Éditos

Le comparatisme littéraire en Bulgarie

Le début du comparatisme en Bulgarie est marqué par l’article d’Ivan Chichmanov Païssiï et Rousseau (1890). L’exemple du professeur de littérature générale et comparée est suivi par quelques-uns de ses pairs, pour ne citer qu’Alexandre Theodorov-Balan (le premier Recteur de l’Université de Sofia), Benio Tzonev et Lubomir Miletitch. Pendant la période de l’entre-deux-guerres, le comparatisme littéraire connaît un nouvel élan qui se reflète dans les enseignements et les écrits de la deuxième génération de professeurs universitaires et de critiques littéraires, à savoir Boyan Penev, Mickaïl Arnaoudov et Petar Dinekov.

Or, son essor serait interrompu par l’instauration du régime totalitaire en Bulgarie au lendemain de la Seconde guerre mondiale. Le logocratisme dirigeant toute activité intellectuelle à l’époque affecte inévitablement la réflexion littéraire qui n’échappe pas à la pression idéologique exercée par le contexte politique. Néanmoins, les recherches comparatistes reprennent petit à petit grâce à l’activité scientifique de l’Institut d’études balkaniques, fondé en 1964, rattaché à l’Académie des sciences de Bulgarie et placé sous l’égide de l’UNESCO. La revue Études balkaniques, éditée par les membres de l’Institut, accueille entre autres des articles en langues étrangères sur les problèmes de la littérature comparée. A cet intérêt renouvelé pour le comparatisme littéraire contribuent en outre quelques cours dispensés à la Faculté des Lettres de l’Université de Sofia et les activités de l’Institut de littérature auprès de l’Académie des sciences, qui publie d’ailleurs, de 1982 à 1989, la revue Littérature comparée.

Avec la chute du Mur de Berlin commence la troisième étape du développement du comparatisme littéraire en Bulgarie. Ainsi, en 2001, un groupe de chercheurs, d’universitaires et de critiques littéraires fonde le Cercle académique de littérature comparée – CALIC. Les francophones ne manquent pas parmi ses membres-fondateurs, à commencer par sa première présidente Roumiana Stantcheva. Présidé actuellement par Nikolay Aretov, le CALIC fait partie du Réseau européen d’études littéraires comparées et de l’Association internationale de littérature comparée.

Le CALIC organise régulièrement des colloques nationaux et internationaux, et contribue à des ouvrages collectifs, y compris en français : La France, l’Europe et les Balkans. Crises historiques et témoignages littéraires, Artois Presses Université, 2002 ; L’Europe, la France, les Balkans. Littératures balkaniques et littératures comparées, Artois Presses Université, 2004 ; Traditionnel, identité, modernité dans les cultures du Sud-Est Européen : la littérature, les arts et la vie intellectuelle au XXe siècle, Artois Presses Université, 2007. Depuis 2015, les comparatistes bulgares ont leur propre tribune, la revue électronique Colloquia Comparativa Litterarum qui publie des articles en bulgare, anglais et français.

A côté de l’intérêt constant pour la théorie littéraire, les recherches en littérature comparée concernent la mythocritique et l’imagologie, le dialogue de la littérature et des arts, la traduction et la réception d’ouvrages étrangers, etc. Une mention spéciale à ce propos mérite la thèse de doctorat, intitulée Figures mythiques dans le roman contemporain francophone, soutenue en 2012 par Antoaneta Robova, une étude assidue et approfondie des résurgences et des réinventions de Don Juan, Ulysse et Jason dans dix-huit romans français et francophones contemporains.

Somme toute, les comparatistes bulgares se proposent trois objectifs : renforcer la recherche en littérature comparée ; faire inclure des œuvres bulgares dans les projets internationaux dans ce domaine ; stimuler les échanges avec les associations analogues à l’étranger.