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Mutation générique et parodie du mythe : étude comparée de Don Juan de Byron (1824) et de Docteur Faustus de Thomas Mann (1947)
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Ces deux récritures modernes (un long poème narratif et un long roman) représentent chacune la parodie d’un grand mythe littéraire européen en même temps qu’une mutation générique du théâtre du XVIe siècle. Mais cette parodie est d’une nature très différente, comme le montreront les nombreuses variations mythiques. Nous nous demandons ici si ces récritures modernes respectent les critères du mythe littéraire définis en 1984 par Philippe Sellier, ou si elles correspondent davantage aux conceptions des mythologues actuels en étudiant de façon mythopoétique l’éclairage mutuel du mythe et du genre littéraire.

These two modern rewritings (a long narrative poem and a long novel) each represent the parody of a great European literary myth as well as a generic mutation of the 16th century theater. But this parody is of a very different nature, as will point out the numerous mythical variations. We will here wonder if these modern rewritings do respect the criterions of the literary myth defined in 1984 by Philippe Sellier, or if they do more correspond to the conceptions of the present mythologists by studying in a mythopoetical way the mutual lighting of the myth and of the literary genre.

ARTICLE

      La mutation du mythe est le plus souvent parodique dans la modernité. Ici, elle constitue en outre une mutation générique en tournant le dos au genre théâtral attendu, une « particularité qu’il importe de prendre en compte pour l’analyse comparative des (r)écritures anciennes et modernes [1] » selon U. Heidmann appelant à « un dialogue inter-générique ». Il va dès lors s’agir de se demander si ces récritures modernes obéissent encore aux trois critères du mythe littéraire archétypal définis en 1984 par P. Sellier [2] ou davantage aux conceptions des mythologues actuels.
      Selon A. Siganos suivant Sellier, « le mythe littéraire est un récit fermement structuré, symboliquement surdéterminé, d’inspiration métaphysique (voire sacrée) [3] ». Or, l’affaiblissement général du lien au sacré dans les récritures modernes se vérifie ici derrière un ancrage religieux de façade. Chez Byron, l’issue orthodoxe « qui envoie [Juan] en enfer » est tôt rappelée [4] . Mais l’élément transcendant proprement mythique qu’est le Commandeur (pour Brunel et Rousset) est subverti au chant IV où, lorsque le père d’Haïdée surprend les amants, c’est la fille et non le père qui meurt, comme au chant XVI où l’étreinte funèbre est remplacée par l’étreinte érotique avec la duchesse Fitz-Fulke utilisant la légende du Moine Noir, Juan se retrouvant « pétrifié […] ainsi qu’une statue [5]  ».

