Actes & Volumes collectifs

« L’épique erratique et trouble » : William Faulkner et Rachel de Queiroz, migrations de l’épique dans le Sud des Etats-Unis et le Nord-Est du Brésil
Résumé en français
|
Résumé en anglais
Dans Faulkner, Mississippi, Édouard Glissant inscrit l’œuvre de Faulkner dans une littérature épique erratique et trouble ; loin de la stabilité de l’enracinement, ses romans interrogeraient les fondements d’une communauté et la légitimité de sa genèse. L’article propose, à partir de Glissant, une lecture comparée d’Absalon, Absalon ! de William Faulkner et de Maria Moura de Rachel de Queiroz afin d’interroger la façon dont l’épique, en migrant vers ces romans, ne sert plus à fonder une identité collective, mais est mis au service du récit de l’impossible fondation d’une communauté régionale ou nationale.
In Faulkner, Mississippi, Edouard Glissant considers Faulkner’s works as erratic and disturbed epics; as they contest the notions of stability and rootedness, his novels question the very foundations of the community and the legitimacy of its genesis. Taking Glissant as a starting point, this article aims to develop a comparative reading of Absalom, Absalom ! by William Faulkner and Memorial de Maria Moura by Rachel de Queiroz, in order to examine the ways in which the epic, by migrating towards these novels, does no longer serve the purpose of founding collective identity, but is used instead to narrate the impossibility of foundation itself, in regards to a regional or national community.

ARTICLE

      En 1996, paraît Faulkner, Mississippi, essai virtuose d’Édouard Glissant sur William Faulkner, publié à un moment où les études faulknériennes connaissent un bref essoufflement [1] . L’essai marque un tournant critique pour l’œuvre de Faulkner, que Glissant situe dans le contexte plus large du système des plantations, dont la structure esclavagiste rapproche, selon lui, le Nord-Est du Brésil, la Caraïbe et les États-Unis [2] . Dans ce texte, Glissant inscrit l’œuvre faulknérienne dans une veine de littérature épique « erratique et trouble [3]  ». Ces réflexions s’inscrivent dans la continuité d’analyses antérieures, notamment dans Poétique de la Relation (1990), où Glissant tisse un lien explicite entre épique [4] et communauté. Il suggère que la littérature épique ne doit pas être lue comme simple œuvre de fondation communautaire : elle interroge la légitimité de la possession du territoire et ne fonde pas une « certitude massive, dogmatique ou totalitaire [5] », relevant davantage de l’errance que de l’enracinement. Cette ouverture, dont le germe est déjà présent dans les épopées antiques, est réinvestie, selon Delphine Rumeau, par l’épopée moderne, qui dit « la communauté et son dépassement [6] ». Elle s’accompagne peut-être aussi d’une migration de l’épique vers les anciennes colonies : pour Glissant, ce potentiel aurait en effet été investi par Caliban, renouant avec le « mystère sacré de la collectivité [7] » alors que le tragique et l’épique se seraient épuisés en Occident, car la Cité n’aurait plus besoin de conforter son identité et le collectif aurait cédé la place à l’individuel. L’épique permettrait alors d’envisager une autre forme de communauté, « dont la légitimité n’est ni évidente ni consacrée [8] ».
      Cette formule semble proche de la définition que donne Glissant de l’épique faulknérien. Il envisage la littérature épique de façon large, en regroupant dans cette catégorie aussi bien les épopées et les chansons de geste, que des romans (il évoque le best-seller de Margaret Mitchell, Autant en emporte le vent) :

La littérature épique, celle qui entend conforter une communauté dans son destin et d’abord son identité, provient beaucoup plus naturellement (ou obscurément) des victoires incertaines ou ambiguës (l’artifice du rusé Ulysse, tel que conté au deuxième chant de l’Énéide, l’Iliade s’arrêtant aux funérailles d’Hector et ne décrivant pas la même victoire finale des Grecs) ou des défaites de cette communauté (Roland à Roncevaux, Charlemagne faisant masque et leurre) que de triomphes définitifs. Ramsès II grava dans les pierres de la vallée des Rois le chant épique de ce qui fut peut-être une de ses défaites. Le nord des États-Unis, vainqueur de la guerre Civile et qui profita longtemps et à fond de sa victoire, n’éprouva jamais le besoin de chanter le chant épique de cette guerre. Cela fut dévolu aux vaincus. Soit l’épique littéral, artificiel, qui s’en tient à l’apparence ou à l’apparat des choses, celui de Margaret Mitchell ; soit l’épique erratique et trouble qui touche aux questions voilées ou volontiers oblitérées, celui de William Faulkner [9] .

      L’œuvre de William Faulkner serait intimement liée à une réflexion sur la communauté et son identité, en l’occurrence le Sud des États-Unis, et elle pourrait être lue comme une littérature épique de la défaite, dont l’opacité permettrait d’interroger la légitimité même de la communauté. Ces hypothèses de Glissant serviront de fondement à la lecture comparée d’Absalon, Absalon ! (1936) de William Faulkner et de Maria Moura (1992) de l’auteure brésilienne Rachel de Queiroz. Le roman de Faulkner raconte l’histoire de Thomas Sutpen, un inconnu qui arrive à Jefferson, une petite ville du comté imaginaire de Yoknapatawpha, dans le Mississippi, avant la guerre de Sécession ; Sutpen y construit une plantation, Sutpen’s Hundred, et épouse la fille d’un notable, afin de fonder une lignée, à travers une filiation légitime. Le roman de Queiroz se déroule, quant à lui, dans le Nord-Est du Brésil, au xixe siècle, et raconte l’histoire d’une orpheline, Maria Moura, qui devient chef d’une troupe de brigands, avec laquelle elle part à la conquête de terres mythiques léguées par ces ancêtres. Dans ces deux romans, la geste épique des personnages semble relever de la définition équivoque qu’en donne Glissant : elle devient le récit de l’impossible fondation d’une communauté régionale ou nationale, de sa genèse troublée et de sa « légitimité interrogée [10]  ».

