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Appel à contributions : « Un théâtre en quête d’espaces »
Appel à contributions. Un théâtre en quête d'espaces
Ouvrage collectif dirigé par Florence Fix et Frédérique Toudoire-Surlapierre
Ce projet d'ouvrage collectif sur la scène moderne et contemporaine entend examiner ce que devient l'espace au théâtre. L'espace a toujours été présent certes, mais ses formes ont justement différé selon les périodes : depuis l'île des esclaves où le déplacement signifie une configuration utopique proche du panoptique, en passant par le théâtre naturaliste et sa tentation d'une imitation miniaturisée des espaces du quotidien, la scène a pris de l'ampleur, assouvissant (avec plus ou moins de bonheur) ses désirs d'ailleurs. Il nous intéressera dans ce volume de considérer comment les dramaturges utilisent la scène théâtrale pour donner à voir (et à imaginer) un autre monde, qu'il soit utopie, uchronie ou dystopie, ailleurs exotique plus ou moins lointain, au-delà invisible ou encore zone interdite. Que devient l'espace scénique de l'ère des totalitarismes à l'ère de la mondialisation, de son extension, à la fois en horizontalité (un monde parcouru en long et en large) et en verticalité (l'espace à la mesure des planètes qui font notre nouveau monde) ? Les mises en scène jouent des images vidéo, qu'elles empruntent à la danse ou au cirque la verticalité des plateaux (par la présence d'acteurs acrobates ou de gymnastes), que les plateaux comportent plusieurs niveaux en hauteur imitant un immeuble ouvert. L'extension rhizomatique que permet l'espace virtuel possède aussi des conséquences concrètes sur la scène théâtrale, comment s'y déploie-t-il concrètement : ne se contentant pas de la forme policée d'images vidéos comme s'il fallait au théâtre un fond d'écran, il joue aussi de modalités inédites en donnant à voir des espaces jusque là conçus (préconçus) comme irreprésentables, la prison, les lieux d'enfermement en tous genres (Blue-s-cat de Koffi Kwahulé se passe dans un ascenseur) ou autres zones interdites, y compris dans une dimension géopolitique (Naomi Wallace, Twenty One Positions: A Cartographic Dream of the Middle East). Ce volume envisagera toutes les formes de ces espaces originaux et inédits au théâtre, qu'ils soient interdits ou dangereux, étrangers, surprenants, exotiques. Qu'ils soient crédibles ou vraisemblables, ces espaces sont l'expression de tous les possibles et impossibles, ils signifient un besoin d'évasion et d'imagination des dramaturges qu'il conviendra de spécifier : lorsque Césaire fait converger île shakespearienne et Caraïbe dans une réécriture de La Tempête l'espace post-colonial et l'espace imaginaire se fondent en un nouvel espace
- de jeu, de pensée, de culture, qu'il s'agisse tout au contraire de La Conquête du Pôle Sud telle que Manfred Karge la représente. Les enjeux dramaturgiques et scénographiques seront au cœur des articles, intégrant ce que peuvent les progrès technologiques, les modalités et les prouesses dont ils font preuve, tout semblant conçu pour « emmener » le spectateur loin de son fauteuil, lui permettant de voyager comme bon lui semble
- ou comme le lui impose une Sarah Kane amenant le conflit bosniaque dans une intrigue dramatique du nord de l'Angleterre. Les articles pourront également porter sur des pièces dont les personnages sont des explorateurs en tous genres, voyageurs dans des mondes réels ou virtuels. Ils pourront s'attaquer au théâtre de tous les pays, des périodes moderne et contemporaine, jusqu'à l'ultra-contemporain, et s'intéresser également à des expériences-limites, vols dans l'espace, performances hybrides et extrêmes, à l'instar de la pièce de Christoph Marthaler, Plus ou moins degré zéro, qui n'est pas seulement une pièce qui nous emmène au Groenland, cherchant à rendre les icebergs, les glaciers, les espaces déserts et les montagnes de neige, mais où il fait de son théâtre le lieu d'une expérimentation, donnant à voir « un camp de base subpolaire » et à entendre « un changement climatique musical ».
Que signifient du point de vue social et culturel de telles évolutions ? Quelles sont les potentialités de l'espace scénique par rapport à des notions comme la géographie, le climat, la géopolitique et la géopoétique ? N'a-t-il pas plus à offrir que son décor et son quatrième mur ou n'est-il pas le lieu inattendu d'innovations spatiales justement
- qui peuvent aussi se dire dans la langue plus que dans la représentation (on pensera à des titres de pièces comme Vous qui habitez le temps ou L'espace furieux de Valère Novarina) ? Que peuvent-elles préfigurer du théâtre de demain ? Si l'on est tenté d'affirmer comme Marie-Claire Ropars-Wuilleumier que « l'espace phagocyte le temps » et qu'au XXe siècle l'espace « contre-attaque », c'est aussi que le temps s'est spatialisé, déplacé et vectorisé dans le champ d'investigation de l'espace. Matei Visniec détermine ainsi les pièces courtes qui composent Attention aux vieilles dames rongées par la solitude en trois modalités spatiales, « Frontières », « Agoraphobies » et « Désert »). Celui-ci est ainsi ce qui se mesure après que l'événement historique a eu lieu, c'est en cela que le XXe siècle a été caractérisé de « spatial turn » (Frederic Jameson), se différenciant radicalement du XIXe qui était justement le siècle de l'Histoire. Dans quelle mesure le théâtre effectue-t-il le transfert d'un récit de l'Histoire à un récit de l'espace, ou plutôt comment envisage-t-il les bouleversements événementiels à l'aune de leurs espaces
- les anciens empires soviétiques ou coloniaux par exemple ? L'espace scénique se fait-il l'écho de nos préoccupations climatiques et nos prescriptions plus ou moins alarmistes concernant la protection de l'environnement, l'écologie, depuis les angoisses de réchauffement climatique et de fonte glaciaire, de traumatiques tsunamis, de tremblements de terres ou de volcans en éruption
- tous conçus sur le mode de la contamination virale, de la pandémie, de l'épanchement spatial ?
Les propositions de contributions (une dizaine de lignes, accompagnées éventuellement de quelques lignes de présentation) seront à adresser à Florence Fix (florence@jfix.com) Frédérique Toudoire-Surlapierre (frederique.toudoire@free.fr), pour le 30 juin 2012 et les articles (30000 signes, notes et espaces compris), après acceptation du comité scientifique, seront à remettre le 30 octobre 2012.