      Chez Mann, innombrables sont les références bibliques et les éléments démoniaques (froid topique, couleur rousse, séducteur de Clarissa à la barbiche méphistophélique). Si le pouvoir de Dieu de « changer le mal en bien [6] » évoque le « Prologue dans le ciel » goethéen, l’idée que le diable « affirme sa réalité, complémentaire de celle de Dieu » [seine komplementäre Realität zu derjenigen Gottes behauptet] au point que l’on puisse « appeler le bien une fleur du mal [7]  » renie complètement la vérité religieuse du mythe. En une stricte équivalence des principes du Bien et du Mal, Adrian est « possédé de Dieu » mais aussi « possédé du Diable [8]  ». En s’inoculant la syphilis, Leverkühn rend d’ailleurs la punition divine inutile et le châtiment uniquement physique comme dans La Peau de chagrin. « Cet homme est fou [9]  » [Dieser Mann ist wahnsinnig], décrète le Dr Kranich autorisant, comme dans tout texte fantastique, une interprétation purement humaine (avec un Diable symbolique) de l’ensemble des faits.
      « Tout est double dans ce roman, tout se répète, tout est en miroir, tout recommence dès que le pacte a été signé [10] », souligne J.-Y. Masson. Or, cette spécularité systématique opère également à rebours du sens intime du mythe religieux, où la fonction théologique du pacte, de l’apostasie, est d’inverser radicalement toutes les valeurs. Le schéma narratif est même inversé, puisque Adrian, au lieu de profiter des pouvoirs du pacte (le mythème du parcours du magicien), part s’« enterr[er] » à Pfeiffering pour y « viv[re] en ermite » dans un « archaïque cabinet de travail [11]  », celui de l’ancien Faust avant le pacte.
      Le deuxième point donne lieu à une divergence, car le symbolisme est aussi foisonnant chez Mann que mince chez Byron. Pour B. Krulic, Docteur Faustus est « un roman dont la visée est essentiellement symbolique et métaphorique [12]  », à l’image du couple Institoris, « antinomie même entre l’esthétique et l’éthique qui dominait en grande partie la dialectique culturelle de l’époque [13]  » [der Gegensatz zwischen Ästhetik und Moral, der ja zu einem guten Teil die kulturelle Dialektik jener Epoche beherrschte]. Le symbolisme le plus étudié est celui liant Leverkühn à l’Allemagne, victime du même envoûtement : « La vie du héros apparaît […] comme entièrement symbolique. Elle illustre la réalité allemande sur divers plans et d’abord sans doute sur le plan historique [14]  ». Ce parallèle culmine lors de la mort d’Adrian et de l’écroulement nazi : « A cette époque, l’Allemagne […] titubait […] sur le point de conquérir le monde grâce à un pacte […] qu’elle avait signé de son sang. Aujourd’hui, les démons l’étreignent, elle s’effondre [15]  » [Deutschland […] taumelte dazumal […] im Begriffe, die Welt zu gewinnen kraft des einen Vertrages […] den es mit seinem Blute gezeichnet hatte. Heute stürzt es, von Dämonen umschlungen].
      Un autre symbolisme est lié à la musique, la préférence d’Adrian pour l’objectivité polyphonique correspondant au roman moderne comme genre de l’impersonnalité architecturale. L’art musical de Leverkühn avouant « ‘‘Je ne me suis pas proposé d’écrire une sonate […] mais un petit roman’’ [16] » [Ich habe […] keine Sonate schreiben wollen, sondern einen Roman] est un miroir de l’art littéraire de Mann, son œuvre « toute en variations […] où chaque transformation est déjà l’écho de la précédente [17]  » désignant la récriture mythique même. Dans sa musique allégorique, aucune note n’est « sans signification thématique [18]  ». Quant à « Durchbruch » (percée), cette notion militaire, chère au pangermanisme, caractérise aussi l’artiste souhaité par Leverkühn (« Celui qui réussirait à percer hors de la froideur intellectuelle jusqu’à un monde audacieux de sentiments nouveaux » [Wem also der Durchbruch gelänge aus geistiger Kälte in eine Wagniswelt neuen Gefühls]), qui fraie donc avec le démoniaque intrinsèquement lié à l’art chez Mann : si « quelqu’un convie le diable à estre son hôte, pour sortir de cette stagnation et arriver à percer, celuy-là engage son âme [19]  » [Lädt aber einer den Teufel zu Gast, um darüber hinweg und zum Durchbruch zu kommen, der zeiht seine Seel].
