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AàC « La Haine de Shakespeare » (15/1)
La Haine de Shakespeare
3-5 décembre 2015 Université de Paris-Sorbonne
Colloque international organisé par
le PRITEPS
(Programme International sur le Théâtre et les Pratiques Scéniques)
à la Maison de la Recherche, 28 rue Serpente 75006 Paris
Shakespeare a le rare privilège de navoir jamais quitté la scène, davoir été très vite proposé comme un modèle du théâtre universel, parlant à toutes les époques et toutes les cultures bref dêtre « notre contemporain » (Jan Kott). Mais ladmiration nest pas sans partage. Avec des « traits sublimes », Hamlet est, pour Voltaire, sorti de « limagination dun sauvage ivre ».
Entre le sauvage ivre et léternel contemporain, où situer Shakespeare ?
Après les célébrations du centenaire, cest sur le revers de la médaille quil convient de se pencher : sur toutes les formes dinsatisfaction, voire de désaveu, qui poussent à réécrire, transformer, manipuler, massacrer le grand homme. Il ne sagira pas de faire une histoire des réécritures, en considérant la simple transposition dans une autre aire culturelle ou la nécessaire adaptation à un contexte nouveau. Nous nous intéresserons aux réutilisations de toutes sortes en réfléchissant aux formes de refus qui leur sont inhérentes, et tenterons de cerner ce qui, jusque dans lhommage, se glisse de réticence, de résistance, voire de rejet profond.
Nous souhaitons des interventions portant sur toutes les périodes, toutes les aires culturelles, tous les media. Elles pourront prendre des directions très diverses.
- Lhostilité déclarée (« Bard-bashing ») telle quelle sexprime dans des pamphlets, des essais critiques ou des commentaires chez les contemporains de Shakespeare (Greene, par exemple) et plus tard chez John Dryden, Thomas Rymer, Voltaire ou dans le tollé qui a accueilli les comédiens anglais à Paris en 1822 ou encore Léon Tolstoi. Au XXe siècle, le « Shakespeare trashing » est un art qui a été cultivé avec raffinement par des gens aussi différents que George Bernard Shaw, T.S. Eliot et plus récemment, sur la scène américaine, Charles Marowitz, par exemple. On pourra également penser à la critique féministe et aux approches culturelles de Shakespeare qui renvoient dos à dos élitisme et culture populaire.
- Les aléas de luvre, passant dans les mains déditeurs et de commentateurs qui cherchent à la débarrasser de scories intolérables, qui réaménagent le texte, bien avant la bowdlerization, ou qui rejettent une partie de luvre comme indigne (les horreurs de Titus Andronicus), jusquà ce que, à partir du XIXe s., les querelles sur la paternité ne cherchent à arracher la totalité de luvre à un acteur indigne dun tel monument.
- Les réécritures, traductions et adaptations, quand les modifications opérées servent non seulement à mettre luvre au goût du jour (Nahum Tate et bien dautres) ou à la rapprocher dun public et dune culture différents, mais impliquent une violence assumée. Il ny a guère de réécriture qui ne soit ambivalente, puisque la réécriture implique linadaptation ou linsuffisance du modèle. Dans les réécritures contemporaines (Brecht, Stoppard, Bond, Barker, Heiner Müller, Deutsch, Botho Strauss, etc.) cette ambivalence prend une forme volontiers agressive. Et les adaptations qui sciemment maltraitent la langue de Shakespeare ? Laplatissent-elles pour la mettre à la portée dun public daujourdhui ou dans le dessin affiché de lui régler son compte ?
- Quant aux réécritures de plateau (Vincent Macaigne, Jean-Michel Rabeux, Thomas Ostermeier, Angelica Liddell, etc.) avec qui règlent-elles leurs comptes ? Avec la société, avec le public, avec le théâtre ou avec Shakespeare ? Après la génération des metteurs en scène du texte, puis celle des metteurs en scène sans texte, celle des metteurs en scène qui prennent un texte pour le dynamiter. Mais on aurait tort de croire que le démembrement de Shakespeare soit une invention contemporaine : on pense aux « drolls » de la période du Commonwealth comme Bottom the Weaver (1646 ?) qui assure au Songe dune nuit dété une existence clandestine mais néanmoins fragmentaire ; en 1723, Charles Jonson fait jouer Love in a Forest, où As you like it fournit le cadre vaguement narratif à une fricassée de fragments de comédies et même de tragédies de Shakespeare. Après tout, en intitulant ainsi sa comédie, Shakespeare ninvitait-il pas à en faire nimporte quoi ?
- Le personnage de Shakespeare nest pas épargné. On veut bien croire que la mièvrerie est une forme dadmiration (Shakespeare in love), mais le Shakespeare dépressif et suicidaire de Bond (Bingo), lidentité mouvante développée par Mark Rylance (I am Shakespeare) ou encore par Roland Emmerich (Anonymous)?
- On pourra, bien sûr, poursuivre lenquête « hors les murs », dans les réutilisations non théâtrales : les réécritures narratives et en particulier les réécritures policières , les réutilisations cinématographiques (Looking for Richard). Il est sans doute difficile de soupçonner, dans la Boydells Shakespeare Gallery, les traces dune intention sacrilège, mais on peut se poser la question pour labondante iconographie shakespearienne ou encore pour les propositions de plasticiens contemporains tels que Damian Hirst et ses crânes.
Vous êtes invités à envoyer vos propositions accompagnées dun résumé et dune courte notice biographique pour le 15 janvier 2015 à Elisabeth Angel-Perez (eangel@wanadoo.fr) et à François Lecercle (francois.lecercle@wanadoo.fr).