L’épique et la communauté dans Faulkner, Mississippi

      Au fil de son essai, Glissant décrit l’œuvre de Faulkner tour à tour en termes épiques ou tragiques, sans proposer une séparation claire entre les deux, mentionnés presque toujours de façon simultanée. De fait, il en parle dans des termes tellement proches qu’il devient parfois difficile de les distinguer : ainsi, s’il évoque à plusieurs reprises un « dévoilement tragique [11]  », c’est cette même pratique du dévoilement qui caractériserait, selon lui, l’épique faulknérien. Glissant oscille de l’un à l’autre sans rupture nette et il semble concevoir, dans cet essai, l’épique et le tragique comme des modalités indissociables de l’écriture faulknérienne : pour ne donner qu’un exemple, en commentant Requiem pour une nonne (1951), il voit dans le « dénouement tragique [de la solitude de Nancy et de Temple] [12]  » un lien nécessaire avec « les commencements épiques du comté [13]  ». Si l’épique et le tragique semblent toujours aller de pair dans les propos que Glissant tient sur Faulkner, c’est aussi parce qu’il leur attribue dans cet essai une même portée politique :

Pourquoi évoquer l’épique et le tragique à propos de Faulkner et de son œuvre romanesque ? Le lieu (l’objet et le sujet) de cette œuvre est une communauté, et toutes les aventures personnelles — les romans — qui s’y fondent vont d’abord éclairer ce lieu. Non seulement une communauté comme décor et comme cadre de l’aventure et du tourment, mais comme enjeu, comme possible et impossible, de toute humanisation où versera ce tourment [14] .

       L’enjeu de l’épique et du tragique dans les romans de Faulkner serait donc avant tout la communauté, sa possibilité ou son impossibilité, et les deux versants de cette réflexion : le questionnement sur sa genèse et le questionnement sur sa légitimité — chez Faulkner, cette interrogation porterait spécifiquement sur le Sud des Etats-Unis, à travers le comté fictif de Yoknapatawpha. Il semble donc difficile d’établir une séparation rigide entre l’épique et le tragique dans cet essai — d’autant plus qu’il décrit Absalon, Absalon !, que je propose d’analyser comme un roman épique, plutôt comme une œuvre tragique, tout en lui attribuant des caractéristiques qui la rapprochent de ce qu’il décrit comme un épique proprement faulknérien. Celui-ci serait, paradoxalement, une « méditation sur l’impossibilité de l’épique [15]  » : c’est-à-dire un questionnement politique sur le « fondement absolu de cette communauté du Sud [16]  », dès lors que sa genèse repose sur la violence de l’« accaparement de la terre par des Blancs [17]  » et sur l’esclavage. Glissant envisage une forme de littérature épique qui ne serait pas fondatrice, mais laisserait « épars le dissolu [18]  ». Cet épique, « dont la valeur serait d’abord d’errer [19]  », relativiserait la notion même de territoire. Il ne créerait pas de transparence identitaire : « erratique et trouble [20]  », l’épique serait en prise avec les « questions voilées ou volontiers oblitérées [21]  » de la communauté.