      Chez Mann professant écrire « un livre sur la germanité », « le caractère et le destin de ce peuple [20] », le symbolisme conduit à ce que la figure mythique individuelle d’Adrian s’efface systématiquement devant la peinture de l’Allemagne, à la fois historique et anhistorique, dont il incarne l’âme collective. Il déborde même ce cadre germanique car, si l’allemand est la langue préférée du Diable, celui-ci s’affirme « cosmopolite de cœur [21]  ». L’intérêt du mythe est de viser la plus grande généralité possible, soit que Leverkühn devienne, au-delà de l’Allemagne, « une figure idéale, le ‘‘héros de notre temps’’, un homme qui porte la souffrance de l’époque » en incarnant de façon conjoncturelle « la situation de l’art en général, de la civilisation, voire de l’homme, de l’esprit même, à notre époque profondément critique [22]  », soit que, sur un mode biblique intemporel, cette valeur universelle du mythe n’embrasse l’ensemble du monde moderne livré comme chez Spengler à un nihilisme « faustien » décadent, cherchant, dans le projet élaboré avec Adorno, à « s’amplifier au maximum, tendre vers une eschatologie universelle, accueillir autant que possible toute la ‘‘civilisation apocalyptique’’ et résumer en quelque sorte toutes les prophéties de la Fin [23]  ». Le mythe de Faust reste donc un mythe collectif qui, comme dit Sellier, « repose sur des organisations symboliques qui font vibrer des cordes sensibles chez tous les êtres humains », et cette potentialité d’un trajet individuel à figurer un trajet collectif (le Diable révèle que d’autres ont contracté le pacte) est le propre du mythe pour Lévi-Strauss dans Mythologiques : « Les œuvres individuelles sont toutes des mythes en puissance, mais c’est leur adoption sur le mode collectif qui actualise, le cas échéant, leur mythisme [24]  ».
      S’opposant à cette surdétermination symbolique, le tropisme, dans Don Juan, mène du protagoniste à son auteur. Alors que le double prolifère habituellement dans le mythe de Don Juan, ici sa seule figure consistante « apparaît en contrepoint du récit […] sous les traits du narrateur [25]  ». Celui-ci, un Sévillan qui se présente d’abord comme « soit un Anglais installé en Espagne, soit un Espagnol qui a voyagé en Angleterre [26]  » [either an Englishman settled in Spain, or a Spaniard who had travelled in England], tombe le masque d’émotion quand Juan arrive en vue des côtes anglaises, ayant lui-même « fui les milieux élégants d’Angleterre [27]  ». Une double voix embrasse alors les deux regards mélangés : « Don Juan voyait les premières beautés d’Albion,/Tes falaises, cher Douvres, ton port, ton hôtel [28]  » [Don Juan now saw Albion’s earliest beauties,/Thy cliffs, dear Dover ! harbour, and hotel]. L’arrivée à Londres conduit ainsi Byron à la fois à investir définitivement son narrateur, affichant comme lui trente-cinq ans, et à supplanter son personnage.
      Si Juan, en effet, face à des femmes souvent âgées et dominatrices, est moins séducteur que séduit, « aussi chaud de cœur que féminin par ses traits [29] », menacé au chant V de circoncision avant d’être habillé en femme, les figures féminines suscitent l’appétit de l’auteur, séducteur réputé, professant « vén[érer] les jupons » : « J’aime le sexe faible […] Jadis, étant enfant, je voulais que les femmes/N’aient, du Nord au Midi, qu’une bouche de rose/Pour que, d’un seul baiser, je les embrasse toutes [30]  » [I love the sex […wishing] while a lad/That womankind had but one rosy mouth,/To kiss them all at once from North to South]. L’ensemble du texte est ainsi structuré par l’opposition entre un « il » de la dissolution et un « je » de l’affirmation énergique [31] . Le scandale que V. Gély décèle à l’origine du mythe, c’est d’oser présenter un Don Juan nullement scandaleux, ni impie ni subversif mais sentimental et conventionnel, « un esprit un peu superficiel [32]  » sans révolte ni angoisse existentielle, « aimable », « ‘‘un bon gars’’, ‘‘la crème des garçons’’ », faisant « sans malice la guerre/Ou l’amour ; avec […] ‘‘les meilleures intentions’’ [33]  », ni vaniteux ni trompeur : « Il était sincère, on ne pouvait en douter [34]  » [Sincere he was – at least you could not doubt it]. Le scandale n’est pas incarné par ce héros candide « imberbe et rougissant [35]  » mais par son auteur sulfureux, le véritable Don Juan, annonçant à son éditeur Murray un texte « licencieux » et « dissolu » et se « sent[ant] l’âme d’une canaille [devant] le plus joli minois, arrivé de Milan [36]  ».
      En une stratégie du détour évoquant l’Umständlichkeit (« sinuosité ») de H. Blumenberg, l’hétéronymie permet à l’auteur, dans un récit de plus en plus décentré, de s’auto-définir et s’interroger sur lui-même à distance, cherchant sa foi à travers un narrateur pieux, se projetant à travers un poète de passage dans une mission politique : « J’ai rêvé d’une Grèce libre [37]  » [‘‘I dream’d that Greece might still be free’’], sondant surtout à travers une réflexion pseudo-générale son rapport complexe aux femmes. « ‘‘Je’’ se met en scène […] Byron aura inversé les rôles, faisant glisser le donjuanisme du côté de la première personne, et du narcissisme qui la caractérise [38]  », dit M. Porée. Le mythe, purement individuel, sert à nourrir la figure héroïque en cours de mythification de l’auteur, le « mythe biographique » devenant « biographie mythique » d’un Byron symbole sexuel et politique mais qui n’incarne que lui-même, ce qui limite le symbolisme du texte.
