured, as the exordium wished it -- I tremble to think how many thousands for it, of benighted travellers (in the learned sciences at least) must have groped and blundered on in the dark, all the nights of their lives, -- running their heads against posts, and knocking out their brains without ever getting to their journies end ; ---- some falling with their noses perpendicularly into sinks, -- others horizontally with their tails into kennels. Here one half of a learned profession tilting full butt against the other half of it, and then tumbling and rolling one over the other in the dirt like hogs. ---- Here the brethren, of another profession, who should have run in opposition to each other, flying on the contrary like a flock of wild geese, all in a row the same way. -- What confusion ! –»

Ailleurs d’autres s’embarquent « comme Pantagruel et ses compagnons à la recherche de la Dive bouteille », mais avec moins d’ardeur : « on ne disait plus un mot du nez de l’étranger dans la dispute, il avait juste servi comme une frégate à les mener en haute mer dans le golfe de la théologie scolastique et tous maintenant fuyaient devant la tempête ». [9]

En contrepoint, on trouve de fréquentes mises en scène de l’inutilité des livres scientifiques : le narrateur dit avoir plus appris d’une « seule impression accidentelle » (l’oncle Toby refusant de faire mal à une mouche) que de « l’étude des Belles Lettres à l’Université » (p.116) ; on voit le « Le caporal Trim [surgir] avec Stevinus. Trop tard. Le sujet avait été épuisé sans lui et la conversation coulait maintenant dans d’autres canaux » (p.120). Tous semblent souffrir de cette « affectation de gravité » pour laquelle Yorick dit éprouver une aversion invincible :

« La nudité, disait-il, d’un naturel que sa gaieté dévoile, n’offre de danger que pour soi, tandis que par essence la gravité veut faire impression sur autrui, donc le tromper ; elle est un artifice par quoi un homme chercher à extorquer au monde plus de crédit que n’en mérite son sens et son savoir, bref, avec toutes ses prétentions, elle répondait, en mettant les choses au mieux, à la définition depuis longtemps donnée par un Français homme d’esprit : Une mystification du corps pour couvrir les défauts de l’esprit »
(I,12, p.46).

« In the naked temper which a merry heart discovered, he would say, There was no danger, -- but to itself : -- whereas the very essence of gravity was design, and consequently deceit ; -- 'twas a taught trick to gain credit of the world for more sense and knowledge than a man was worth ; and that, with all its pretensions, -- it was no better, but often worse, than what a French wit had long ago defined it, -- viz. A mysterious carriage of the body to cover the defects of the mind. »

Comme Rabelais qu’il cite souvent, Sterne privilégie la perspective des « génitoires » plutôt que celle des générations : il met à nu les savants, sapant ainsi leur autorité, comme lors de l’épisode de la châtaigne chaude qui tombe dans les chausses de Phutatorius et lui inspire une interjection qu’aucun art de la divination ne saurait interpréter puisqu’on assiste au « triomphe des petits incidents sur l’esprit » (p.288). L’infléchissement du regard en direction de la partie atteinte participe d’une nécessaire mise en perspective de tous les niveaux de réalité, comme le permet encore l’allusion à Tickletoby ou Tappecoue/Tappequeue, sacristain des cordeliers qui refuse de prêter à François Villon chape et étole pour une représentation de la Passion, dans le Quart Livre (chapitre 13), et dont se venge l’assistance en effrayant sa jument qui l’emporte au galop et le tue. Mis en garde contre le démon de la lecture qui pourrait l’emporter à son tour et lui rompre les os, le lecteur interrompt le narrateur :

« — Mais, je vous prie, qui était la jument de Tickletoby ?
— Voilà une question, monsieur, qui donne une aussi fâcheuse opinion de votre culture classique que si vous demandiez en quelle année (ab urb. con.) éclata la deuxième guerre punique. Qui était la jument de Tickletoby ? Lisez, lisez, lisez, lisez, mon ignorant lecteur, lisez ou par la science du grand saint Paralipomène, vous feriez mieux, je vous le dis à l’avance, de jeter ce livre aussitôt, car sans beaucoup de lecture par quoi j’entends, Votre Excellence le sait bien, beaucoup de science vous serez aussi incapable de pénétrer  le sens moral des marbrures couvrant la page ci-après (emblème jaspé de mon œuvre) que le monde le fut, malgré toute sa sagacité, de discerner les opinions et vérités encore mystiquement cachées sous le vole de ma page noire »
(III, 36, p.213)

«  ---- And pray who was Tickletoby's mare ? -- 'tis just as discreditable and un-scholar-like a question, Sir, as to have asked what year (ab urb. con.) the second Punic war broke out. -- Who was Tickletoby's mare ! -- Read, read, read, read, my unlearned reader ! read, -- or by the knowledge of the great saint Paraleipomenon -- I tell you before-hand, you had better throw down the book at once; for without much reading, by which your reverence knows, I mean much knowledge, you will no more be able to penetrate the moral of the next marbled page (motly emblem of my work !) than the world with all its sagacity has been able to unraval the many opinions, transactions and truths which still lie mystically hid under the dark veil of the black one. »

Tristram écrit en « en homme d’érudition » (p. 94) mais contre les Agélastes : le dernier livre encore est dédié, par l’intermédiaire d’une citation savante extraite de l’Essai sur l’homme de Pope,  à un « simple berger » mû par la « simple nature » plutôt que par un « orgueilleux savoir » [10] . C’est que la science des fortifications « a causé la mort de milliers d’hommes » (p.115), et que les forceps « scientifiquement appliqués » brisent les têtes (p.206).