Genèses troubles

      Ces analyses de Glissant rappellent que la trajectoire de Maria Moura, dans le roman de Queiroz, et celle de Thomas Sutpen, dans le roman de Faulkner, sont toutes deux liées à l’histoire communautaire : celle de la nation et celle de la région. Ces personnages servent, en effet, une réflexion sur le passé d’une communauté et sur sa genèse problématique. Maria Moura et Thomas Sutpen entendent tous deux mener une conquête afin de créer des lieux qui seront le siège de leur pouvoir. Sutpen prend cent mille mètres carrés de terre « on ne sait comment, à une tribu d’Indiens ignorants [22] » [from a tribe of ignorant Indians, nobody knows how [23] ] et crée une plantation sur ce territoire vierge, Sutpen’s Hundred, lieu à partir duquel il veut fonder une lignée ; Maria Moura cherche à reconquérir la terre de ses ancêtres, qu’elle imagine occupée par des Indiens, afin d’y bâtir une maison-forte qui sera le siège de son pouvoir et de sa communauté de hors-la-loi.
    L’origine des deux personnages est fortement dramatisée dans les romans et leur donne une envergure légendaire – mais cette légende trouble est toujours associée à la violence, tout comme l’origine des communautés dont ils semblent retracer l’histoire. Sutpen conçoit son dessein de fondation alors qu’il est encore enfant : issu d’un milieu de blancs pauvres, il doit porter un message à un planteur pour lequel son père travaille et se voit refuser l’entrée de la porte principale par un esclave, lequel lui dit de passer par la porte de derrière. Cet épisode séminal lui permet de comprendre que le statut social du planteur repose sur la possession d’esclaves, sur une structure de domination qu’il cherchera à reproduire par tous les moyens. Il décide alors de partir aux Indes Occidentales : cette expédition est montrée comme le point opaque de l’histoire du personnage et elle n’est dévoilée que tardivement, au chapitre vii, par l’intermédiaire du récit que Quentin Compson fait à son ami Shreve — récit qu’il tient lui-même de son père, qui l’a entendu du grand-père de Quentin, à qui Sutpen l’aurait raconté. En Haïti, Sutpen devient contremaître d’une plantation et réprime une révolte d’esclaves [24] . La répression violente de l’insurrection lui permet d’épouser la fille du planteur dont il a un enfant, Charles Bon. Il renie sa femme et son fils en apprenant que celle-ci a une part de sang noir, ce qui rendrait la fondation d’une lignée légitime impossible. À l’origine de Sutpen se trouve donc déjà cette filiation interrompue dont parle Glissant [25] : le fils créole et métis que Sutpen renie est le péché originel qu’il cherche à refouler et ce péché se confond avec celui du Sud, obsédé par la pureté raciale. François Pitavy interprète cette faute originelle comme « cette partie noire de lui-même dont il refuse de reconnaître l’existence [26] », laquelle ressurgit dans le récit pour mettre à mal le projet dynastique du père.
      Le projet de conquête de Maria Moura, quant à lui, commence lorsqu’elle découvre le corps de sa mère pendue, sans doute assassinée par son beau-père, Liberato. Cet homme, qu’elle envie à sa mère, devient son amant, avant qu’elle ne le fasse assassiner, de peur de devenir à son tour sa victime, plaçant ainsi le spectre de l’inceste et du parricide au début de sa geste. Seule et sans protection, elle brûle sa maison, que ses cousins cherchent à s’accaparer, en détruisant symboliquement l’héritage maternel afin de conquérir celui du père. La conquête de Maria Moura, bien qu’elle soit menée par une femme, s’inscrit dans un modèle de pouvoir patriarcal et archaïque, au même titre que le projet dynastique de Sutpen. Le lieu mythique vers lequel elle voyage, la Serra dos Padres, est un territoire ancestral, remontant aux prémices de la colonisation, et dont la légende lui a été transmise par son père, qui hérite lui-même l’histoire de son grand-père. Le chemin vers ce lieu et son histoire sont présentés comme l’héritage légué à Maria Moura, à défaut de pouvoir être transmis à un fils :

Como se vê, eu tinha todo aquele roteiro na cabeça. Aprendi como quem aprende reza, ensinada pelo Avô. Que o velho, no desgosto de não ter um neto macho, me obrigava a aprender tudo dos nossos direitos na terra da Serra dos Padres, para eu fazer o meu marido, ou um filho, um dia, recuperar aquele chão que valia mais do que ouro, com a sua água perene, com suas terras frescas [27] .
Je savais le chemin par cœur. Je l’avais appris comme on apprend ses prières, avec grand-père. Le vieux, déçu de ne pas avoir de petit-fils, m’obligeait à apprendre tout de nos droits dans la Serra dos Padres, pour qu’un jour, quand j’aurais un mari ou un fils, on récupère cette terre qui valait de l’or, avec ses eaux pérennes et ses frais vallons [28] .

      Dans ce lieu, se profilent deux monts, surnommés le Père et le Fils, montrant sans ambiguïté que l’horizon de sa quête est lié à l’héritage paternel. Or, en voyageant vers ce lieu, qui est en quelque sorte celui de sa propre genèse, vers ce mythe paternel des origines, Maria Moura semble en même temps remonter le cours du temps. La Serra dos Padres est explicitement reliée à l’histoire de la colonisation brésilienne. Le nom se traduit, littéralement par la montagne des prêtres, évoquant la présence des prêtres jésuites, dont le rôle fut central dans la colonisation du Brésil. À l’origine de la « terre d’indien [29] » [terra de índio [30] ], la Serra dos Padres a été, comme le Brésil, colonisée par des prêtres jésuites, qui lui donnent son nom. À la limite du merveilleux et de l’historique, ces prêtres auraient enterré de l’or en poudre en ce lieu avant d’en être chassés par le marquis de Pombal, premier ministre portugais qui expulse la Compagnie de Jésus du Brésil en 1759. La terre devient enfin une sesmaria accordée à une noble portugaise — un type de concession de terres mis en place par le Portugal dès le début de la colonisation, afin d’encourager l’agriculture. L’expédition de Maria Moura et de ses hommes vers ce territoire, dont la formation complexe rappelle celle du pays, évoque les premières avancées dans l’arrière-pays à l’époque coloniale, menées par les bandeirantes, des explorateurs qui commencent à sillonner le Brésil au XVIe siècle, en quête de richesses inexploitées, d’indiens à réduire en esclavage ou de communautés de marrons à décimer. Maria Moura s’insurge contre l’esclavage et accueille dans ses troupes des marginaux, mais elle ne compte pas moins s’accaparer ces terres paternelles par la violence. Elle s’imagine, par exemple, trouver à la Serra dos Padres une « bande de mamelucos bagarreurs [31]  » [um bando de mameluco brigador [32] ], c’est-à-dire un groupe de métis d’indigènes et de blancs, qui les auraient occupées après le départ des jésuites : cette conquête est ainsi envisagée comme une guerre contre ses adversaires imaginaires, afin de revendiquer des droits héréditaires. Son projet, comme celui de Sutpen, se fonde sur une logique d’acquisition : « Je veux être quelqu’un. Je veux parler d’égal à égal avec les grands. Je veux être riche ! Une maison à moi, du bétail, des terres à perte de vue. Et mes hommes pour me protéger [33]  » [Quero ser gente. Quero falar com os grandes de igual para igual. Quero ter riqueza ! A minha casa, o meu gado, as minhas terras largas. A minha cabroeira me garantindo [34] ]. Acquérir une terre et de l’or, fût-ce par la force, lui permettra de s’insérer dans « l’ordre social symbolique [35]  » qui l’a dans un premier temps rejetée — ce faisant, elle expose les fondements même de l’ordre social sur lequel le pays s’est structuré.
      Dans Absalon Absalon !, le personnage de Thomas Sutpen, dont l’histoire commence avant la guerre de Sécession et finit juste après (puisqu’il naît en 1807 et meurt en 1869), est lui aussi indissolublement lié au destin d’une communauté — le Sud des États-Unis [36] . Lorsque Rosa Coldfield commence à raconter l’histoire de Sutpen à Quentin celui-ci en connaît déjà une partie, dont il hérite par le seul fait d’être né à Jefferson. L’histoire de Sutpen semble ainsi appartenir à la mémoire collective de la communauté :