      Le troisième point donne également lieu à une opposition, entre le caractère architectural du roman de Mann et le caractère composite, délibérément hétérogène, du texte de Byron. Selon Sellier, « la fermeté […] d’organisation [du mythe] ne paraît pas s’accommoder de récits longs ». Le lien étroit de Faust et Don Juan avec le genre théâtral (mais aussi avec des nouvelles de Balzac, Hoffmann, Mérimée), serait alors logique, mais comment cette organisation serrée d’une esthétique soucieuse de concentration s’accorde-t-elle alors avec nos deux longs textes ?
       Byron a confessé à Murray écrire sans plan défini (« je n’ai pas eu de plan »). De fait, au chant XII, où « il est temps de commencer [le] poème [39] » [now I will begin my poem] !, « [s]a structure est encore en préparation » et le projet toujours plus ample : « Je pensais au départ qu’environ deux douzaines/De chants feraient l’affaire ; Apollon me conjure […] De trotter gentiment jusques à la centaine [40]  » [I thought, at setting off, about two dozen/Cantos would do ; but at Apollo’s pleading […] I think to canter gently through a hundred].
      Cette écriture sans construction définie, par variations impromptues, en raison du « but qu’on se donne en voyageant : voyager », évoque les Essais de Montaigne lu à ce moment-là, cité au chant IX, qu’il semble pasticher : « Mon poème n’est que folâtre, je l’oublie […] Je ne suis guidé par aucun plan préalable […] J’ignore tout des mots qui sortent de ma plume./Et donc, je baguenaude, en narrant quelquefois,/En méditant parfois [41]  » [I quite forget this poem’s merely quizzical […] I ne’er decide what I shall say […] I never know the word which will come next./So on I ramble, now and then narrating, Now pondering]. Le récit s’étire ainsi à l’infini, se fractionne en un chapelet d’épisodes quasi autonomes, dont le héros est le prétexte ; or, dans cette sérialité d’un récit indéfini, on retrouve la critique même dirigée par Sellier contre la construction lâche de l’Odyssée ou des Mémoires de Casanova. Comme chez Sterne, les digressions spéculatives ou polémiques sont si nombreuses qu’elles représentent une proportion croissante du texte, décentré vers l’auteur, Juan, de plus en plus intermittent dans le récit, étant seulement présent dans 15 des 87 strophes du chant VII et n’apparaissant au chant VIII qu’à la strophe 19, au chant XII à qu’à la strophe 23, disparaissant complètement entre la strophe 28 du chant XIII et la 29 du chant XIV, au moment où sa figure va être éclipsée en Angleterre par la triple figure féminine.
      Fondamentale est l’introduction de la mère de Juan, traditionnellement « significativement absente du scénario » selon J. Rousset (elle expliquerait la boulimie de femmes). Elle permet, comme Donna Inès a donné à Juan une « instruction […] strictement morale [42] », de rendre possible une trajectoire autre que celle fixée par le mythe : « Le petit Juan croissait en grâce et en piété […] Et semblait bien parti sur le chemin du Ciel [43]  » [Young Juan wax’d in goodliness and grace […] And seemed […] in the right road to heaven]. Byron ne cesse de nous présenter la trajectoire de Juan comme pouvant être autre, comme un anti-destin livré au hasard des circonstances, grâce à la double postulation de son héros ambivalent à l’« humilité fière (oxymore risqué) », « peut-être un peu gâté, mais pas complètement [44]  ». Au chant XIV, la personnalité de Juan, à la fois « inexpert » et un « rusé coquin [qui] ne souri[t] qu’en secret [45]  », reste ouverte et évolutive, exemplifiant l’édification du texte comme tissage progressif chère à S. Ballestra-Puech.
      Chez Mann, les nombreuses longues digressions n’en sont pas : « Ceci est une digression. Et pourtant non [46] » [Dies auBerhalb des Gegenstandes. Und auch wieder nicht], reconnaît Zeitblom. Aucun élément du roman, méticuleusement construit, n’est jamais extérieur qu’en apparence au sujet central, en une mise en abyme des principes de composition musicale de Kretzschmar et Leverkühn pour qui « l’organisation est tout », épris d’une « unité organique » culminant dans le Chant du Docteur Faustus, « forme de la dernière rigueur, qui n’a plus rien d’athématique, où l’ordonnance du matériau devient totale et à l’intérieur de laquelle l’idée d’une fugue semble absurde, précisément parce qu’il n’y a plus une note libre [47]  » [zu einer Formveranstaltung von letzter Rigorosität, die nichts Unthematiches mehr kennt, in der die Ordnung des Materials total wird, und innerhalb derer die Idee einer Fuge etwa der Sinnlosigkeit verfällt, eben weil es keine freie Note mehr gibt]. Kretzschmar entend « établir quelque chose comme une écriture rigoureuse [48]  » (« der strenge Satz »), à l’instar de Mann revendiquant un principe de « composition rigoureuse » que Masson analyse comme le