Sterne oppose à l’esprit de sérieux une science du vivant — « le vrai shandysme […] active les rouages de la vie » [11] — , au nom de la liberté de (pro)création, du respect de soi et de l’Autre. L’Argumentum Fistulatorium ou Argument de la Petite Flûte [12] (I, 21) de Toby semble de ce point de vue une variante de la célèbre recommandation adressée à Pantagruel par son père : « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme » (Pantagruel, chapitre VIII). L’oncle blessé à l’aine siffle en effet l’air de Lillabullero, une chanson populaire qui fut prise comme signe de rassemblement pour la liberté en 1688, lors de la fuite de Jacques II, quand il veut avoir la paix face aux insupportables logomachies des deux « allies in science » que sont souvent contre lui  Walter Shandy et le Docteur Slop.

Sens de la mise « en roman »

L’une des fonctions de cette sorte de « livre scientifique » est ainsi de permettre un accès au savoir qui respecte l’autonomie de la pensée, grâce au pouvoir de condensation du récit, qu’a pour fonction de rappeler l’image du texte palimpseste dans le Livre  III  où l’on voit le père Shandy « gratter certaines lettres » d’un texte d’Erasme dans le but de « découvrir à [la] phrase un sens plus profond » (p.217).

On peut prendre, pour illustrer ce pouvoir, l’exemple du chapitre 19 du Livre II, où est posée la question de l’accouchement de Mrs Shandy et envisagée la part de chacun dans son bon déroulement. Le père de Tristram éprouve des difficultés à convaincre sa femme d’accepter l’assistance du Docteur Slop. Walter Shandy essaie un ultime argument, bien à lui, qui « tirait toute sa force de deux axiomes » :

« Le Premier posait qu’une once d’idées personnelles valait facilement un quintal pesant de pensées empruntées, et
Le Second (qui, soit dit par parenthèse, constituait le fondement du premier, — quoiqu’il soit énoncé en dernier) — que tout homme devait puiser la force de ses idées dans son propre fonds, autrement dit son âme propre, — et non dans celui d’autrui » (traduction de Guy Jouvet) [13]

« Premier axiome : une once d’un certain esprit peut valoir plusieurs tonnes de certains autres et :
Deuxième axiome (lequel, soit dit en passant constitue le fondmeent du premier, bien qu’il soit énoncé ensuite) l’esprit de tout homme doit venir de son propre fonds et non pas du fonds d’autrui » (traduction de Charles Mauron, p.143)

My father set out upon the strength of these two following axioms :
First, That an ounce of a man's own wit, was worth a tun of other people's ;  and, Secondly, (Which, by the bye, was the ground-work of the first axiom, -- tho' it comes last) -- That every man's wit must come from every man's own soul, -- and no other body's.

On reconnaît ici un pastiche de Montaigne, comme le souligne Guy Jouvet dans les notes qui accompagnent sa traduction : « Nous sommes chacun plus riche que nous ne pensons ; mais on nous dresse à l’emprunt et à la queste : on nous duict à nous servir plus de l’autruy que du nostre », ou encore : « Les livres m’ont servi non tant d’instruction que d’exercitation » [14] . Le même mot « exercitation » (travail, besogne, exercice) est employé par Sterne en I, 10 à propos de Yorick, lorsque celui-ci cherche à justifier le choix d’une vieille rosse ou Rossinante par la possibilité qu’offre son rythme lent de prendre le temps d’exercer sa pensée — sans séparation de l’âme et du corps, donc, comme pourrait le laisser supposer le terme « méditation » dans notre version :

« Selon les temps, il donnait cinquante raisons spirituelles appropriées pour se justifier de monter une rosse asthmatique et débonnaire plutôt qu’un cheval fougueux : sur une telle monture il pouvait se laisser aller, s’abandonner aussi complètement au charme d’une méditation de vanitate mundi et fuga saeculi que s’il avait eu devant lui une tête de mort ; de toutes ces méditations, tandis qu’il avançait lentement par les routes, il passait son temps  » (p. 41, je souligne).

