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Marines. Matrice générique et migrations interartistiques chez Anselm Kiefer après Marcel Proust et Arthur Rimbaud
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Prenant pour objet le genre de la marine, cet article considère une série de migrations interartistiques allant de la peinture à la littérature et retournant aux arts visuels chez le peintre allemand Anselm Kiefer qui, s’appuyant sur les appropriations littéraires du genre pictural par Rimbaud et Proust, rapatrie la marine dans le champ des arts visuels pour en faire la matrice d’un art où les frontières – qu’elles soient génériques, artistiques, géographiques ou symboliques– fluctuent. De Rimbaud à Kiefer, le genre de la marine migre de telle sorte qu’il devient emblématique de la dissolution de toute frontière et de tout genre, préalable à leur recomposition.

Focusing on the genre of seascapes, this article observes a series of interartistic migrations, going from painting to literature and back to the visual arts in the works of Anselm Kiefer. The German artist relies on Rimbaud’s and Proust’s literary appropriations of the pictorial genre and brings the seascape back into the field of visual arts. It becomes the matrix of an art where all boarders – whether generic, artistic, geographic or symbolic– fluctuate. From Rimbaud to Kiefer, the genre of the seascape migrates in such a way that it becomes emblematic of the very dissolution of all boarders and genres, that will lead to their recomposition.

ARTICLE

      Vues d’un port de commerce ou scènes de combat naval, tempêtes romantiques ou vagues réalistes, études impressionnistes du jeu de la lumière sur l’eau ou aquarelles estompant les démarcations du ciel et de la mer : la marine, en tant que genre académique, motif de la modernité ou sujet d’expérimentations esthétiques, est un sujet pictural privilégié. Or ce n’est pas sur cette riche tradition que s’appuie le peintre et plasticien allemand installé en France Anselm Kiefer (né en 1945) pour définir sa propre pratique, mais sur quelques-uns des exemples les plus connus d’appropriation littéraire de ce sujet pictural. En effet, « Marine », titre de la première leçon donnée par Anselm Kiefer au Collège de France en 2010 en tant que titulaire de la chaire de Création Artistique pour l’année 2010-2011, est une référence directe au vingt-sixième poème des Illuminations de Rimbaud. Cette leçon en explique l’enjeu séminal dans l’œuvre du peintre, et notamment la « philosophie de libération des limites » que ce dernier y trouve [1] . Après Rimbaud et après Proust, dans une sorte d’ekphrasis à rebours, Kiefer rapatrie la marine dans le champ des arts visuels pour en faire la matrice d’un art où le fragment côtoie l’infini, et où les frontières génériques et artistiques, qui sont également les frontières réelles (le Rhin) mais tout aussi bien « limites à peine tangibles du Moi [2]  », fluctuent. Partant de la place dévolue à la marine chez Anselm Kiefer, je propose de considérer la série de migrations interartistiques par lesquelles, de la peinture académique à Rimbaud et de Rimbaud à Kiefer, le genre de la marine devient le creuset de la dissolution du genre, préalable à sa recomposition.

Migration : du tableau au poème

      Participant dès son développement au XVIIe siècle de l’académisme le plus conservateur, qui consacre le genre de la marine à la représentation de la puissance navale et commerciale des États, la représentation de sujets maritimes ou fluviaux est aussi le creuset privilégié d’expérimentations picturales visant à capter ce qui est par essence insaisissable et fugitif : le mouvement et la texture des flots, ainsi que mille variations de lumière [3] . Décrivant des batailles, représentant des arsenaux, la marine contribue à exalter la grandeur des puissances navales et commerciales dont elle a pour vocation d’accompagner l’essor. Mais en marge de la représentation de commande de la puissance politique, la marine est aussi le lieu privilégié de l’interrogation de la représentation elle-même. Elle fournit au Lorrain l’occasion de représenter la lumière dans ses paysages portuaires idéaux nimbés d’onirisme ; elle donne à Turner l’occasion de représenter, outre la lumière, le mouvement et la vitesse, dans des toiles où les contours des figures s’estompent, annonçant l’impressionnisme ; elle donne à Courbet l’occasion de s’attaquer à la matière fugace de la vague ; elle donne aussi et surtout son nom à l’« impressionnisme » – puisque c’est le titre d’une vue du port du Havre de Monet (Impression, soleil levant) qui, repris péjorativement sous la plume d’un critique, baptise le mouvement jusqu’alors dépourvu de nom, avec la notoriété que l’on sait [4] . Outre ces enjeux techniques, qui en font le motif privilégié par une modernité avide de s’affronter au fugitif et au mouvant, le genre pictural de la marine peut également se doubler d’une charge symbolique – en particulier, le romantisme réinvestit le genre, tantôt dans des scènes historiques où est représentée la violence des souffrances et passions, tantôt dans des paysages ouvrant à la contemplation d’un infini contrastant douloureusement avec la finitude humaine. Si le sujet maritime peut symboliser la violence des passions, sa représentation – dans son fond comme dans sa forme – dialectise l’infini et la finitude. Ainsi, la matrice générique de la marine, qu’elle représente des scènes historiques ou de simples paysages, pose toujours le problème de la représentation des flots en mouvement. Elle constitue un objet privilégié pour l’étude des reflets et des jeux de lumière, jusqu’au point où les limites des figures, s’estompant pour mieux rendre l’illusion de leur perspective, le bougé ou le flou de leurs lignes, et l’influx lumineux de leurs couleurs, tendent vers l’abstraction.