moyen de structurer son livre, de lui donner forme. Et cette forme très stricte, très rigoureuse, sert à conjurer la menace du chaos : même le cours de l’histoire présente [est] forcé de se plier à la loi des nombres, de s’inscrire dans la structure prévue. C’est ainsi que le plan précis, conçu à l’avance […], sert à conjurer la violence de l’histoire. Il s’agit d’opposer au chaos […] la force concertée d’une forme, pour retrouver confiance dans la vertu de l’Art [49] .

Résumons sa démonstration, insistant sur la symbolique des nombres :

- « ce qui se passe dans un chapitre est souvent en rapport avec le chiffre qui le désigne », par exemple le Diable apparaît au chapitre XIII.

- « durant tout le livre, le numéro du chapitre a très souvent coïncidé avec l’âge d’Adrian [50]  ».

- le roman peut être divisé en 4 parties : la première jusqu’au chapitre XIII (première apparition du Diable), la deuxième jusqu’au chapitre XXV (dialogue avec le Diable et centre logique du livre), la troisième jusqu’au chapitre XXXVII, symétrique du XIII (suicide de Clarissa, nouvelle Marguerite), voire en 7 séquences de 7 chapitres. Enfin, subtilité de la composition, comme le chapitre XXXIV est à voir comme un chapitre triple (comme l’établit le début du chapitre XXXVII), les 47 chapitres deviennent exactement, si l’on ajoute aussi l’épilogue, 50 (ainsi le Diable apparaît pile dans le chapitre central), 47 ayant été préféré car 47=13+34 (le chiffre du carré magique obsédant Leverkühn et de l’Enfer chez Dante), à quoi nous ajouterions que le chapitre XXI est aussi divisé formellement en 4, et ainsi le chapitre XXIV, précédant la rencontre du Diable, est potentiellement le chapitre XXVII, et commence précisément par la référence au chant XXVII de l’Enfer !
      Des trois critères du mythe littéraire de Sellier, Mann en respecte donc deux et Byron aucun ! serait-ce surtout dû à la transformation générique ? ce texte fondateur essentiel aurait avancé des critères du mythe littéraire qui conviennent moins aux récritures modernes, narratives voire poétiques (les deux chez Byron), qu’aux versions théâtrales canoniques. On le voit, impossible désormais d’étudier une version mythique sans partir de sa nature générique : par exemple, la nature biographique, propre au genre romanesque selon Lukacs, a pour conséquence innovante de nous présenter, chez Mann comme chez Byron, l’enfance de la figure mythique.
      Etudier les mythes à partir des genres et réciproquement, tel est précisément l’objectif premier de la mythopoétique proposée en 2003 par Pierre Brunel : « Cette théorie des genres est placée ici sous l’éclairage du mythe et de la mythocritique [51] ». Pour V. Gély dans « Pour une mythopoétique »,

faire une « mythopoétique des genres », c’est utiliser la mythocritique pour voir et montrer comment les mythes fabriquent les genres littéraires, comment ils les travaillent. C’est considérer les mythes comme à l’origine des genres, et également comme « à l’œuvre », au travail au sein d’eux [52] .

Étude d’un mythe et étude des genres se nourrissent mutuellement, « des » genres car l’intérêt se déplace, notamment à partir du romantisme, de l’ancienne séparation des genres aux « constants passages modernes d’un genre à l’autre [53]  », grâce à leur perméabilité étudiée par Brunel (après Schaeffer) dans « Pour une conclusion [54]  » ; il s’y appuie sur La Mort d’Empédocle (ode, tragédie et modèle épique) et sur Manfred « poème dramatique ».
      Car Byron est un exemple fréquent du « dialogue inter-générique ». Don Juan le confirme, « proème [55]  » pour son auteur, « roman en vers » selon Pouchkine imitant sa forme novatrice dans Eugène Onéguine. Avant d’être une satire au sens propre, ce texte bigarré en est une étymologiquement, un mélange de genres, la satire prenant les traits de l’épopée et du récit sentimental, non sans incursions stylistiques par l’idylle et le roman grec, la mobilité n’étant plus celle du séducteur mythique, mais de l’écrivain lui-même se proclamant « changeant » et « chant[ant] tous les sujets [56]  », les changements de registre et de ton épousant les passages fréquents d’un lieu et d’un sujet à un autre.
      Cette sinuosité du texte ludique, mélange de narration et de méditation, tantôt lyrique tantôt épique [57] , tour à tour sentimental et cynique, facilitée d’ailleurs par l’ottava rima héroï-comique, illustre à merveille les conceptions contemporaines de Blumenberg dans Arbeit am Mythos (1979). Ce dernier voit dans le mythe, comme dans les autres récits fondateurs, un mélange de fiction et de vérité auquel correspond le vrai faux permanent du texte byronien, l’intérêt résidant, grâce à la nature double du texte, tantôt fictionnel, tantôt véridique grâce au narrateur auteur, dans ce pli permanent entre vrai et faux. Pour Byron, il n’y a pas de vérité foncière du mythe : « Juan était-il réel ou idéal ? Les deux/Se ressemblent fort [58]  » [Don Juan, who was real, or ideal-/For both are much the same]. De même U. Heidmann, C. Calame, V. Gély, qui s’inspirent des travaux de M. Détienne et J.-P. Vernant, récusent la vision traditionnelle essentialiste du mythe, d’origine sacrée et au sens préétabli, pour se focaliser sur les contextualisations, les effets de sens des récritures où, comme dit Blumenberg, « production et réception sont équivalentes [59]  », ce qui contribue à renforcer le rôle du lecteur, omniprésent chez Byron : « J’ai empilé pour vous plusieurs comparaisons,/Faites votre choix [60] » [My similes are gather’d in a heap,/So pick and choose].
      Si Sellier dégage une forme plus adaptée pour cristalliser la vérité première du mythe, V. Gély voit le passage de la mythocritique à la mythopoétique comme un « change[ment] de point focal » :

La mythocritique pose les mythes comme une donnée, antérieure et extérieure au texte, que le regard critique aurait pour tâche de reconstituer avant de l’utiliser en tant qu’opérateur dans sa lecture de l’œuvre [61] […] une mythopoétique ne postulerait, quant à elle, ni antériorité, ni extériorité des mythes par rapport à la littérature. Elle s’attacherait en revanche à examiner comment les œuvres « font » les mythes [en étudiant] le geste créateur (la poïesis) – à la fois « invention » et « travail » - non seulement des œuvres, mais aussi des mythes eux-mêmes.