“At different times he would give fifty humourous and opposite reasons for riding a meek-spirited jade of a broken- winded horse, preferably to one of mettle ; -- for on such a one he could sit mechanically, and meditate as delightfully de vanitate mundi et fugâ sæculi, as with the advantage of a death's head before him ; -- that, in all other exercitations, he could spend his time, as he rode slowly along, […]”

Qui plus est : le passage d’une langue à l’autre montre combien les notions les plus fondamentales, et qui semblent les plus solides — esprit, âme, corps / wit, soul, body — menacent de s’effriter ou sont susceptibles de variations inquiétantes ; « définir, c’est se défier » ne manque pas de souligner le narrateur shandéen au moment où il prétend pourtant renoncer à son goût de l’équivoque (p.207). Si le premier réflexe est de se dire que Guy Jouvet prend trop de liberté en traduisant « wit » par « force des idées », il peut être aussitôt nuancé par la fusion plutôt malencontreuse de l’âme et du corps en un même « fonds » non seulement sous la plume du premier traducteur Charles Mauron, mais presque inévitablement dans la langue française (qui ne peut jouer ici d’une même polysémie que l’anglaise sur « body » — encore qu’on parle bien de « corps du texte », mais de façon trop abstraite, peut-être). Wit reprend ici un argument du père concernant précisément an other body’s (le corps de la parturiente) ; et l’image de la séparation du corps et de l’esprit compose donc une sorte de commentaire oblique — en l’occurrence linguistique. A la lampe du discours des théologiens de l’époque, on comprend bien toute l’ironie des propos du père, et le travail de rhapsode du romancier :

« Lorsque nous venons à nous dépouiller de ces corps, une nouvelle scene de miracles etonnans se présente à notre  vûe ; lorsque ces organes matériels viennent à disparoître, l’ame avec sa pénétration, voit ce qui lui étoit auparavant invisible »
[extrait De la Mort, Amsterdam, 1696, cité avec révérence (« excellent Traité ») par Addison dans Le Spectateur]. [15]

Transposé dans le livre de Sterne, l’énoncé change de sens ; à l’échelle de la phrase du père Shandy, il faut comprendre que se soustraire au joug de la pensée d’autrui revient à recouvrer la vue ; à l’échelle de la scène (de l’accouchement), c’est la question même de l’autonomie des êtres qui est posée, et des rapports de force (ou de forceps) — une « force » déplacée par Guy Jouvet,  qui l’associe directement aux « idées » qui la déterminent : les « forceps » des idées du père Shandy retirent ailleurs des mains des femmes les livres « de Rabelais, Scarron ou Don Quichotte » (p.534).

Sterne ramène constamment de l’abstrait au concret, pour montrer comme un hiatus : un pont manquant (beaucoup d’histoires de « bridge » dans le livre), dans le discours savant. Il souligne ainsi l’extrême intrication des discours, des visions du monde, comme dans le chapitre 18 du Livre I où estexposée la thèse organiciste. Métaphoriquement, le corps politique est assimilé à l’organisme vivant, et la métaphore biologique agit dans les deux sens : chez les politiques, on part de la société et on la compare au corps vivant ; chez les physiologistes, on part de l’organisme vivant pour le déclarer identique au modèle hiérarchique de l’organisation politique. Ce rêve de totalité,inscrit dans le choix du prénom Trimégiste (I, 19), est mis à mal par le choix inopiné de « Tristram » (IV, 12), prénom qui interdit à un homme « toute science, toute sagesse et toute bravoure » [16] . Emblème de la non-maîtrise, « Tristram » fait loupe sur tous « ces failles et petits trous que la nature humaine laisse sans défense » (p.143), apprend la mesure de l’intervalle, l’impossible coïncidence avec soi-même : « J’ai ce mois-ci douze mois de plus qu’il y a juste un an ; or, comme parvenu à peu près au milieu de mon quatrième volume, je n’ai retracé que l’histoire de ma première journée, il est clair que j’ai aujourd’hui trois cent soixante-quatre jours à raconter de plus jusqu’à l’instant où j’entrepris mon ouvrage » (p.266). Le principe du mouvement et du déplacement qui est attaché au récit et dessine des anatomies de plus en plus nettes au fil des pages, place au cœur de l’ érudition romanesque la question suivante : dans quelle chair sourde naissent les concepts — les « sciences » ? Ou pour le dire en termes bachelardiens :

« Aux savants, nous réclamerons le droit de détourner un instant la science de son travail positif, de sa volonté d’objectivité pour découvrir ce qui reste de subjectif dans les méthodes les plus sévères. Nous commencerons en posant aux savants des questions d’apparence psychologique et peu à peu nous lui prouverons que toute psychologie est solidaire de postulats métaphysiques. L’esprit peut changer de métaphysique ; il ne peut se passer de métaphysique. […] Dites-nous ce que vous pensez, non pas en sortant du laboratoire, mais aux heures où vous quittez la vie commune pour entrer dans la vie scientifique ». [17]

Le romancier se tient sur ce seuil : à l’entrée du laboratoire, et redonne corps et âme (sans séparation) à la science : « comme j’écris pour instruire, je vous dirai en trois mots ce que l’ouvrage contient. C’est une histoire. — Une histoire de qui ? sur quoi ? quand ? — Point de hâte. C’est l’histoire, monsieur (peut-être en aura-t-on plus envie de le lire) de ce qui se passe dans l’esprit d’un homme ». [18]

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Les sciences du vivant dans Vie et opinions de Tristram Shandy de L. Sterne : Plus de science et moins d’ironie qu’il n’y paraît
(Pascal Duris)

Les sciences naturelles et du vivant jouissent au XVIIIe siècle d’une faveur sans précédent en Europe. Le siècle des Lumières est par excellence celui des classifications, botaniques, zoologiques, minéralogiques, médicales, et de la physiologie, nerveuse, sanguine, respiratoire, etc. Linné, Buffon, Adanson, Haller, Bonnet, Spallanzani sont quelques-uns des héros de ce siècle savant. [19]