      Qu’est-ce qui, de cette histoire et de ses enjeux, migre vers la littérature lorsque celle-ci s’empare du genre pictural ? Et tout d’abord, qu’est-ce qui persiste et qu’est-ce qui se trouve transformé dans l’appropriation rimbaldienne de la marine [5]  ? Sans qu’il soit possible de déterminer s’il s’agit d’un exercice de voyance, de la description d’une scène onirique ou d’un tableau réel, le poème « Marine » est souvent considéré comme ekphrastique dans son principe (ne serait-ce que par l’usage du présent de description) :

Les chars d’argent et de cuivre –
Les proues d’acier et d’argent –
Battent l’écume,
Soulèvent les souches des ronces.
Les courants de la lande,
Et les ornières immenses du reflux,
Filent circulairement vers l’est,
Vers les piliers de la forêt, –
Vers les fûts de la jetée,
Dont l’angle est heurté par des
tourbillons de lumière. [6]

Le poème a été rapproché d’une esthétique impressionniste, telle qu’elle est par exemple préfigurée chez Turner – on sait que Verlaine et Rimbaud avaient vu les œuvres de Turner à Londres en 1872-73, période coïncidant à la date probable de composition du poème [7] – et en particulier de Yacht approaching the coast, tableau où l’on reconnaît un même mouvement de circularité, une même difficulté à distinguer les frontières entre terre et mer, une même luminosité tourbillonnante. Mais quel que soit le statut du poème quant à l’existence d’un possible modèle visuel, il relève de ce que Suzanne Bernard nommait déjà la « technique de vision » de Rimbaud [8] .
      Le poème opère tout d’abord la fusion d’éléments entrecroisés dans une logique chiasmatique où les champs lexicaux maritimes et terrestres sont appariés pour être constamment intervertis et entremêlés, ce qui aboutit à une impression de brouillage et de confusion. La collusion des univers hétérogènes est encore accrue par la structure grammaticale du poème qui les joint ensemble : par exemple, les « ornières » et les « courants » sont sujets du même verbe, « filer ». D’autres structures grammaticales et rythmiques renforcent cette intrication, comme l’anaphore de la préposition « vers » qui sous l’aspect d’un parallélisme grammatical masque un chiasme lexical souligné par les échos sonores et graphiques des noms et compléments inversés (piliers/jetée), (forêt/fûts). Tout converge dans ce poème pour rendre les objets, les matières, les mouvements ou les lieux propres à la mer et à la terre interchangeables, brouillant les frontières et produisant des frictions inédites entre des univers opposés, proprement impossible d’un point de vue logique. Du point de vue de sa structure formelle, « Marine » est le seul poème des Illuminations (avec « Mouvement ») à être composé en vers libres – contrastant ainsi avec le reste de ce recueil de prose poétique. Conservant le cadre formel minimal du vers, le poème dissout le carcan de la rime et, épousant un flux inégal qui peut évoquer l’irrégularité du ressac, rompt avec le mètre régulier. Tout se passe comme si, dans cette structure transitionnelle où les amarres du vers ne sont pas encore rompues, s’esquissait le passage de la figuration à l’abstraction.

      La dimension visuelle et chiasmatique du poème explique qu’il soit souvent – et bien avant Kiefer – rapproché de l’ekphrasis de la vue du port de Carquethuit peinte par Elstir dans À l’ombre des jeunes filles en fleurs (1919). En effet, Proust décrit dans ces pages une esthétique impressionniste reposant sur un brouillage des frontières entre terre et mer opéré grâce à un système d’analogies croisées similaire à celui déployé par Rimbaud :

Mais les rares moments où l’on voit la nature telle qu’elle est, poétiquement, c’était de ceux-là qu’était faite l’œuvre d’Elstir. Une de ses métaphores les plus fréquentes dans les marines qu’il avait près de lui en ce moment était justement celle qui comparant la terre à la mer, supprimait entre elles toute démarcation. […] C’était par exemple à une métaphore de ce genre – dans un tableau représentant le port de Carquethuit […] – qu’Elstir avait préparé l’esprit du spectateur en n’employant pour la petite ville que des termes marins, et que des termes urbains pour la mer. […] Dans le premier plan de la plage, le peintre avait su habituer les yeux à ne pas reconnaître de frontière fixe, de démarcation absolue, entre la terre et l’océan [9] .