Du texte, explique U. Heidmann,

l’intérêt est ainsi déplacé vers les modalités de sa mise en forme […] Cette dimension poïétique embrasse toutes les modalités de l’écriture, depuis les données stylistiques, lexicales, syntaxiques jusqu’aux procédés énonciatifs, compositionnels, narratifs, génériques et intertextuels [62] .

Étudiant de cette façon « le sujet poétique qui chante le mythe », C. Calame repère dès l’Antiquité, dans les démonstratifs grecs, une perméabilité de fait entre le discours et le récit, l’intra- et l’extra-discursif [63] , qui se retrouve dans l’analyse par C. La Cassagnère de ‘‘the mythopoetics of Don Juan’’, s’écrivant non selon le scénario préexistant mais au présent de l’imagination (le « tissage »), moins par le « je » que par le « il », la non-personne, dont le but est de ressaisir les aspects du moi égarés [64] . Calame et La Cassagnère, en recourant tous deux à l’alternance récit/discours des Problèmes de linguistique générale de Benveniste, recoupent l’accent mis par V. Gély sur l’effacement par le mythe des frontières entre narratif et discursif [65] .
      La pratique « mythopoétique » est ici étroitement liée à la question du roman, à étudier comme mode moderne de récriture mythique et comme genre multiforme, en prose et en vers, dans son rapport aux autres genres. Le roman, assemblage de résidus déformalisés du mythe, se caractérise par une exténuation de la structure, un manque de charpente interne selon Lévi-Strauss, ce que confirme Don Juan mais dément Docteur Faustus. Mais tous deux corroborent la vision du roman comme expression épique des temps modernes. « Satire épique », « narration épique », tel est le projet byronien affiché [66] et, contrairement à celui du mythe religieux, respecté. De même, chez Mann, à travers l’évocation des deux guerres mondiales, D. Iehl constate que « le roman retrouve sa vocation ancienne d’épopée [67]  ».
      Chez Byron, les références mythologiques prolifèrent en contexte épique, en Grèce puis au siège d’Ismaïl, car le retour au mythe comme à l’épopée [68] obéit au même besoin esthétique devant la trop grande médiocrité du présent : « Il me faut un héros, besoin hors du commun […] Mais je n’en puis trouver aucun à notre époque/Qui puisse convenir à mon nouveau poème […] je prendrai donc mon ami Don Juan [69]  » [I want a hero : an uncommon want […] But can’t find any in the present age/Fit for my poem […] I’ll take y friend Don Juan]. Le mythe, antique ou Renaissance, est l’expédient systématique pour rehausser une figure du présent, les trois prétendantes anglaises de Juan étant comparées à Diane, Hébé et Brutus !
      Mais le prestige de l’Antiquité n’est pas la seule raison d’une correspondance générale entre le présent et le passé. La nouvelle stature de Juan promu ambassadeur par Catherine de Russie, en ressuscitant le mythe politico-héroïque à l’antique évoqué par Sellier, légitime une réflexion de type historique lorsque Juan arrive en Angleterre. Faisant pencher le texte vers l’évocation du présent le plus actuel, qu’il s’agisse d’éléments européens (congrès de Vérone, mouvement septembriste) ou de faits purement nationaux (procès du prince de Galles, massacre de Manchester) dans une Grande-Bretagne peinte comme opprimée et affamée, Byron, mécontent de l’évolution historique contemporaine, sent la nécessité pour la penser de passer par des référents anciens, l’auteur, homme de culture, se substituant encore à son personnage inconsistant quand il clame au chant IV être venu voir Troie quand Juan passe près d’elle sans s’en apercevoir.
      Dans Docteur Faustus, la tension épique s’accompagne du même aller-retour entre l’actualité de l’Allemagne et son passé grâce au pastiche fréquent de vieil-allemand et à l’inscription dans des lieux liés au luthéranisme : Halle et surtout Kaisersaschern, lieu de naissance des protagonistes « figur[ant] au centre même de la Réforme, au cœur du pays de Luther [70]  ». L’interprétation est connue. Cet ancrage temporel suggestif a pour but de dater les prémices des exactions germaniques modernes de l’époque de Luther, période de naissance du mythe de Faust mais aussi de l’idée de nation allemande. André Dabezies a montré le lien entre les origines du pangermanisme et l’extension du mythe fédérateur de Faust ; les concerts et séjours d’Adrian à Erfurt, Weimar, Lübeck, Zürich, Prague, Munich, Leipzig, Graz, Bâle, ressuscitent la grande Allemagne faustienne. C’est pourquoi Mann occulte le plus souvent la version de Goethe et retourne à la version la plus primitive : « le vieux livre populaire [71]  » (Volksbuch) dont tout le rapproche : la démonologie folklorique, l’angoisse profonde d’une époque se sentant damnée, un protagoniste homosexuel, l’usage du vieil-allemand et… la forme narrative !
      Celle-ci permet à Mann d’orchestrer, comme toute biographie, une opposition entre « le temps personnel et l’objectif, le temps où se meut le narrateur et celui où se déroule la narration [72] », un jeu temporel que souligne le nom du narrateur ZEITblom. Celui-ci, écrivant pendant la Seconde guerre mondiale le récit de la vie d’Adrian pendant la première, construit un lien logique entre les deux : « Comme les époques se rejoignent singulièrement, comme celle où j’écris se relie à celle qui forme le cadre de cette biographie ! [73] » [Wie eigentümlich doch schlieBen sich nun die Zeiten – schlieBt sich diejenige, in der ich schreibe, mit der zusammen, die den Raum dieser Biographie bildet !]. Ainsi, « notre regard historique […] les amalgame en une seule époque » et, loin de juste se répondre, les époques s’expliquent l’une l’autre, par exemple au chapitre XXXIII (!) où « Il y a 26 ans [74]  » sépare mais aussi relie 1918 et 1944.