3-5 décembre 2015 Université de Paris-Sorbonne
Colloque international organisé par
le PRITEPS
(Programme International sur le Théâtre et les Pratiques Scéniques)
à la Maison de la Recherche, 28 rue Serpente 75006 Paris
Shakespeare a le rare privilège de navoir jamais quitté la scène, davoir été très vite proposé comme un modèle du théâtre universel, parlant à toutes les époques et toutes les cultures bref dêtre « notre contemporain » (Jan Kott). Mais ladmiration nest pas sans partage. Avec des « traits sublimes », Hamlet est, pour Voltaire, sorti de « limagination dun sauvage ivre ».
Entre le sauvage ivre et léternel contemporain, où situer Shakespeare ?
Après les célébrations du centenaire, cest sur le revers de la médaille quil convient de se pencher : sur toutes les formes dinsatisfaction, voire de désaveu, qui poussent à réécrire, transformer, manipuler, massacrer le grand homme. Il ne sagira pas de faire une histoire des réécritures, en considérant la simple transposition dans une autre aire culturelle ou la nécessaire adaptation à un contexte nouveau. Nous nous intéresserons aux réutilisations de toutes sortes en réfléchissant aux formes de refus qui leur sont inhérentes, et tenterons de cerner ce qui, jusque dans lhommage, se glisse de réticence, de résistance, voire de rejet profond.
Nous souhaitons des interventions portant sur toutes les périodes, toutes les aires culturelles, tous les media. Elles pourront prendre des directions très diverses.
- Lhostilité déclarée (« Bard-bashing ») telle quelle sexprime dans des pamphlets, des essais critiques ou des commentaires chez les contemporains de Shakespeare (Greene, par exemple) et plus tard chez John Dryden, Thomas Rymer, Voltaire ou dans le tollé qui a accueilli les comédiens anglais à Paris en 1822 ou encore Léon Tolstoi. Au XXe siècle, le « Shakespeare trashing » est un art qui a été cultivé avec raffinement par des gens aussi différents que George Bernard Shaw, T.S. Eliot et plus récemment, sur la scène américaine, Charles Marowitz, par exemple. On pourra également penser à la critique féministe et aux approches culturelles de Shakespeare qui renvoient dos à dos élitisme et culture populaire.
- Les aléas de luvre, passant dans les mains déditeurs et de commentateurs qui cherchent à la débarrasser de scories intolérables, qui réaménagent le texte, bien avant la bowdlerization, ou qui rejettent une partie de luvre comme indigne (les horreurs de Titus Andronicus), jusquà ce que, à partir du XIXe s., les querelles sur la paternité ne cherchent à arracher la totalité de luvre à un acteur indigne dun tel monument.
- Les réécritures, traductions et adaptations, quand les modifications opérées servent non seulement à mettre luvre au goût du jour (Nahum Tate et bien dautres) ou à la rapprocher dun public et dune culture différents, mais impliquent une violence assumée. Il ny a guère de réécriture qui ne soit ambivalente, puisque la réécriture implique linadaptation ou linsuffisance du modèle. Dans les réécritures contemporaines (Brecht, Stoppard, Bond, Barker, Heiner Müller, Deutsch, Botho Strauss, etc.) cette ambivalence prend une forme volontiers agressive. Et les adaptations qui sciemment maltraitent la langue de Shakespeare ? Laplatissent-elles pour la mettre à la portée dun public daujourdhui ou dans le dessin affiché de lui régler son compte ?
- Quant aux réécritures de plateau (Vincent Macaigne, Jean-Michel Rabeux, Thomas Ostermeier, Angelica Liddell, etc.) avec qui règlent-elles leurs comptes ? Avec la société, avec le public, avec le théâtre ou avec Shakespeare ? Après la génération des metteurs en scène du texte, puis celle des metteurs en scène sans texte, celle des metteurs en scène qui prennent un texte pour le dynamiter. Mais on aurait tort de croire que le démembrement de Shakespeare soit une invention contemporaine : on pense aux « drolls » de la période du Commonwealth comme Bottom the Weaver (1646 ?) qui assure au Songe dune nuit dété une existence clandestine mais néanmoins fragmentaire ; en 1723, Charles Jonson fait jouer Love in a Forest, où As you like it fournit le cadre vaguement narratif à une fricassée de fragments de comédies et même de tragédies de Shakespeare. Après tout, en intitulant ainsi sa comédie, Shakespeare ninvitait-il pas à en faire nimporte quoi ?
- Le personnage de Shakespeare nest pas épargné. On veut bien croire que la mièvrerie est une forme dadmiration (Shakespeare in love), mais le Shakespeare dépressif et suicidaire de Bond (Bingo), lidentité mouvante développée par Mark Rylance (I am Shakespeare) ou encore par Roland Emmerich (Anonymous)?
- On pourra, bien sûr, poursuivre lenquête « hors les murs », dans les réutilisations non théâtrales : les réécritures narratives et en particulier les réécritures policières , les réutilisations cinématographiques (Looking for Richard). Il est sans doute difficile de soupçonner, dans la Boydells Shakespeare Gallery, les traces dune intention sacrilège, mais on peut se poser la question pour labondante iconographie shakespearienne ou encore pour les propositions de plasticiens contemporains tels que Damian Hirst et ses crânes.
Vous êtes invités à envoyer vos propositions accompagnées dun résumé et dune courte notice biographique pour le 15 janvier 2015 à Elisabeth Angel-Perez (eangel@wanadoo.fr) et à François Lecercle (francois.lecercle@wanadoo.fr).