L’ekphrasis de Proust, qui commence par une description factuelle et explicative où l’articulation du comparant et du comparé est systématiquement motivée (« comme », « semblait », « avait l’air de »,...), progresse elle aussi vers une abolition des frontières entre terre et mer par la suppression des outils de comparaison, produisant, comme dans « Marine », une indistinction et une confusion des deux plans de l’analogie :

Une bande de promeneurs sortait gaiement en une barque secouée comme une carriole ; un matelot joyeux, mais attentif aussi la gouvernait comme avec des guides, menait la voile fougueuse, chacun se tenait bien à sa place pour ne pas faire trop de poids d’un côté et ne pas verser, et on courait ainsi par les champs ensoleillés, dans les sites ombreux, dégringolant les pentes [10] .

Si l’illumination rimbaldienne bouleverse les coordonnées de l’espace rationnel en organisant la collusion et l’indistinction de deux espaces hétérogènes, l’ekphrasis proustienne, s’acheminant vers un résultat similaire, en fait également la théorie : la marine impressionniste présente « l’impression première » dépouillée des corrections a posteriori de l’intelligence. Mais l’appropriation littéraire de la marine fournit également à Proust l’occasion de formuler une théorie de la création artistique dans son ensemble, et dans son rapport à la réalité :

Le charme de chacune [de ces marines] consistait en une sorte de métamorphose des choses représentées, analogue à celle qu’en poésie on nomme métaphore et que si Dieu le Père avait créé les choses en les nommant, c’est en leur ôtant leur nom, ou en leur en donnant un autre qu’Elstir les recréait. Les noms qui désignent les choses répondent toujours à une notion de l’intelligence, étrangère à nos impressions véritables et qui nous force à éliminer d’elles tout ce qui ne se rapporte pas à cette notion [11] .

Établissant une analogie de la poésie et de la peinture, cette citation en marque aussi une complémentarité. Comme Dieu, l’artiste est créateur, mais pour créer il doit défaire la création divine, au moins pour un temps : il doit suspendre l’évidence du réel pour en interroger la trame. Cette suspension passe par une déconnexion de l’habitude perceptive et des mécanismes intellectuels qui la gouvernent, déconnexion qui permet de plonger dans la matérialité sensible pour la percevoir comme pour la première fois. Pour cela il faut provoquer le débrayage des noms, qui articulent d’habitude la perception et la signification, le sensible et l’intelligible, établissant ainsi la réalité et garantissant sa stabilité dans le temps. Débaptiser les choses permet de les observer d’un œil neuf, et de les placer dans de nouveaux rapports, que la rationalité empêche d’ordinaire d’établir. L’art, la littérature, permettent ce débrayage, permettent de révéler ces mécanismes, et donc permettent de créer de nouveaux embrayages, de nouvelles réalités.
      La référence au Verbe à l’ouverture d’un passage dédié à la création picturale est incongrue. Si elle peut sembler suggérer, de manière plutôt insidieuse, une certaine supériorité du Verbe sur l’image, elle servirait plutôt à désigner une certaine puissance démiurgique de l’artiste, dont l’atelier est le « laboratoire d’une nouvelle création du monde [12]  », et qui, à l’égal de Dieu, a le pouvoir de modeler la réalité, de la transformer, de la créer. En effet, la description des marines d’Elstir offre l’occasion d’une première réflexion sur la métaphore, dont on sait que Proust fera dans Le Temps retrouvé, sur le modèle de la mémoire involontaire, une voie d’accès à l’absolu :

Ce que nous appelons la réalité est un certain rapport entre ces sensations et ces souvenirs qui nous entourent simultanément […] – rapport unique que l’écrivain doit retrouver pour en enchaîner à jamais dans sa phrase les deux termes différent. On peut faire se succéder indéfiniment dans une description les objets qui figuraient dans le lieu décrit, la vérité ne commencera qu’au moment où l’écrivain prendra deux objets différents, posera leur rapport, analogue dans le monde de l’art à celui qu’est le rapport unique de la loi causale dans le monde de la science, et les enfermera dans les anneaux nécessaires d’un beau style. Même, ainsi que la vie, quand en rapprochant une qualité commune à deux sensations, il dégagera leur essence commune en les réunissant l’une et l’autre pour les soustraire aux contingences du temps, dans une métaphore [13] .

Tout comme Elstir débaptise la mer et la ville pour les nouer dans des rapports inédits, faisant ainsi surgir une vérité plus essentielle de la perception, c’est du rapprochement fortuit de deux éléments a priori hétérogènes que peut jaillir l’étincelle ou se donne le sens. La métaphore suspend la réalité en rassemblant deux éléments qui n’appartiennent pas au même plan logique ou au même espace-temps, et dont la collision, en dégageant l’essence commune à ces deux éléments, provoque une troisième réalité supérieure, essentielle.