      Premier enseignement, par sa capacité à se déplacer sur l’échelle du temps, le mythe permet d’adopter un regard historique qu’H. Broch, traitant en 1945 de « la forme mythique du roman à la naissance duquel nous assistons de nos jours », nomme l’intemporel du mythe, « connaissance enracinée dans le mythe [qui] permet de se tourner vers le passé et de le hausser au niveau du présent [75] ». Or ce pont entre passé et présent passe par une récriture narrative du mythe, « premier ancêtre de toute narration » rappelle Broch [76] , au détriment du drame et de son présent immanent, forme que Sellier estimait indispensable au mythe littéraire [77] .
      Caractérisant les récritures parodiques modernes, J.-C. Monod oppose deux tendances, l’une opérant « sous le signe de l’esthétisation pure, et d’une légèreté délibérée, qui peut aller jusqu’à l’ironie complète », l’autre « qui consiste à porter à l’explicite et à la transparence [78] » le contenu mythique. De fait Byron, tel Don Juan, privilégie la plaisanterie, comme il le dit à Thomas Moore : « Ça s’appelle Don Juan, et je l’ai voulu légèrement et tranquillement facétieux à propos de tout », alors que, chez Mann, l’obsession du sens l’emporte toujours in fine sur l’ironie, à l’image de l’ultime œuvre de Leverkühn « exempte de parodie [79]  ». Du récit vissé et fermé semble jaillir une reformulation plus précise du sens du mythe, comme si la pensée mythique s’affinait [80] . La réflexion de P. Ricoeur sur la valeur de « mise en intrigue », d’« agencement des faits (en système) » liée originellement au terme grec « muthos » dans la Poétique [81] , peut aussi contester la préférence de Sellier pour le drame. Car la primauté des vertus de cohésion et de composition n’implique nullement qu’il doive s’agir d’une forme brève [82]  : la récriture mythique longue, lorsque parfaitement orchestrée par la « composition rigoureuse » du roman architectural, est aussi ferme et riche en signification qu’une forme brève. L’essor du mythe littéraire coïncida historiquement avec le genre du théâtre, mais celui-ci peut aussi bien passer ensuite par le roman, où les vertus architectoniques de la composition, soulignées par Lukacs dans La Théorie du roman, rayonnent encore davantage appliquées à ce plus grand volume. Pourquoi même ne pas généraliser cette capacité cohésive du mythe à dompter le chaos dans Docteur Faustus, puisqu’il en va de même du mythe d’Ulysse chez Joyce ou du mythe de Thésée (et Caïn) dans L’Emploi du temps, obéissant à une structure tout aussi rigoureuse. C’est ce qu’anticipait T. S. Eliot dès 1923, opposant « la méthode mythique » de Joyce à la « méthode narrative » :

In using the myth, in manipulating a continuous parallel between contemporaneity and antiquity, Mr Joyce is pursuing a method which others must pursue after him […] It is simply a way of controlling, of ordering, of giving a shape and a significance to the immense panorama of futility and anarchy which is contemporary history.

Dans l’usage du mythe, en dressant un parallèle continuel entre contemporanéité et antiquité, M. Joyce poursuit une méthode que d’autres pourront imiter après lui […] C’est simplement un moyen de contrôler, d’ordonner, de donner une forme et une signification à l’immense panorama de futilité et d’anarchie qu’est l’Histoire contemporaine [83] .