It was part of his twenty years’ heritage breathing the same air and hearing his father talk about the man; a part of the town’s — Jefferson’s – eighty years’ heritage of the same air which the man himself had breathed between this September afternoon in 1909 and that Sunday morning in June in 1833 when he first rode into town out of no discernible past and acquired his land no one knew how and built his house, his mansion, apparently out of nothing and married Ellen Coldfield and begot his two children – the son who widowed the daughter who had not yet been a bride — and so accomplished his allotted course to its violent (Miss Coldfield at least would have said, just) end [37] .
C’était une partie de ce dont il héritait depuis vingt ans en respirant le même air et en entendant son père parler de cet homme, une partie de ce dont la ville — Jefferson — héritait depuis quatre-vingts ans en respirant le même air que l’homme lui-même avait respiré, entre cet après-midi de septembre 1909 et ce dimanche matin de juin 1833 quand il était entré à cheval dans la ville, apparemment sans passé, avait acquis sa terre nul ne savait comment, bâti sa maison, son manoir, de rien semblait-il, épousé Ellen Coldfield, engendré ses deux enfants — le fils qui avait rendu la fille veuve avant que d’être épouse — et ainsi accompli la destinée qui lui était échue jusqu’à sa fin violente (sa juste fin, aurait dit du moins Miss Rosa Coldfield) [38] .

      Le fragment de récit auquel Quentin fait allusion et qui est résumé dans cette citation est l’histoire mystérieuse du projet de Sutpen: l’irruption d’un étranger dans une petite communauté, où il cherche à fonder une lignée pure et légitime. Le texte accentue l’opacité du personnage en insistant sur l’impossibilité à déterminer l’origine non seulement du personnage, mais de tout ce qui l’entoure : il est sans passé, il acquiert ses terres nul ne sait comment et il bâtit sa maison à partir de rien. La mention de ses deux enfants à la fin de ce bref récit suggère l’ambivalence fondamentale de ce personnage qui, malgré l’opacité de ses origines, veut engendrer une lignée pure — et donc, dans une certaine mesure, absolument transparente.
      La question de l’origine de Sutpen est soulevée dès sa première apparition dans le roman, narrée dans le récit rétrospectif de Rosa Coldfield et imaginée par Quentin. Elle évoque une création ex-nihilo, comme si le personnage lui-même se passait d’une genèse, jaillissant brusquement sous les yeux du lecteur, juché sur un cheval : « Surgi d’un silencieux coup de tonnerre, il faisait irruption (homme-cheval-démon) [39]  » [Out of quiet thunderclap he would abrupt (man-horse-demon) [40] ]. Ce thème est repris un peu plus loin, dans le récit de sa première apparition à Jefferson, pris en charge par une instance narrative anonyme :

He was already halfway across the square when they saw him, on a big hard-ridden roan horse, man and beast looking as though they had been created out of thin air and set down in the bright summer Sabbath sunshine in the middle of a tired foxtrot — face and horse that none of them had ever seen before, name that none of them had ever heard, and origin and purpose which some of them were never to learn [41] .
Il avait déjà traversé la moitié de la place quand ils l’aperçurent, monté sur un grand cheval rouan et fourbu, l’homme et la bête spontanément créés, eût-on dit, de la transparence de l’air et posés là au beau milieu d’un petit trot harassé dans l’étincelant soleil de ce dimanche d’été — visage et cheval qu’aucun d’eux n’avait encore jamais vus, nom qu’aucun d’eux n’avait jamais entendu, origine et intentions que certains parmi eux ne devaient jamais connaître [42] .

      L’origine de Sutpen et son séjour en Haïti seront un des points d’opacité du récit qui ne sera dévoilé que progressivement, à travers les narrateurs-relais successifs, et à partir des spéculations de Quentin et Shreve. En ce début de roman, il semble toutefois sans origine, ce qui ne fait que souligner le rôle qu’il cherche à se donner lui-même ou que les autres personnages lui attribuent : Sutpen veut se faire lui-même Créateur. Arrivant à Jefferson avec un architecte français captif et des esclaves venus d’Haïti, désignés comme « sa bande de nègres sauvages [43] » [his band of wild niggers [44] ], il veut fonder une plantation dans une terre vierge. Quentin compare alors très explicitement la façon dont la plantation est construite à la Création dans la Genèse :

Then in the long unamaze Quentin seemed to watch them overrun suddenly the hundred square miles of tranquil and astonished earth and drag house and formal gardens violently out of the soundless Nothing and clap them down like cards upon a table beneath the up-palm immobile and pontific, creating the Sutpen’s Hundred, the Be Sutpen’s Hundred like the oldentime Be Light [45] .
Alors, dans cette longue éclipse de l’étonnement, Quentin eut l’impression de les voir soudain se répandre sur les cent mille carrés de terre tranquille et stupéfaite, arracher violemment au Néant silencieux maisons et jardins d’apparat et les abattre comme des cartes sur une table au-dessous de la main levée immobile et pontificale, créant Sutpen’s Hundred, le Que soit Sutpen’s Hundred comme le Que la lumière soit des temps anciens [46] .