Re-migration : du poème au tableau

      C’est donc sur ces transformations littéraires du genre pictural de la marine que le peintre Anselm Kiefer prend explicitement appui pour tenter de circonscrire sa vision de l’art et les enjeux de sa pratique artistique dans ses Leçons au Collège de France. La leçon « Marine » propose un commentaire linéaire du poème de Rimbaud, mais un commentaire fort singulier. En effet, vers après vers, le fil de la pensée ne cesse d’être interrompu par des digressions en apparence immotivées, et chemine par associations d’idées qui mènent son auditoire à travers des considérations sur la théologie de la substitution, sur la mystique juive, sur l’art conceptuel, et bien d’autres choses encore. Loin d’être fortuites, ces digressions participent d’une méthode caractéristique du processus de pensée et de la création artistique de Kiefer, dont le poème « Marine » fournit la matrice, et que la forme même de la leçon « Marine » met en acte. La marine, telle que Kiefer la lit chez Rimbaud et chez Proust, devient le creuset générique et thématique permettant à Kiefer, de dissoudre les frontières (de la représentation, du sujet, du réel), afin d’ouvrir une fenêtre sur la contemplation de l’infini, de faire de son art (et de sa pensée) le laboratoire d’une nouvelle création, le chaos d’où émergera une nouvelle réalité, plus réelle que la première.
      Kiefer reconnaît dans le poème « Marine » une « destruction de la syntaxe à ce point extrême qu’elle en perd son sens [14]  », qui fait éclater la représentation afin de s’approcher de son au-delà. Pour Kiefer, cette approche peut se faire dans la capture de ce moment de glissement où la figure se dissout dans l’abstraction (un glissement qu’il reconnaît dans certains tableaux de jeunesse de Kandinsky et Mondrian où des figures se laissent encore reconnaître, avant que les œuvres ne deviennent pure forme [15] ). C’est très précisément dans ce mouvement saisissant la figure au seuil de sa dissolution que Kiefer installe sa propre pratique artistique. On le voit de manière répétée dans ses paysages marins où les frontières entre ciel, terre et mer sont consciencieusement brouillées, où une mer d’étoiles se superpose en transparence à l’océan, ou encore dans ses représentations de vastes champs labourés évoquant la mer [16] . L’aquarelle Nordkap (1975), sélectionnée pour figurer sur la couverture des Leçons aux Éditions du Regard, en atteste également. Dans la partie supérieure de cette marine où les frontières du ciel, de la mer et de la terre vont s’estompant, diluées dans la peinture à l’eau, figure l’inscription Die Kunst geht knapp nicht unter, dont une traduction fournit le titre des Leçons : L’art survivra à ses ruines. Si le verbe Untergehen peut en effet connoter une idée de ruine, il dénote plus précisément une idée de disparition progressive dans l’eau, signifiant « couler », « se noyer », « décliner à l’horizon » (dans le cas des astres, soleil ou lune), ou encore « faire naufrage ». Au milieu du tableau, sur la ligne d’horizon, cinq taches orangées sont autant de soleils qui eux aussi s’avancent vers leur déclin sans tout à fait disparaître. L’art serait ici comme la mer allant avec le soleil : le processus infini d’un crépuscule jamais achevé où les éléments se confondent, tirant sa nouvelle force d’aube de la dissolution des contours du monde, chaos élémentaire d’où émergeront, de la friction d’éléments hétérogènes, de nouvelles configurations.
      Cette « philosophie de libération des limites », déjà évoquée, qui s’élabore en dialogue avec Rimbaud et Proust, est mise en acte dans la forme même des Leçons. Délaissant la logique discursive de l’essai, le propos de Kiefer épouse une progression associative qui évoque la technique d’attention librement flottante de l’écoute psychanalytique. Mais quelles sont les limites qui sont ainsi libérées ? Quel est l’enjeu de cette « philosophie » ? Quelle réalité, quelle essence permet-elle d’atteindre ? Associant les idées au gré du « libre flottement » de son attention, la pensée d’Anselm Kiefer, tout comme sa démarche artistique, participe d’une forme d’anamnèse, où la marine, genre privilégié de la liquéfaction des frontières, joue un rôle central à maints égards : elle est le milieu et l’instrument d’une enquête sur l’histoire et la culture collective, sur le sujet créateur, et sur l’origine de l’œuvre d’art.
      Dès ses premiers projets des années 1960-70, l’eau doit déborder, dévaster, engloutir, pour reconfigurer le réel – un réel d’abord historique, puisqu’il s’agit pour l’artiste, à cette époque, de réinvestir le passé nazi, objet d’un silence assourdissant dans la société ouest-allemande d’après-guerre, pour lutter contre l’oubli [17] . Dans ces travaux, l’élément marin est souvent au premier plan, de son projet d’inondation de la ville d’Heidelberg en 1969 à ses photographies Tentatives de marcher sur l’eau (1960) et ses peintures sur le thème de l’Opération Seelöwe (Loup de Mer, années 1970-80) [18] , en passant par ses performances Symboles Héroïques et Occupations [Besetzungen], où il se photographie faisant le salut nazi dans des cadres évoquant les clichés de la Kultur, désormais polluée par le nazisme qui y avait inscrit le destin aryen, et notamment dans la posture romantique de l’homme face à la mer [19] . Dans ces œuvres, le travail de dissolution des frontières