Le roman de Sterne, dont une bonne partie relate les neuf premiers mois de la vie du héros, « ab ovo » (p. 30), depuis le jour de sa conception – dans la nuit du 1er dimanche au 1er lundi de mars 1718 – jusqu’à sa naissance, le 5 novembre 1718, est très imprégné des idées, des théories, mais aussi des modes scientifiques de son temps. Dans une lettre adressée le 23 mai 1759 à son éditeur, l’auteur explique que son ambition est d’en souligner le ridicule (ce que Swift avait déjà fait trente-trois ans plus tôt dans ses Voyages de Gulliver [20] ). Sterne aime brocarder les docteurs. Mais ses railleries, son mépris des pédants, s’appuient sur de solides connaissances scientifiques et font immédiatement penser au La Mettrie de l’Ouvrage de Pénélope (1748) ou au Voltaire des Dialogues d’Evhémère (1777). Pour être joyeuse, son érudition n’en est pas moins incontestable.

L’imagination des femmes enceintes

« Pardon mon ami, n’avez-vous pas oublié de remonter la pendule ? » Tout commence par cette question inattendue de la femme à son mari au moment précis où les parents de Tristram Shandy décident de l’engendrer. Cette demande « hors de propos » est la source de tous les malheurs qui, dès cet instant, vont accabler Tristram et sa famille. Il aurait pourtant été possible d’y parer, le héros en est convaincu :

« S’ils avaient à cet instant dûment pesé le pour et le contre, s’ils s’étaient avisés que de leurs humeurs et dispositions dominantes allaient dépendre non seulement la création d’un être raisonnable mais peut-être l’heureuse formation de son corps, sa température, son génie, le moule de son esprit et (si douteux que cela leur parût), jusqu’à la fortune de leur maison – s’ils avaient mûrement examiné tout cela, je suis persuadé que j’aurais fait dans le monde une tout autre figure et serais apparu au lecteur sous des traits sans doute fort différents de ceux qu’il va voir. » (p. 28)

Sterne/Tristram raille-t-il déjà, dès la première page ? Cela n’est pas certain, ou en tous cas, pas autant qu’on ne croit. L’auteur fait à plusieurs reprises allusion dans son roman (notamment pp. 27-29 ; p. 58 ; pp. 275-276 ; p. 373) au pouvoir de l’imagination des femmes enceintes par lequel, depuis l’Antiquité, les médecins expliquent la naissance d’enfants difformes ou faibles d’esprit. Au Ier siècle de notre ère, Soranos d’Ephèse rapporte dans son traité sur les Maladies des femmes le cas de ces mères ayant accouché d’« êtres simiesques » parce qu’elles avaient vu des singes lors d’un rapprochement sexuel. Il relate aussi l’histoire de ce tyran contrefait qui contraignait sa femme à regarder, pendant leurs rapports, des « statues admirables » et qui fut ainsi le père d’enfants bien conformés. Comme on le voit, l’imagination de la future mère – jamais du futur père – peut agir en bien comme en mal sur le développement du fœtus. A vrai dire, c’est le plus souvent pour rendre compte de malformations, comme pour Tristram, qu’il est mis en avant.

A la fin du XVIIe siècle, l’oratorien et philosophe cartésien Nicolas Malebranche (1638-1715), que cite Sterne dans son livre (p. 95), est un farouche défenseur de cette thèse imaginationiste. Pour lui, le cerveau de la femme enceinte communique avec celui de son enfant par les nerfs et le sang : « les enfants voient ce que leurs mères voient, ils entendent les mêmes cris, ils reçoivent les mêmes impressions des objets ; et ils sont agités des mêmes passions », écrit-il dans De la recherche de la vérité (1674). Malebranche voit dans cette communication l’un des moyens pour la mère d’avoir des enfants de la même « espèce » qu’elle. Mais il peut arriver qu’un événement imprévu vienne perturber cette relation. Malebranche rapporte à son tour le cas de cette femme qui, ayant assisté au cours de sa grossesse au supplice de la roue, a donné naissance à un enfant ayant les membres brisés aux mêmes endroits que ceux du supplicié.

Combattue par Maupertuis, Buffon, Haller, l’Encyclopédie comme une pure fable, cette croyance n’en conserve pas moins, tout au long du XVIIIe siècle, une grande popularité. En écho aux livres anglais de James Augustus Blondel (vers 1666-1734), The Strength of Imagination in Pregnant Women (1727) – traduit en français dix ans plus tard sous le titre Dissertation physique sur la force de l’imagination des femmes enceintes sur le fetus [sic] –, et de Daniel Turner (1667-1741), The Force of the Mother’s Imagination upon her Fœtus (1730) mentionnés par Charles Mauron dans sa note 355 (mais on ne peut pas dire qu’ils traitent de la « psychologie des femmes enceintes »), citons la publication en France, en 1788, par Benjamin Bablot (1754-1802), conseiller-médecin ordinaire du roi, d’une Dissertation sur le pouvoir de l’imagination des femmes enceintes ; dans laquelle on passe successivement en revue tous les grands Hommes qui, depuis plus de deux mille ans, ont admis l’influence de cette Faculté sur le Fœtus, & dans laquelle on répond aux Objections de ceux qui combattent cette Opinion qui connaît un grand succès. Par la suite, certains épisodes dramatiques de la Révolution française donneront l’occasion de « vérifier » le bien-fondé de ces idées. En voici un exemple, parmi d’autres, relaté dans L’Esprit-des-gazettes de décembre 1789 :