       Cette nouvelle Genèse, cette « conquête pacifique [47] » [peaceful conquest [48] ] et épique est attribuée à l’ensemble formé par Sutpen, « les Noirs sauvages et l’architecte captif » [the wild blacks and the captive architect], désignés ici par le pronom « les » [them]. Même si Sutpen travaille côte à côte avec ses esclaves, la main levée « ouverte et pontificale » [immobile and pontific] semble le désigner explicitement, en évoquant sa démesure, et elle fait de lui un démiurge paradoxal puisqu’il a besoin d’esclaves pour accomplir son dessein. La violence de cette entreprise, qui arrache « violemment au Néant silencieux maisons et jardins d’apparat » [drag house and formal gardens violently out of the soundless Nothing] semble par ailleurs contredire l’idée d’une conquête pacifique : elle n’est peut-être qu’une façon détournée de suggérer la violence de l’esclavage lui-même. Celui-ci est donc au cœur de son projet de fondation d’une lignée — tout comme l’esclavage fut au cœur de toute la structure de plantation. Le projet du personnage rappelle en outre que le Mississippi, à l’époque où le personnage arrive à Jefferson, était encore une frontière, ouverte aux aventuriers : l’univers des plantations avait peu de choses à voir avec la légende aristocratique que cherchait à créer la classe des planteurs. De fait, comme le souligne Scott Romine, ce que représente Sutpen, avec son intrusion dans cette communauté et la plantation qu’il arrache au néant, c’est la menace du dévoilement de « ce que la communauté ne veut pas savoir sur elle-même [49]  » [what it does not wish to know about itself] : cette genèse trouble évoquée par Glissant, reposant sur une double damnation, le vol des terres indigènes et l’esclavage des noirs — genèse que le village ne cesse d’interroger et de nier simultanément [50] à travers le ressassement de l’histoire de Sutpen.