dont est investie la marine est mis au service d’un travail du deuil. En effet, comme l’a remarqué Daniel Arasse le terme allemand Besetzung condense plusieurs sens possibles : le sens militaire d’occupation, le sens théâtral de distribution des rôles, mais aussi le sens freudien d’investissement psychique. Arasse montre comment, « en surinvestissant en particulier l’imagerie nazie au point de commencer par mettre en scène dans son propre corps l’abjection de son geste de ralliement, Kiefer se serait livré, à travers le travail de mémoire, à un travail de deuil [20]  ». Or, qu’est-ce que le travail du deuil, sinon un travail de déliaison suivi d’une reconfiguration du lien, comparable sur ce point à l’opération métaphorique ? En effet, d’après les célèbres analyses de Freud dans Deuil et mélancolie, le deuil se caractérise par un surinvestissement libidinal de la personne (ou de l’idéal) disparu(e). Le travail du deuil consiste ainsi à désinvestir l’énergie psychique de chaque représentation, de chaque souvenir associée à l’objet disparu, et à la reporter sur d’autres objets du monde extérieur [21] . Les travaux de jeunesse d’Anselm Kiefer consisteraient donc en une lyse du réel et des représentations sous lesquelles le passé a été enfoui, préalable à sa reconfiguration plus fidèle à la vérité – qu’importe s’il faut pour cela soumettre les vivants et leur héritage à une noyade symbolique, il s’agit d’avérer le naufrage. Ainsi, Kiefer réactive, en un certain sens, la tradition de la peinture d’histoire, largement transformée par le prisme de la modernité littéraire : de représentation de la puissance politique et militaire, la marine devient le lieu où la teneur dominatrice des représentations politiques, culturelles et subjectives est ramenée à la surface pour être interrogée, désinvestie – lavée à grande eau.
      Au gré des décennies, la pratique d’Anselm Kiefer se détourne de ces considérations essentiellement historiques, selon une évolution qu’il présente dans sa leçon comme une modification de sa perception du poème « Marine » : « Quelque chose s’est entièrement modifié, qui ne concerne pas mes stades d’appréhension successifs des années 1970 et 1980. Ce qui me semblait alors étranger voire incompréhensible, ce que je percevais comme appartenant à une sorte de destruction du réel, n’était de fait que pure réalité, la seule réalité possible [22] . » Kiefer ne présente pas sa lecture de Rimbaud comme un bloc hors du temps, mais comme un feuilletage d’époques de lecture et de compréhension. Le poème permet ainsi de penser les différences entre diverses strates d’existence. Dans une première époque de sa réception, le poème apparaît comme une explosion incompréhensible des coordonnées du réel conduisant pour le lecteur à une salutaire dissolution des frontières. Dans un second temps, et par l’intermédiaire de Proust, dont il cite le paragraphe sur le Verbe divin et la création artistique, Anselm Kiefer revient à « Marine » pour s’apercevoir que ce qu’il lisait comme une destruction de la réalité est en fait création d’une réalité supérieure. Il identifie alors dans le poème, comme chez Mallarmé, une tentative de « rendre la langue mutique pour mieux s’approcher du silence ». Ce silence essentiel derrière les mots ne se laisse jamais saisir que dans un mouvement d’approche infini depuis l’intérieur des mots: « de même que le langage ne saurait appréhender le néant, le néant ne peut s’exprimer que dans le langage [23] . » L’art chez Kiefer est comme une échelle qui permet de se hisser jusqu’à la méditation sur l’infini depuis l’intérieur des limites du fini, jusqu’à l’approche de l’ineffable du dedans des mots, de l’irreprésentable du dedans de la représentation. L’art ouvre une fenêtre sur une réalité supérieure qui, si elle se dérobe toujours à la saisie dans les formes, supplante néanmoins pour l’artiste la réalité perçue. Il faut pour ceci « faire éclater les choses [24]  » – éclatement dont Kiefer trouve à nouveau la ressource chez Rimbaud : « Dans Marine, les éléments sont volontairement détachés de tout pour être analysés et utilisés à d’autre fins, fournir d’autres images, dont le poète se réserve l’usage [25]  ». Le poème n’est pas négation de la réalité, ni sa reconfiguration selon ce que l’œil perçoit sans le correctif de l’intelligence : il est création de réalité. La représentation picturale de la marine chez Kiefer devient représentation fragmentaire d’une réalité inédite ouvrant vers l’infini, qui ressaisit les enjeux romantiques de la marine (comme représentation de l’infini ontologique au sein des limites de la représentation), mais les ressaisit par dessus et à travers le feuilletage intertextuel que nous venons d’esquisser. La Marine n’est pas seulement la matrice générique privilégiée où s’opère une liquéfaction des limites du représenté et du représentant : elle est aussi, et pour cette raison, le pivot formel d’où s’élancer en quête d’une dissolution ontologique [26] .
      Il faudrait relier ces considérations à plusieurs scènes primitives engageant le thème fluvial dont les Leçons sont parsemées, situant la vie au carrefour de la destruction et de la construction, du flux et de la dissolution. Une première scène, relatée dans la leçon « Marine », est celle d’une enfance passée au bord du Rhin, frontière naturelle dont la crue chaque printemps inondait la cave familiale :