« La femme d’un bijoutier qui demeure à Paris, rue Planche Mibray, avait vu passer, le 22 juillet, la tête de M. Foulon avec une poignée de foin à la bouche, les yeux enfoncés, le nez cassé, etc. Jeudi au soir 19 novembre, elle a mis au monde un enfant mâle qui a autour de la bouche, une excroissance de chair semblable à la poignée de foin original[e] qui l’avait frappé[e] ; les yeux de cet enfant sont enfoncés, son nez cassé. Il a été porté à deux chirurgiens ; depuis sa naissance, il n’a pris aucune nourriture. Ce fait, attesté par témoin oculaire présente aux physiciens qui nient l’influence de l’imagination des femmes enceintes sur le fœtus, une difficulté d’une solution difficile. »

Ces fictions médicales relèvent de ce que le XVIIIe siècle appelle la callipédie, c’est-à-dire un ensemble de conseils donnés aux parents pour qu’ils procréent des enfants aussi beaux que possible, ce qu’on pourrait appeler l’art d’avoir de beaux enfants (Quillet, 1655 ; Venette, 1687) [21] . Une callipédie qui n’est pas sans évoquer la Tristrapédie dont le père de Tristram entreprend la rédaction (p. 334 et suivantes).

Un petit homme préformé

Quoi qu’il en soit, la question de Madame Shandy a un effet désastreux sur l’Homunculus en éparpillant et dispersant les esprits vitaux chargés de le conduire « par la main » à destination (p. 28 ; pp. 275-276). L’Homunculus ? C. Mauron explique (note 3) qu’il s’agit du spermatozoïde. Il n’en est rien. La description que donne Sterne/Tristram de cette « lueur de vie bien vacillante » ne doit pas tout à son imagination et reflète certaines des conceptions du XVIIIe siècle sur l’infiniment petit et la reproduction :

« Les plus minutieux des philosophes […], explique Sterne, nous ont incontestablement prouvé que l’Homunculus a été créé par la même main, engendré par le même cours naturel et doué des mêmes facultés et pouvoirs de locomotion que nous ; il a comme nous : peau, poil, graisse, chair, veines, artères, ligaments, nerfs, cartilages, os, moelle, cervelle, glandes, organes reproducteurs, humeurs et articulations ; bref, son être est aussi actif et doit être dit aussi véridiquement notre prochain que le Lord Chancelier d’Angleterre. » (p. 28)

En d’autres termes, l’homunculus est un petit être humain déjà tout formé contenu dans le spermatozoïde et non le spermatozoïde lui-même. Le moindre accident « tout au long de neuf interminables mois » (p. 29) peut compromettre son développement harmonieux.

Comment cela est-il possible ? Il faut d’abord se représenter que depuis l’invention du microscope et du télescope, dans les premières décennies du XVIIe siècle, on a pris conscience que, comme l’écrit Pascal (1623-1662) dans ses Pensées (1670), le monde visible « n’est qu’un trait imperceptible dans l’ample sein de la nature » : « Nous avons beau enfler nos conceptions au delà des espaces imaginables, écrit-il, nous n’enfantons que des atomes, au prix de la réalité des choses. C’est une sphère infinie dont le centre est partout, la circonférence nulle part. » Pour faire comprendre à son lecteur le véritable vertige qui saisit tout homme confronté à l’infiniment petit (comme d’ailleurs à l’infiniment grand), Pascal lui propose de penser à un ciron, le plus petit animal visible à l’œil nu connu au XVIIe siècle, et, comme tel, sorte de mètre-étalon à l’aune duquel est appréciée la taille des organismes microscopiques nouvellement découverts :

« qu’il recherche dans ce qu’il connaît les choses les plus délicates. Qu’un ciron lui offre, dans la petitesse de son corps, des parties incomparablement plus petites, des jambes avec des jointures, des veines dans ses jambes, du sang dans ses veines, des humeurs dans ce sang, des gouttes dans ces humeurs, des vapeurs dans ces gouttes ; que, divisant encore ces dernières choses, il épuise ses forces en ces conceptions, et que le dernier objet où il peut arriver soit maintenant celui de notre discours ; il pensera peut-être que c’est là l’extrême petitesse de la nature. Je veux lui faire voir là-dedans un abîme nouveau. Je lui veux peindre non seulement l’univers visible, mais l’immensité qu’on peut concevoir de la nature, dans l’enceinte de ce raccourci d’atome. Qu’il y voie une infinité d’univers, dont chacun a son firmament, ses planètes, sa terre, en la même proportion que le monde visible : dans cette terre, des animaux, et enfin des cirons. »