Impossibles fondations : spectres et ruines de la communauté

      Ces genèses troubles aboutissent à l’impossibilité d’une fondation, précisément parce qu’elles ont partie liée avec la genèse de la région et de la nation. Ainsi, la chute de la Maison Sutpen ne peut être dissociée de la damnation du Sud lui-même et de la défaite des Confédérés face à l’Union. C’est Quentin qui le suggère, dès les premières pages du roman, lorsqu’il s’imagine que Rosa Coldfield lui raconte cette histoire pour que les gens « sachent enfin pourquoi Dieu a permis que nous perdions la Guerre [51]  » [know at last why God let us lose the War [52] ] — comme si la défaite du Sud n’avait servi qu’à anéantir Sutpen et à « effacer de la terre son nom et sa lignée [53]  » [efface his name and lineage from the earth [54] ]. La damnation de Sutpen s’accomplit dans l’interruption de sa descendance, de la légitimité qui aurait pu lui permettre de fonder une lignée et de devenir un planteur. Charles Bon, le fils qu’il a renié, était métis et ne pouvait donc lui permettre d’accomplir son dessein ; c’est précisément ce fils qui va mettre à mal ce projet en essayant d’épouser sa demi-sœur, Judith, avant d’être assassiné par son demi-frère, Henry.
      Il n’est pas anodin que Quentin choisisse de raconter cette histoire à Shreve, avec qui il partage une chambre à Harvard, lorsque ce dernier lui demande de lui raconter le Sud [55] : la démesure de Sutpen est égale à celle de cette communauté. En imaginant un dialogue entre Thomas Sutpen et Henry au sujet de Charles Bon, Shreve et Quentin supposent que ce qui aurait poussé Henry au meurtre de son demi-frère ne serait pas le dévoilement de l’inceste mais bien la révélation des origines raciales de Bon. Sutpen pousse son fils légitime au meurtre fratricide et expose en même temps le fantasme de pureté raciale sur lequel repose la communauté du Sud — Henry est prêt à tolérer l’inceste alors qu’il est incapable d’envisager le métissage. Le Sud aurait ainsi, comme le résume Glissant, le rêve atavique d’être une communauté homogène, ancrée dans une genèse et dans une filiation légitime, alors même qu’il est toujours déjà composite : de fait, le seul descendant de Sutpen encore en vie à la fin du récit est Jim Bond, son arrière petit-fils, noir et idiot. Shreve prédit à Quentin qu’ « un jour les Jim Bond domineront l’hémisphère occidental [56] » [in time the Jim Bonds are going to conquer the western hemisphere [57] ], qu’ils blanchiront par la miscégénation, si bien que Shreve lui-même sera « sorti des reins de rois africains [58]  » [will also have sprung from the loins of African kings [59] ] : cette prophétie raciale et raciste expose à Quentin Compson l’obsession de la genèse qui domine le Sud et son impossibilité à se concevoir autrement que comme une communauté homogène. La maison de Sutpen finit d’ailleurs en flammes, incendiée par Clytie, la fille que Sutpen a eue d’un esclave. Elle détruit ce qu’il restait du projet de fondation de Sutpen après sa mort et signale l’effondrement inexorable de la société de plantation ainsi que des mythes sur lesquels elle reposait. Le fait que le personnage soit déjà mort au moment où commence le roman (1909), peut dès lors être relu dans la perspective de l’effondrement de cette civilisation : Sutpen n’apparaît en effet dans le roman que sous la forme spectrale que lui donne le récit de Rosa Coldfield puis celui des autres personnages – bien que ce spectre prenne progressivement « une sorte de consistance, de permanence [60]  » [a quality almost of solidity, permanence [61] ]. Or, le Sud dans lequel s’énonce ce récit est lui-même déjà révolu, déjà mort depuis la guerre de Sécession et il n’existe que sous une forme fantomatique, comme le souligne Quentin Compson en évoquant ce « Sud profond mort depuis 1865 et peuplé de fantômes bavards, scandalisés et frustrés [62]  » [the deep South dead since 1865 and peopled with garrulous outraged baffled ghosts [63] ] — fantômes qui assurent cette permanence à travers leur obsession mémorielle et dont fait partie Rosa Coldfield.
      Les spectres d’une communauté déchue, dans Absalon, Absalon !, peuvent être comparés à l’image des ruines dans Maria Moura. Les signes de l’histoire brésilienne qui émaillent la trajectoire du personnage semblent n’être que des vestiges. Maria Moura croise sur son chemin, par exemple, des esclaves fugitifs : ils vivent dans les ruines d’un quilombo, communauté de marrons, où il ne reste plus qu’un couple de vieillards et leurs petits-enfants, car leurs enfants ont été retrouvés par les contremaîtres. De même, lorsqu’elle arrive à la Serra dos Padres, prête à la guerre, elle n’y découvre qu’une femme maladive, Jove, et son fils Païen, seuls survivants de la lignée de mamelucos bagarreurs censée l’avoir occupée. Ces deux personnages n’opposent aucune résistance à Maria Moura, qui bâtit sa forteresse dans ce lieu isolé et archaïque. Le pays que le personnage explore est fait de débris et sa fondation même repose sur des ruines, inscrivant sa geste épique dans une déconstruction du mythe national. Il n’est pas anodin que le roman se situe au XIXe siècle, à la suite de l’indépendance, quand émergent des débats sur la construction d’une identité nationale et culturelle ; l’anachronisme volontaire de ce récit, publié en 1992, à un moment où le pays connaît une intense crise politique, semble exprimer un désenchantement face aux possibilités qui s’offrent à la nation.
      La fiction semble alors devenir le lieu où la nation pourrait être refondée et le texte crée une continuité imaginaire avec l’histoire nationale. En effet, la protagoniste rêve de voir sa forteresse, la Casa Forte, remplacer un château fort historique, la Casa da Torre d’Ávila, qui pendant plusieurs siècles fut le centre du pouvoir dans le Nord-Est du Brésil : « Plus puissante que la Casa Forte de Maria Moura, il n’y a guère que la Casa da Torre à Bahia — et celle-là, la rumeur dit qu’elle n’en a plus pour longtemps [64] » [Maior de que a Casa Forte de Maria Moura, só a Casa da Torre — e essa mesma o povo diz que já se acabou, na Bahia [65] ]. Cet héritage fictif permet de mettre en avant l’absence de rupture entre ce bastion féodal et la communauté imaginée par Queiroz : la Casa Forte est à mi-chemin entre la casa grande, la maison des maîtres, et le château-fort médiéval, et le pouvoir de l’héroïne se fonde sur une violence semblable à celle qui est à l’origine du mythe national [66] . Le projet de fondation ne peut qu’échouer dans la mesure où il réécrit l’histoire : la Casa Forte, tout comme la Casa da Torre d’Ávila, est vouée à devenir une ruine. L’horizon de l’œuvre est d’ailleurs mélancolique puisque le personnage abandonne sa forteresse, après avoir fait tuer son amant qui l’a trahi, et part dans une expédition suicidaire, abandonnant ainsi cette communauté qu’elle avait commencer à fonder. Laissé sans résolution, le roman s’inscrit bien dans cet épique de l’« errance » dont parle Glissant. Lígia Chiappini voit dans ce texte « l’apocalypse d’un Brésil qui n’est déjà plus [67]  » [apocalipse de um Brasil que já não há] : on pourrait dire qu’il s’agit, en effet, d’un roman épique sur une nation décomposée, où se perpétuent des structures de pouvoir archaïques.

      Ces romans semblent donc bien pouvoir se lire comme des œuvres épiques « erratiques et troubles », lesquelles mettent à mal la notion de territoire. Les protagonistes aux origines troubles, qui se confondent avec celles des communautés régionale et nationale, exposent la violence fondamentale de la fondation. L’échec du projet de Sutpen et l’errance à laquelle se résigne Maria Moura déconstruisent le fantasme d’une communauté atavique et stable. Leur geste épique ne peut plus déboucher sur la fondation d’un territoire : cette fondation n’existe plus dans les romans que sous une forme spectrale et mélancolique, signalant son irrévocable dépassement.

Bibliographie

  • AZERADT, Hugues, « Edouard Glissant and the test of Faulkner’s Modernism », dans Martin Munro et Celia Britton, American Creoles: The Francophone Caribbean and the American South, Liverpool, Liverpool University Press, 2012, p. 197-215.