La frontière immuable s’était déplacée jusqu’à nous. On entendait au loin le clapotis de l’eau caressant la berge consolidée par les pierres, on apercevait les lumières sur l’autre rive et parfois les dangereux tourbillons du fleuve. Le pays de l’autre rive n’était pas un pays parmi d’autres. Pour l’enfant qui ne pouvait pas traverser, il était une promesse d’avenir, un espoir, il était la Terre promise [27] .

Cette scène est celle d’un déplacement de frontière, d’un débordement (s’agit-il d’une pulsion vitale venue des profondeurs ? D’un retour du refoulé?) Elle est aussi celle où la frontière physique, liquide, se double de l’épaisseur de ses significations mythiques (l’Or du Rhin) et bibliques. Comme chez Rimbaud, la scène maritime chez Kiefer fait résonner l’appel d’un Ailleurs, d’un absolu, dont la quête est la tâche d’une vie. Une seconde scène, évoquée dans une leçon dédiée au « Conflit d’angle de l’ordre dorique », relate la naissance de l’artiste à Donaueschingen – ville où l’on situe traditionnellement la source du Danube :

Je suis né en mars 1945, alors que la guerre n’était pas encore achevée. La nuit de ma naissance, à Donaueschingen, la maison voisine de la nôtre a été la cible d’une bombe et s’est effondrée sur elle-même. […] Ces briques désolidarisées et ainsi libérées m’ont ainsi par la suite, vers l’âge de trois, quatre ou cinq ans peut-être, servi de matériau de construction pour édifier de petites maisons de plusieurs étages. Ce fut la première fois qu’à travers les briques je me consacrai à la construction [28] .

Cette scène dessine une constellation où l’origine se charge de multiples symboles. La naissance du sujet y coïncide avec la naissance d’un fleuve et la destruction, qui se renverse plus tard en construction. Le traumatisme individuel et collectif, qui signe la naissance de l’artiste, est investi comme espace de création : non pas une tabula rasa, mais la re-configuration des éléments éclatés par l’histoire. Ailleurs, Kiefer affirme ainsi, à propos des images des villes allemandes en ruines : « Mais pour moi c’est la chose la plus exaltante. Je ne peux pas m’arrêter de les regarder. C’est extraordinaire, parce que le commencement se situe là [29] . » L’origine, c’est le jaillissement du fleuve qui est en même temps jaillissement de la vie et le jaillissement de l’œuvre d’art, point de départ d’une construction qui toujours se fait sur les ruines d’une destruction préalable. Encore une fois, la dissolution et l’édification sont étroitement associées au sein d’une image fluviale, scène primitive, marine originaire.

      Parce que la matrice générique de la marine se prête à des métaphores et des métamorphoses inversant les éléments jusqu’à leur plus absolue confusion abolissant toute frontière (comme chez Rimbaud), parce qu’elle est un modèle formel d’une vue fragmentaire sur l’infini, et qu’elle est par son thème propice aux écoulements, aux débordements et aux liquéfactions, elle devient le genre par excellence du dépassement des formes et des genres ; son rythme et ses images, en flux et reflux, deviennent un modèle pour la pensée et pour la production artistique, qui « vagabonde et se remémore [30]  », associant des espaces et des temps disparates et fragmentaires, bibliques, historiques, biographiques, en quête de son introuvable origine. La marine est le creuset de la dissolution des frontières – qu’elles soient génériques, historiques, géographiques, subjectives, esthétiques ou artistiques. Chez Kiefer, la marine est le lieu où se rencontrent ces exigences contraires de construction et de dissolution, qui s’appliquent aussi bien à la forme qu’au thème, à la création qu’au sujet créateur. S’il finit par réinvestir la marine d’une charge historique et politique, ou par remotiver les enjeux du paysage maritime romantique, c’est toujours dans un phénomène de re-migration, à rebours des poèmes qui avaient déjà transfiguré les enjeux du genre en les transposant dans l’écriture. Chez Kiefer le peintre, la poésie, presque plus que l’art, semble donner accès à une réalité pourtant ineffable. Ainsi, il écrit :

La poésie est à mes yeux l’unique réalité possible, tout le reste n’étant qu’illusion. [… L]es poèmes sont pour moi comme des bouées en pleine mer. Je nage de l’une à l’autre et au milieu de l’eau, sans elles, je suis perdu. Les poèmes sont des points d’ancrage dans l’étendue infinie où quelque chose s’amoncelle venu de la poussière interstellaire [31] .