Peu après Pascal, La Bruyère (1645-1691) exprime dans Les caractères ou les mœurs de ce siècle (1688) le même sentiment de vertige :

« L’on voit dans une goutte d’eau que le poivre qu’on y a mis tremper a altérée, un nombre presque innombrable de petits animaux, dont le microscope nous fait apercevoir la figure, et qui se meuvent avec une rapidité incroyable comme autant de monstres dans une vaste mer ; chacun de ces animaux est plus petit mille fois qu’un ciron, et néanmoins c’est un corps qui vit, qui se nourrit, qui croît, qui doit avoir des muscles, des vaisseaux équivalents aux veines, aux nerfs, aux artères, et un cerveau pour distribuer les esprits animaux. »

Parmi les êtres microscopiques découverts au XVIIe siècle figurent ce qu’on appelle alors les « animalcules spermatiques », c’est-à-dire les spermatozoïdes [22] . L’auteur en 1677 de cette observation incroyable – au sens premier du mot puisqu’il devra batailler pour convaincre les savants de son temps de son exactitude – est le Hollandais Anton van Leeuwenhoek (1632-1723). Immédiatement, il est convaincu que le fœtus se trouve préformé en miniature dans le spermatozoïde et qu’il ne fait que grandir dans l’organisme maternel au cours des neuf mois de la grossesse. Plus précisément, les préformationnistes animalculistes – c’est le nom qu’on leur donne – pensent que Dieu a créé tous les humains appelés à vivre sur Terre emboîtés les uns dans les autres et qu’Il les a placés à l’origine du monde dans les testicules d’Adam, lequel est donc pour les animalculistes le père de l’humanité. En un siècle où seul le mâle peut régner, où la noblesse vient du père, cette conception paraît conforme à la dignité de l’homme.

A vrai dire, cette doctrine est très loin de faire l’unanimité, et Voltaire, dans ses Dialogues d’Evhémère (1777), la ridiculise avec férocité :

«  Il a paru un Batave qui, avec le secours d’un verre artistement taillé, a vu dans la liqueur séminale des mâles un peuple entier de petits enfans déja tout formés, et courant avec une agilité merveilleuse. Plusieurs curieux et curieuses ont fait la même expérience, et on a été persuadé que le mystère de la génération était enfin développé ; car on avait vu de petits hommes en vie dans la semence de leur père. Malheureusement la vivacité avec laquelle ils nageaient les a décrédités. Comment des hommes qui couraient avec tant de promptitude dans une goutte de liqueur demeuraient-ils ensuite neuf mois entiers presque immobiles dans la matrice de leur mère ? »

De fait, il existe une autre théorie explicative qui recueille davantage de suffrages. Au contraire des animalculistes, ses défenseurs pensent que c’est Eve qui est la mère de l’humanité et que Dieu a placé dans ses ovaires, emboîtées les unes dans les autres, toutes les générations d’humains jusqu’à la fin des temps. On les appelle les ovistes. Régnier de Graaf, cité par Sterne (p. 587), Malpighi, Swammerdam, Malebranche, Fontenelle, appartiennent à cette école de pensée.

Dieu et le sexe

Compte tenu tout à la fois de l’origine divine de l’homunculus et des périls qu’il court pendant les neuf mois du développement embryonnaire, la question d’un baptême avant sa naissance se pose inévitablement. Sterne la traite en reproduisant (pp. 72-75) une délibération de 1733 des docteurs de la Sorbonne extraite des Observations importantes sur le manuel des accouchemens (dans sa traduction française de 1734) du grand accoucheur hollandais Hendrik van Deventer (1651-1724). Une fois encore, l’étrangeté du discours peut faire croire que Sterne a tout inventé et il entretient lui-même l’ambiguïté (p. 166, n. 1). De quoi s’agit-il ? A un chirurgien qui demande s’il serait permis et légal de baptiser par le moyen d’une petite canule un fœtus emprisonné dans le ventre de sa mère qui ne peut accoucher, il est répondu qu’il doit s’adresser à son évêque et, en dernier lieu, au pape, aux avis desquels les médecins consultés se rangeront.

Pour insolite que paraissent, et la requête, et la réponse, elles n’en sont pas moins authentiques et montrent que le baptême in utero était pratiqué au XVIIIe siècle [23] . Sterne, toutefois, ne se prive pas d’ironiser sur ce « baptême par injection » en se demandant si,

« après la cérémonie du mariage et avant sa consommation, le baptême, par injection en un seul bon coup de tous les Homunculi à la fois, ne constituerait pas une solution plus brève et plus sûre, avec toutefois la réserve déjà exprimée que si les Homunculi se comportent bien et viennent après cela au monde sains et saufs, chacun d’eux sera de nouveau baptisé […] et pourvu, en second lieu, que l’opération soit possible – et Mr Shandy craint qu’elle ne le soit – par le moyen d’une petite canulle [sic] et sans faire aucun tort au père. » (p. 75)

Le propos de Sterne est probablement assez graveleux. Mais il ne l’est pas plus que celui, en France, d’un La Mettrie ou d’un Voltaire quand ils abordent les mêmes questions de la « génération ».