  • CHIAPPINI, Lígia, « Rachel de Queiroz : invenção do Nordeste e muito mais », dans Lígia Chiappini et Maria Stella Bresciani (dir.), Literatura e Cultura no Brasil : identidades e fronteiras, São Paulo, Cortez Editora, 2002, p. 177-186.

  • FAULKNER, William, Absalon, Absalon, trad. de R.-N. Raimbault, revue par François Pitavy, dans Œuvres romanesques, Paris, Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, tome 2, p. 609-940.

  • FAULKNER, William, Absalom, Absalom !, dans Novels 1936-1940, New York, The Library of America, 1990, p. 1-316.

  • GLISSANT, Édouard, Poétique de la relation. Poétique III, Paris, Gallimard, 1990.

  • GLISSANT, Édouard, Faulkner, Mississippi, Paris, Gallimard, 1996.

  • MATTHIEU-CASTELLANI, Gisèle « Le monde, comme en un miroir », dans Gisèle Matthieu-Castellani (dir.), Plaisir de l’épopée, Saint-Denis, Presses Universitaires de Vincennes, 2000, p. 5-19.

  • NEIVA, Saulo, « Entre obsolescence et réhabilitation : péripéties de l’épopée au xxe siècle », dans Saulo Neiva (dir.), Désirs & débris d’épopée au XXe siècle, Berne, Peter Lang, 2009, p. 3-22.

  • QUEIROZ, Rachel de, Memorial de Maria Moura, Rio de Janeiro, José Olympio, 1992.

  • QUEIROZ, Rachel de, Maria Moura, trad. de Cécile Tricoire, Paris, Métailié, coll. « Suites », 1995.

  • ROMINE, Scott, « Designing Spaces : Sutpen, Snopes, and the Promise of the Plantation », dans Ann J. Abadie et Jay Watson (dir.), Faulkner’s Geographies : Faulkner and Yoknapatawpha, 2011, Jackson, University Press of Mississippi, 2015, p. 17-34.

  • RUMEAU, Delphine, Chants du Nouveau Monde. Épopée et modernité (Whitman, Neruda, Glissant), Paris, Classiques Garnier, coll. « Perspectives comparatistes », 2009.

Notes

  • [1]

    Hugues Azéradt, « Edouard Glissant and the test of Faulkner’s Modernism », dans Martin Munro et Celia Britton, American Creoles: The Francophone Caribbean and the American South, Liverpool, Liverpool University Press, 2012, p. 198.

  • [2]

    Ibid., p. 21.

  • [3]

    Edouard Glissant, Faulkner, Mississippi, Paris, Gallimard, 1996, p. 32

  • [4]

    J’utiliserai le mot « épique » plutôt qu’« épopée », suivant Glissant lui-même dans Faulkner, Mississippi, mais aussi dans la mesure où les œuvres étudiés sont des romans et ne sont donc pas des épopées au sens strict.

  • [5]

    Édouard Glissant, Poétique de la relation. Poétique III, Paris, Gallimard, 1990, p. 29.

  • [6]

    Delphine Rumeau, Chants du Nouveau Monde. Épopée et modernité (Whitman, Neruda, Glissant), Paris, Classiques Garnier, coll. « Perspectives comparatistes », 2009, p. 286.

  • [7]

    Édouard Glissant, Poétique de la relation. Poétique III, Paris, Gallimard, 1990, p. 67.

  • [8]

    Loc. cit.

  • [9]

    Edouard Glissant, Faulkner, Mississippi, op. cit., p. 32.

  • [10]

    Édouard Glissant, Faulkner, Mississippi, op. cit., p. 37.

  • [11]

    Ibid., p. 137

  • [12]

    Ibid., p. 132.

  • [13]

    Loc. cit.

  • [14]

    Ibid., p. 176-177.

  • [15]

    Ibid., p. 169

  • [16]

    Ibid., p. 37.

  • [17]

    Loc. cit.

  • [18]

    Édouard Glissant, Faulkner, Mississippi, op. cit., p. 139.

  • [19]

    Loc. cit.

  • [20]

    Édouard Glissant, Faulkner, Mississippi, op. cit., p. 32.

  • [21]

    Loc. cit.

  • [22]

    William Faulkner, Absalon, Absalon, trad. de R.-N. Raimbault, revue par François Pitavy, dans Œuvres romanesques, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », tome 2, p. 619.

  • [23]

    William Faulkner, Absalom, Absalom ! [1936], dans Novels 1936-1940, New York, The Library of America, 1990, p. 13.

  • [24]

    Ce détail est historiquement impossible, puisque le séjour de Sutpen aurait été postérieur à l’indépendance haïtienne et la critique a souvent perçu dans cette incohérence chronologique une façon d’effacer l’émancipation.

  • [25]

    Édouard Glissant, Faulkner, Mississippi, op. cit., p. 179.

  • [26]

    François Pitavy, « Notice. Absalon, Absalon ! » dans William Faulkner, Œuvres romanesques, op. cit., p. 1310.

  • [27]

    Rachel de Queiroz, Memorial de Maria Moura, Rio de Janeiro, José Olympio, 1992, p. 230-231.

  • [28]

    Rachel de Queiroz, Maria Moura, Paris, Métailié, 1995, p. 241.

  • [29]

    Ibid., p. 26.

  • [30]

    Rachel de Queiroz, Memorial de Maria Moura, op. cit., p. 26.

