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Wladimir Troubetskoy. In Memoriam




Notre collègue, notre ami,

Wladimir TROUBETZKOY,


nous a quittés brutalement, mardi 26 mai : rien ne le laissait prévoir. Slavisant, comparatiste et vraiment européen : beaucoup ont pu le rencontrer au cours de colloques, de soutenances de thèses, de voyages vers l'Est ou, plus simplement, au cours de leurs lectures.


Né en 1942, Wladimir était entré (deuxième) à l'ENS de la rue d'ULM en 1964 ; agrégé de Lettres Classiques en 1968, il soutint sa thèse de doctorat d'Etat en 1987, sous la direction de Michel Cadot, sur L'aristocratie et le rôle de l'écrivain dans la littérature européenne de la première moitié du XIXème siècle. Entre-temps, il effectue son service militaire, au titre de la coopération, comme Professeur de langue et littérature françaises à la Faculté de Phnom-Penh (Cambodge), avant de passer quatre années au lycée « Jean-Jacques Rousseau » de Montmorency.

En 1974, commence sa carrière universitaire. D'abord assistant, puis maître-assistant et maître de conférences de littérature comparée à l'Université Charles de Gaulle Lille III, c'est dans cette même université qu'il devient, en 1988, Professeur de littérature comparée, avant de passer en 1995 à l'Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines.


Ses publications reflètent certains des domaines de l'interculturalité qui l'ont toujours passionné : les relations entre le monde slave et l'Occident, Saint-Pétersbourg et l'Europe, la médiation culturelle et scientifique (Rezeptiontheörie).

Wladimir est l'auteur d'environ 90 articles, en français, en anglais et en russe, consacrés à : Balzac, Léon Tolstoï, les Décembristes, Gorki, Vigny, Griboedov, Molière, Chateaubriand, Byron, le conte merveilleux, Tchékhov, Pouchkine, Schopenhauer, Pasternak, T. Konwicki, C. Milosz, Soljénitsyne, Gogol, Don Juan, la Russie, Saint-Pétersbourg, Versailles, Nabokov, Chamisso, Dostoïevski, le Double, Stendhal, Proust, Stanislavski, Paul Bourget...

Il faut ajouter des ouvrages : La Russie au XIXème siècle, Paris, Gallimard, 1992, « Découvertes » ; L'ombre et la différence. Le Double en Europe, Paris, P.U.F., « Littératures européennes », 1996 ; Manuel de Littérature comparée, sous la direction de Didier Souiller, en collaboration avec Wladimir Troubetzkoy, Paris, P.U.F., « Collection Premier Cycle », 1997 ; Saint-Pétersbourg, mythe littéraire, Paris, P.U.F., « Littératures européennes », 2003, et de nombreuses traductions du russe en français : Tchékov, Nabokov et, notamment, Pouchkine : La Dame de pique. Les Nuits égyptiennes et autres nouvelles, traductions révisées, introduction, notes, biographie et bibliographie par Wladimir Troubetzkoy, Paris, GF Flammarion, 1996 ; et Boris Godounov, Théâtre complet, présentation, chronologie, bibliographie, notes et traduction revue par Wladimir Troubetzkoy, Paris, GF Flammarion, 2000.
Sa dernière publication sera sans doute un article sur Gogol intitulé "Gogol ou: la littérature, pour quoi faire?", destiné à un recueil sur Gogol. Il se passionnait dernièrement pour Les bienveillantes et préparait une communication pour un colloque J. Little à Jérusalem co-organisé par Aurélie Barjonet et prévu pour la fin juin 2009.

De nombreuses conférences sur Pouchkine, Gogol, Soljénitsyne, la Russie, en particulier sur Saint-Pétersbourg, à l'occasion du Tricentenaire de sa fondation, viennent compléter ces travaux.
Il convient, enfin, de signaler sa présence aux PUF, où il co-dirigeait la collection « Littératures Européennes », et son action à l'Université de Versailles, motivée par le souci d'inscrire les préoccupations du comparatiste dans un contexte plus large : Wladimir était à l'origine de la création de l'IUP Arts, sciences, cultures, multimedia, devenu département SACIM , dont il a été le directeur de 2000 à 2006.


Par delà l'universitaire, restera dans les mémoires une belle personnalité, chaleureuse et attentive : de nombreux jeunes collègues, anciens étudiants ou comparatistes « débutants », ont tenu à manifester le souvenir qu'ils gardaient de quelqu'un d'encourageant et d'amical, ne jouant nullement au mandarin et encore moins au prince russe. Tous ceux qui l'ont, peu ou prou, fréquenté appréciaient son énergie, son amour de la vie, sa capacité à animer un dîner où, conteur disert, il débordait d'anecdotes plaisantes (ou tragiques) sur l'histoire de la Russie, évoquant tout aussi bien telle bataille médiévale sur les bords de la Baltique que l'implacable absurdité du fonctionnement du Goulag, un grand-oncle Tolstoï ou tel membre de sa famille, arrêtant Lénine et demandant au Palais ... « ce qu'il fallait en faire ».

Au demeurant, skieur, mais également bon cavalier : les chevaux ne bronchaient pas sous sa gouverne...


Que l'ami qui écrit ces lignes puisse aussi témoigner de la confiance et de la parfaite solidarité qui a régné lors de la rédaction de tâches communes

- et l'on sait qu'écrire un ouvrage en commun est souvent une épreuve pour l'amitié. Qu'il soit permis, enfin, de faire une brève allusion au « père de famille » : mon fils, fréquent compagnon de jeux du sien durant la petite enfance, me rappelait sans cesse la gentillesse de Wladimir et sa drôlerie complice.


Que son épouse, Laure, son fils, Nicolas, trouvent ici l'expression de notre émotion.


D. SOUILLER