Ce qui frappe aussi, c’est l’étroite intrication des discours scientifique et religieux. Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, la Bible est considérée comme l’ouvrage de référence des savants, le cadre conceptuel dans lequel ils doivent œuvrer. Leur souci constant est de faire coïncider les nouveaux savoirs scientifiques avec le texte sacré. C’est le cas par exemple lorsque l’archevêque irlandais James Hussher (1581-1656), après une savante analyse de la Bible, assure que le premier jour de la Création remonte au dimanche 23 octobre 4004 av. J.-C., à 9 heures du matin précisera Sir John Lightfoot (1602-1675), vice-chancelier de l’université de Cambridge. Hussher calcule de même qu’Adam et Eve sont chassés du Paradis le lundi 10 novembre 4004 av. J.-C. et que l’arche de Noé aborde le mont Ararat le mercredi 5 mai 1491 avant notre ère. C’est le cas encore lorsque le naturaliste suédois Carl von Linné (1707-1778) place le Paradis terrestre dans une île située sur l’équateur et considère Adam comme le premier classificateur. C’est le cas toujours quand le physiologiste suisse Albrecht von Haller (1708-1777), convaincu que toute l’humanité était contenue en miniature dans les ovaires de Eve – c’est un oviste acharné –, se livre dans sa Physiologie à des calculs qui nous paraissent aujourd’hui quelque peu incongrus :

« si mille millions d’Hommes vivent en même tems sur la Terre, et qu’on suppose les générations de trente ans, et l’âge du Monde de six mille ans, il a dû y avoir deux cents générations, et deux cent mille millions d’Hommes ; et il n’y auroit rien d’étonnant dans ce nombre, puisque j’ai fait voir ailleurs quelle est la petitesse prodigieuse des parties de l’Homme quand il commence à se développer. Il reste, à la vérité, cette difficulté, c’est qu’il étoit nécessaire que tous les Enfans, excepté un, fussent renfermés dans l’ovaire de la première Fille d’Eve, et dans sa petite-Fille, excepté deux. Mais il n’est pas nécessaire qu’il y ait la même proportion entre une Fille adulte, et même toutes les Meres futures, avec les Embryons : rien n’empêche que nous ne croyions l’Embryon plus grand en proportion, et qu’on ne regarde la Mere comme une simple enveloppe de Fœtus, de façon qu’on ajoute à tous ces millions, autant de millions d’enveloppes, et que la somme en devienne cent fois plus grande. » [24]

Adam et Eve, leurs amours et le cadre géographique qui les abrite, leurs organes sexuels, font l’objet d’études savantes menées avec le même sérieux que s’il s’agissait d’animaux mâles et femelles de laboratoire. Malebranche, au XVIIe siècle, encourageait par avance ces travaux en admettant qu’« il ne faut pas que l’esprit s’arrête avec les yeux : car la vue de l’esprit a bien plus d’étendue que la vue du corps. »

Quelle science pour quel public ?

Certains chapitres (les IV et XXI du livre I par exemple) du roman de Sterne s’adressent aux « curieux » et aux « chercheurs » (curious / inquisitive) (p. 30 ; p. 78). Attention toutefois au sens des mots, car si le dictionnaire de Furetière (1690) explique que « curieux » « se dit en bonne part de celuy qui a desir d’apprendre, de voir les bonnes choses, les merveilles de l’art & de la nature », le dictionnaire de l’Académie de 1762 nous avertit qu’un chercheur est quelqu’un qui cherche, certes, par exemple des trésors ou la pierre philosophale, mais que ce mot « se prend ordinairement en mauvaise part ». Curieux et chercheurs ne sont donc pas synonymes et désignent un public très large.

« Sans fin est la quête de vérité », écrit Sterne (p. 97), et la manière compulsive dont l’oncle Toby dévore toute la littérature sur la science des projectiles (Tartaglia, Galilée, Torricelli, etc.) et de leur trajectoire, i.e. la balistique (pp. 96-98) annonce celle de Bouvard et Pécuchet. Mais, prévient l’auteur, la science est un « fantôme ensorceleur » (p. 98) et il serait plus sage que l’oncle Toby renonce à son désir de savoir. Un siècle auparavant, Malebranche, toujours lui, considérait déjà que « passer toutes les nuits pendu à une lunette pour découvrir dans les cieux quelque tache ou quelque nouvelle planète, perdre sa santé et son bien, et abandonner le soin de ses affaires pour rendre réglément visite aux étoiles, et pour en mesurer les grandeurs et les situations, [c’est] oublier entièrement et ce qu’on est présentement et ce qu’on sera un jour. »

Convaincu que « c’est du soleil des digressions que nous vient la lumière » – et elles sont nombreuses dans ce roman ! (et même schématisées pp. 425-426) –, Sterne/Tristram considère que « la plupart des grandes découvertes théoriques ou techniques dont nous sommes si fiers ont […] leur origine dans des rencontres […] futiles » (p. 82 bas). Les épistémologues donnent à cette sorte de hasard le nom de sérendipité, francisation du mot anglais serendipity forgé en 1754 par l’écrivain anglais Horace Walpole (1717-1797) – qui considérait Sterne comme le « Rabelais anglais » – à partir du conte persan « Les trois princes de Sérendip » (Sri Lanka) du poète Amir Khusrau (XIIIe) qui a inspiré le Zadig (1747) de Voltaire. La sérendipité est la faculté de faire d’heureuses découvertes par accident et/ou réflexion. C’est l’aptitude à reconnaître que ce qu’on a trouvé est plus important que ce qu’on cherchait.