  • [31]

    Rachel de Queiroz, Maria Moura, op. cit., p. 244.

  • [32]

    Rachel de Queiroz, Memorial de Maria Moura, op. cit., p. 233.

  • [33]

    Rachel de Queiroz, Maria Moura, op. cit., p. 133.

  • [34]

    Rachel de Queiroz, Memorial de Maria Moura, op. cit., p. 127.

  • [35]

    François Pitavy, op. cit., p. 1309.

  • [36]

    Ce lien a été abondamment explicité par la critique. Voir à ce sujet la notice de François Pitavy dans l’édition de La Pléiade.

  • [37]

    William Faulkner, Absalom, Absalom !, op. cit., p. 9.

  • [38]

    William Faulkner, Absalon, Absalon !, op. cit., p. 615.

  • [39]

    William Faulkner, Absalon, Absalon !, op. cit., p. 612.

  • [40]

    William Faulkner, Absalom, Absalom !, op. cit., p. 6.

  • [41]

    Ibid., p. 25.

  • [42]

    William Faulkner, Absalon, Absalon !, op. cit., p. 633.

  • [43]

    Ibid., p. 612.

  • [44]

    William Faulkner, Absalom, Absalom !, op. cit., p. 6.

  • [45]

    Loc. cit.

  • [46]

    William Faulkner, Absalon, Absalon !, op. cit., p. 612.

  • [47]

    Loc. cit.

  • [48]

    William Faulkner, Absalom, Absalom !, op. cit., p. 6.

  • [49]

    Scott Romine, « Designing Spaces : Sutpen, Snopes, and the Promise of the Plantation », dans Ann J. Abadie et Jay Watson (dir.), Faulkner’s Geographies: Faulkner and Yoknapatawpha 2011, Jackson, University Press of Mississippi, 2015, p. 32. Je traduis.

  • [50]

    Édouard Glissant, Faulkner, Mississippi, op. cit., p. 266.

  • [51]

    William Faulkner, Absalon, Absalon !, op. cit., p. 614. En italique dans le texte.

  • [52]

    William Faulkner, Absalom, Absalom !, op. cit., p. 8.

  • [53]

    William Faulkner, Absalon, Absalon !, op. cit., p. 614. En italique dans le texte.

  • [54]

    William Faulkner, Absalom, Absalom !, op. cit., p. 8.

  • [55]

    Ibid., p. 757.

  • [56]

    William Faulkner, Absalon, Absalon !, op. cit., p. 931.

  • [57]

    William Faulkner, Absalom, Absalom !, op. cit., p. 311.

  • [58]

    William Faulkner, Absalon, Absalon !, op. cit., p. 931.

  • [59]

    William Faulkner, Absalom, Absalom !, op. cit., p. 311.

  • [60]

    William Faulkner, Absalon, Absalon !, op. cit., p. 617.

  • [61]

    William Faulkner, Absalom, Absalom !, op. cit., p. 10.

  • [62]

    William Faulkner, Absalon, Absalon !, op. cit.,, p. 613.

  • [63]

    William Faulkner, Absalom, Absalom !, op. cit., p. 6.

  • [64]

    Rachel de Queiroz, Maria Moura, op. cit., p. 451.

  • [65]

    Rachel de Queiroz, Memorial de Maria Moura, op. cit., p. 428.

  • [66]

    La casa forte et son fonctionnement évoquent aussi la maison du fidalgo portugais Dom Antônio de Mariz dans O Guarani (1857), de José de Alencar. Elle est décrite dans les deux premiers chapitres du roman, dont l’intrigue se situe au début du xviie siècle. Dom Antônio la fait édifier dans une sesmaria située dans un lieu reculé, laquelle lui a été attribuée par Mem de Sá. La maison est entourée de murailles et elle est comparée à un château féodal, servant de lieu de refuge et d’asile, mais aussi d’habitation à des aventuriers soumis à une discipline militaire. Ce roman appartient au cycle indianiste d’Alencar, dont l’ambition est de construire une épopée nationale : les personnages héroïques retracent la fondation du peuple brésilien, dont les origines sont dans ce roman l’union harmonieuse entre le colon portugais et l’indien (représentée à la fin du roman par la relation entre Ceci, la fille de Dom Antônio de Mariz, et l’indien Peri).

  • [67]

    Lígia Chiappini, « Rachel de Queiroz : invenção do Nordeste e muito mais », dans Lígia Chiappini et Maria Stella Bresciani, Literatura e Cultura no Brasil : identidades e fronteiras, São Paulo, Cortez Editora, 2002, p. 176. Je traduis.

Pour citer cet article

Julie Brugier, « "L’épique erratique et trouble" : William Faulkner et Rachel de Queiroz, migrations de l’épique dans le Sud des Etats-Unis et le Nord-Est du Brésil », SFLGC, bibliothèque comparatiste, publié le .../.../..., URL : https://sflgc.org/acte/brugier-julie-lepique-erratique-et-trouble-william-faulkner-et-rachel-de-queiroz-migrations-de-lepique-dans-le-sud-des-etats-unis-et-le-nord-est-du/, page consultée le 19 Avril 2024.

Biographie de l'auteur

BRUGIER Julie

Julie Brugier est ancienne élève de l’École Normale Supérieure de Lyon et agrégée de lettres modernes. Elle prépare une thèse en littérature comparée sous la direction de M. Camille Dumoulié à l’Université Paris Nanterre sur la marginalité et la communauté dans les romans de Maryse Condé, William Faulkner et Rachel de Queiroz.