L’art et l’existence émergent sur le fond d’un abîme, d’espaces éternels dont le silence infini menacerait d’engloutir le sujet, mais que la poésie permettrait de rattraper in extremis. Les poèmes ont un rôle structurant dans la navigation picturale de l’infini, ils permettent d’avancer à la recherche de l’inconnu, sans s’y noyer.

Bibliographie

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  • PROUST, Marcel, Le Temps retrouvé, Paris, Gallimard, coll. « folio », 1989.

  • RIMBAUD, Arthur, Oeuvres complètes, édition établie par André Guyaux, avec la collaboration d’Aurélia Cervoni, Paris : Gallimard, « La Pléiade », 2009.

  • WEIKOP, Christian « ’Occupations’: A Difficult Reception », dans Christian Weikop (éd.), In Focus: Heroic Symbols 1969 by Anselm Kiefer, Tate Research Publication, 2016, http://www.tate.org.uk/research/publications/in-focus/heroic-symbols-anselm-kiefer/difficult-reception-occupations, accès le 27 mars 2018.

Notes

  • [1]

    Anselm Kiefer, Anselm Kiefer au Collège de France. L’art survivra à ses ruines. Art will survive its ruins (édition bilingue français-anglais, version française traduite de l’allemand par Catherine Métais), Paris, Éditions du Regard, 2011, p. 41. « Marine » est la première leçon après la leçon inaugurale.

  • [2]

    Ibid.

  • [3]

    Voir Denis-Michel Boëll, Les Peintres de marine du XVIIe au XXe siècle, Rennes, Éditions Ouest-France, Musée national de la marine, 2015, en particulier p. 6.

  • [4]

    Ibid., p. 190-191.

  • [5]

    Je renvoie aux analyses de Patrick Née dédiées à « l’Ailleurs maritime chez Rimbaud ». Il y montre que l’élément marin est chez Rimbaud un principe transitionnel, avec lequel l’image poétique a partie liée. Il analyse également la fantasmatique du phénomène maritime chez le poète. In Patrick Née, L’Ailleurs en question. Essais sur la littérature française des XIXe et XXe siècles, Paris, Hermann, 2009, p. 67-85.

  • [6]

    Arthur Rimbaud, « Marine », Illuminations, in Œuvres Complètes, Gallimard, « La Pléiade », édition établie par André Guyaux avec la collaboration d’Aurélia Cervoni, 2009, p. 307.

  • [7]

    Suzanne Bernard, « Rimbaud, Proust et les impressionnistes », dans Revue des Sciences Humaines, n°78, Autour du symbolisme II : Verlaine-Rimbaud. Lendemains et rayonnement, avril-juin 1955, p. 257-262, ici p. 258 et 260. Sur les hypothèses concernant la date de composition des Illuminations, voir la note d’A. Guyaux dans l’édition « Pléiade », op. cit., p. 940-942.

  • [8]

    Ibid., p. 257-258. C’est Suzanne Bernard qui, l’une des premières, compare cette « technique de vision » aux pages de Proust sur l’esthétique du peintre Elstir, consistant à représenter le perçu brut, non corrigée par le prisme de la rationalité.

  • [9]

    Marcel Proust, À l’ombre des jeunes filles en fleurs, Paris, Gallimard, coll. « folio », 1988, p. 400-401.

  • [10]

    Ibid., p. 401.

  • [11]

    Ibid., p. 399.

  • [12]

    Ibid., p. 398.

  • [13]

    Marcel Proust, Le Temps retrouvé, Paris, Gallimard, coll. « folio », 1989, p. 196.

  • [14]

    Anselm Kiefer, op. cit., p. 32.

  • [15]

    Ibid., p. 33.

  • [16]

    Voir, à titre d’exemple parmi une production foisonnante, Andromeda (2001), Am Anfang (2008), ou encore La Bohême est au bord de la mer (Böhmen liegt am Meer, 2006), hommage à Ingeborg Bachmann dont le poème du même nom est également commenté dans la leçon « Marine », dans une dénonciation de l’illusion des frontières.

  • [17]

    Voir à ce sujet Andreas Huyssen, « Anselm Kiefer: The Terror of History, the Temptation of Myth », dans October, vol. 48, Printemps 1989.

  • [18]