Que retenir de ces quelques réflexions sur l’image de la science dans le roman de Sterne ? Loin de nous, naturellement, l’idée de contester l’humour, la fantaisie dont il fait preuve dans cette réflexion sur l’écriture romanesque. Mais les quelques exemples que nous venons d’étudier témoignent que l’auteur est plus sérieux qu’on ne croit quand il traite de questions scientifiques, en particulier celles relatives à la « génération », et qu’il exprime souvent les sentiments de l’époque. L’histoire des sciences au XVIIIe siècle montre que le rire que provoque Sterne chez son lecteur repose à la fois sur son style – une érudition joyeuse – et sur notre appréciation rétrospective, et donc anachronique, de la science de son temps. En cela, les vertus comiques du livre de Sterne risquent bien de s’accroître au fur et à mesure qu’on s’éloignera de l’époque de son écriture.

Notes

  • [1]

    Sauf indication contraire, les numéros de page renvoient à la traduction de Charles Mauron dans l’édition Garnier-Flammarion. Le texte anglais est celui du site italien consacré au roman de Sterne : http://www.tristramshandyweb.it/home.htm, sur lequel on trouvera maintes rubriques scientifiques complémentaires.

  • [2]

    Livre I, chapitre 21, p.76 ; “this great harvest of our learning”.

  • [3]

    Livre III, chapitre 8, p.160 ;  « As Obadiah‘s was a mix’d case, —- mark, Sirs, — I say, a mix’d case ; for it was obstretical, — scrip-tical, — squirtical, papistical, — and as far as the coach-horse was concerned in it, — caball-istical – ».

  • [4]

    Lettre du 23 mai 1759 à l’éditeur R. Dodsley.

  • [5]

    Livre III, chapitre 12, p.176 ; « connoisseur in swearing » : on peut noter ici l’usage dépréciatif du français.

  • [6]

    Livre VIII, chapitre 2, p.488 ; « Tartuffe, in science ».

  • [7]

    Livre VI, chapitre 1 : « Pensiez-vous Monsieur qu’il y eût tant de baudets de par le monde ? », p.369.

  • [8]

    Livre VI, chapitre 39, p. 424. “That she is not a woman of science, my father would say — is her misfortune — but she might ask a question.”

  • [9]

    Livre IV, conte de Slawkenbergius, p.247.

  • [10]

    Livre IX, p.539 ; « orgueilleux savoir » traduit « proud Science ».

  • [11]

    Livre IV, chapitre 23, p.301.

  • [12]

    Voir sur cette question les commentaires de Guy Jouvet dans le premier tome de Tristram Shandy paru aux éditions Tristram, 1998, p.291.

  • [13]

    Tristram Shandy, édition Intégrale, Tristram, 2004, p.219.

  • [14]

    Essais, III, 12, Pléiade, p.1164, cités par Guy Jouvet, 1998, p.414.

  • [15]

    Références données par Guy Jouvet, 1998, p.418-419.

  • [16]

    Livre IV, chapitre 12, p.274 : un Tristram “can neither be learned, or wise, or brave”.

  • [17]

    Gaston Bachelard, La philosophie du non (1940), Quadrige PUF, 1988, p.13.

  • [18]

    Livre II , chapitre 2, p.94. “As I write to instruct, I will tell you in three words what the book is. — It is a history. — A history ! of who ? what ? where ? when ? Don’t hurry yourself. —- It is a history-book, Sir, (which may possibly recommend it to the world) of what passes in a man’s own mind”.

  • [19]

    Cf. Pascal Duris, articles « Classification » et « Histoire naturelle », in Michel Delon (dir.), Dictionnaire européen des Lumières, Paris, PUF, 1997, pp. 227-230 et pp. 543-547.

  • [20]

    Nathalie Zimpfer, « Science sans conscience : la satire de la science dans l’œuvre de Jonathan Swift », Etudes Epistémé, 2006, 10, pp. 132-158.

  • [21]

    Pourrait-on d’ailleurs assurer que ces idées ont aujourd’hui tout à fait disparu… C’est finalement Etienne Geoffroy Saint-Hilaire (1772-1844) qui, au début du XIXe, assurera le passage de cette tératologie fabuleuse à une tératologie authentiquement scientifique.

  • [22]

    Cf. Jacques Roger, Les sciences de la vie dans la pensée française du XVIIIe siècle. La génération des animaux de Descartes à l’Encyclopédie [1963], Paris, Albin Michel, 2e édition de 1993.

  • [23]

    Fernand Leroy, Histoire de naître. De l’enfantement primitif à l’accouchement médicalisé, Bruxelles, De Boeck Université, 2002.

  • [24]

    Cité dans Charles Bonnet, Considérations sur les corps organisés [1762], Paris, Fayard, réédition de 1985, pp. 461-462, n. 1.