    Ces deux séries sont évoquées dans le cadre du commentaire de « Marine », in L’art survivra à ses ruines, p. 38-40. Kiefer y explique : « J’aimerais vous montrer une photo que j’ai prise dans les années 1960 et que je nomme : “Tentative de marcher sur l’eau”. Il s’agit plus précisément d’une séquence photographique. On y voit d’abord un artiste chaussé de bottes, debout au bord du Rhin, le regard baissé, et qui s’interroge : “Vais-je réussir à marcher sur l’eau ?” Il n’y est visiblement pas parvenu une première fois car, sur les photos suivantes, on le retrouve à l’atelier, s’exerçant dans une baignoire. Pour ce faire, il a placé un tabouret dans la baignoire pleine, puis il est monté dessus, démontrant ainsi qu’il peut marcher sur l’eau. À dire vrai, ce poème sur la mer, qui est en réalité un morceau de terre, est le contraire de cette action d’artiste. Mais le poème en fut à l’origine. Pour parvenir à l’œuvre d’art, les détours sont souvent très complexes voire des plus irrationnels. Le prétexte humoristique de cette action renvoie à une blague des années 1930 sur Hitler. J’ai pris connaissance de cette blague lorsque j’étudiais assidûment l’époque du troisième Reich. J’ai découvert alors qu’Hitler ne savait pas nager et que l’on avait imputé l’échec de l’opération Seelöwe, qui consistait au débarquement de la marine allemande sur les côtes anglaises, à cette faille. Un soir donc, Hitler, Goebbels et Göring sortent en mer. Subitement Hitler quitte le bateau, au risque de se noyer, et ses deux compères ont beaucoup de mal à la hisser à bord, lui sauvant la vie. Une fois séché, Hitler leur déclare : ‘Maintenant, je sais que l’autre n’a pas pu marcher sur l’eau’ ».

  • [19]

    Voir sous le lien suivant les reproductions de quelques-unes de ces images ainsi que les commentaires de Christian Weikop, « “Occupations”: A Difficult Reception », dans Christian Weikop (dir.), In Focus: Heroic Symbols 1969 by Anselm Kiefer, Tate Research Publication, 2016, http://www.tate.org.uk/research/publications/in-focus/heroic-symbols-anselm-kiefer/difficult-reception-occupations, accès le 27 Mars 2018. Sur la « contamination » rétrospective de l’iconographie allemande par le nazisme, et son exploration par Kiefer, voir Andrea Lauterwein, Anselm Kiefer/ Paul Celan. Myth, Mourning and Memory, Thames &Hudson, 2007, p. 34-38.

  • [20]

    Daniel Arasse, Anselm Kiefer, Paris, Éditions du Regard, 2001, p. 40. Voir ses analyses jusqu’à la page 48 sur l’histoire et le deuil chez Kiefer.

  • [21]

    Voir Jean Laplanche et Jean-Bertrand Pontalis, article « Travail du Deuil », Vocabulaire de la psychanalyse, Paris, Puf, 1967.

  • [22]

    Ibid., p. 35.

  • [23]

    Ibid., p. 32.

  • [24]

    Ibid., p. 45

  • [25]

    Ibid., p. 44.

  • [26]

    Un compte-rendu complet de la réflexion d’Anselm Kiefer sur les origines de la création artistique nécessiterait une étude, plus poussée que nous ne le pouvons dans les limites de ce travail, de la leçon « Ma destinée », qui prend pour point de départ le lavis du même nom réalisé en 1857 par Victor Hugo (seule marine picturale commentée dans les Leçons au Collège de France, et qui n’est pas d’un peintre, mais d’un poète). De cette représentation d’un rouleau se levant, au sommet duquel un esquif se bat contre les forces des flots et du vent, Anselm Kiefer dérive des considérations sur l’instant convoquant l’infini dans le fini d’une œuvre, et sur la temporalité de la création artistique – méditations qui ramènent à la pensée proustienne de la métaphore productrice d’essence et au choc de sa révélation. (Voir ibid., p. 130-145)

  • [27]

    Ibid., p. 41.

  • [28]

    Ibid., p. 111.

  • [29]

    « Dans les ruines de Saïs. Dialogue avec Christoph Ransmayr » (à Croissy, janvier 2015 ; traduit de l’allemand par Catherine Métais », dans Marie Minssieux-Chamonard (dir.), Anselm Kiefer. L’alchimie du livre, Paris : BNF/ Éditions du Regard, 2015, p. 244

  • [30]

    Anselm Kiefer, L’art survivra à ses ruines, op. cit., p. 38.

  • [31]

    Ibid., p. 35.

Pour citer cet article

Julie Gaillard, « Marines. Matrice générique et migrations interartistiques chez Anselm Kiefer après Marcel Proust et Arthur Rimbaud », SFLGC, bibliothèque comparatiste, publié le .../.../2019, URL : https://sflgc.org/acte/gaillard-julie-marines-matrice-generique-et-migrations-interartistiques-chez-anselm-kiefer-apres-marcel-proust-et-arthur-rimbaud/, page consultée le 19 Avril 2024.

Biographie de l'auteur

GAILLARD Julie

Julie Gaillard est postdoctorante à l’ICI Berlin Institute for Cultural Inquiry, où elle travaille actuellement à un projet portant sur la temporalité de l’affect et de la création artistique chez Jean-François Lyotard, Marcel Proust et Anselm Kiefer. Sa thèse, obtenue au département de Français de l’université Emory (USA), s’appuye sur la logique des noms propres pour analyser la manière dont divers media (anciens ou nouveau) articulent l’expérience de la « réalité ». Elle a co-édité le volume Traversals of Affect : On Jean-François Lyotard (avec Claire Nouvet et Mark Stoholski, Londres : Bloomsbury, 2016).