      On trouve ainsi dans la modernité littéraire à la fois de la dissolution et de la restauration du mythe. Si Byron, par la féminisation du mythe [84] et l’évacuation du surnaturel, annonce les tendances modernes de la déconstruction du mythe de Don Juan, mais aussi les conceptions des mythologues les plus modernes, « Thomas Mann est l’un de ceux qui, avec Nietzsche, ont œuvré à la restauration du mythe [85]  » selon C. Herzfeld. La question n’est plus de s’interroger comme Sellier sur les « délicats problèmes de seuils ou de mixtes » mais de s’interroger sur l’intention de l’auteur de présenter une version affirmée ou estompée du mythe. Aussi, au lieu d’opposer mythologues conservateurs tenant au sens du mythe et mythologues progressistes le contestant, nous aimerions avancer que ces deux positions ne sont pas exclusives, qu’il existe un sens latent du mythe, que l’auteur choisit ou non de déplier, et que la démarche de l’analyste doit emboîter le pas de l’auteur et s’accorder à son choix de récriture, se focalisant sur le sens et la vérité du mythe si l’auteur, en essentialiste du mythe, tel Thomas Mann, recherche visiblement la convergence entre mythe et tragique et un sens générateur d’ordre, ou se focalisant plutôt sur des effets modernes d’écriture si l’auteur entend se détourner du sens du mythe, auquel il croit peu. « Le mythe ancien du Minotaure […] n’était que […] l’expression d’une vérité simple : Pasiphaë voulut promouvoir l’élevage [86]  » [The old fable of the Minotaur […] was only […] a mere type, no more,/That Pasiphae promoted breeding cattle], s’amuse Byron.

Bibliographie

  • Lord Byron, Don Juan (Don Juan) [1824], trad. Laurent Bury/Marc Porée, Paris, Gallimard, 2006.

  • Heidmann, Ute, « Comment comparer les (r)écritures anciennes et modernes des mythes grecs ? Propositions pour une méthode d’analyse (inter)textuelle et différentielle », dans Sylvie Parizet (dir.), Mythe et littérature p.143-160, Paris, Lucie éditions, coll. « Poétiques comparatistes », 2008, p. 152.

  • Claude Herzfeld, Thomas Mann et le mythe de Faust, Paris, L’Harmattan, 2011.

  • Krulic, Brigitte, « La maladie de la culture », dans B. Krulic (dir.), Ecrivains, identités, mémoires, miroirs d’Allemagne 1945-2000 p.148-159, Paris, Autrement, 2001.

  • Lévi-Strauss, Claude, L’Homme nu, Paris, Plon, 1971.

  • Mann, Thomas, Docteur Faustus ou La Vie du musicien allemand Adrian Leverkühn racontée par un ami (Doktor Faustus oder das Leben des deutschen Tonsetzers Adrian Leverkühn, erzählt von einem Freunde) [1947], trad. Louise Servicen, Paris, Albin Michel/Club du livre du mois, 1957.

  • Masson, Jean-Yves, « La forme et le chaos dans le Docteur Faustus de Thomas Mann », dans J.-Y. Masson (dir.), Faust ou la mélancolie du savoir, p. 186-210, Paris, Desjonquères, 2003.

  • Sellier, Philippe, « Qu’est-ce qu’un mythe littéraire ? », Littérature n°55, p. 112-126, Paris, Larousse, 1984.

  • Siganos, André, Le Minotaure et son mythe, Paris, PUF, 1993, p. 32.

Notes

  • [1]

    Ute Heidmann, « Comment comparer les (r)écritures anciennes et modernes des mythes grecs ? Propositions pour une méthode d’analyse (inter)textuelle et différentielle », dans Sylvie Parizet (dir.), Mythe et littérature p.143-160, Paris, Lucie éditions, coll. « Poétiques comparatistes », 2008, p. 152.

  • [2]

    Philippe Sellier, « Qu’est-ce qu’un mythe littéraire ? », dans Littérature n°55, p. 112-126, Paris, Larousse, 1984.

  • [3]

    André Siganos, Le Minotaure et son mythe, Paris, PUF, 1993, p. 32.

  • [4]

    Lord Byron, Don Juan (Don Juan) [1824], trad. Laurent Bury/Marc Porée, Paris, Gallimard, 2006, p. 42.

  • [5]

    Ibid., p. 682. Selon Marc Porée, Préface de Don Juan p. 7-28, Byron entend « dépoussiérer le mythe en le débarrassant de ses métaphysiques machineries » p. 8.

  • [6]

    Docteur Faustus ou La Vie du musicien allemand Adrian Leverkühn racontée par un ami (Doktor Faustus oder das Leben des deutschen Tonsetzers Adrian Leverkühn, erzählt von einem Freunde) [1947], trad. Louise Servicen, Paris, Albin Michel/Club du livre du mois, 1957, p. 227.

  • [7]

    Ibid., p. 90/Frankfurt am Main, Fischer Verlag, 1980, p. 132 ; p. 263.

  • [8]

    Ibid., p. 253/436.

  • [9]

    Ibid., p. 479/673.

  • [10]

    Jean-Yves Masson, « La forme et le chaos dans le Docteur Faustus de Thomas Mann », dans J.-Y. Masson (dir.), Faust ou la mélancolie du savoir, p. 186-210, Paris, Desjonquères, 2003, p. 196.

  • [11]

    Op cit., p. 202/307/330. Du coup, pas non plus d’amours de Faust. Parodiquement, Hélène est la femme du narrateur Zeitblom qui connaît avec elle « un bonheur réglé et sans trouble » p. 181.

  • [12]

    Brigitte Krulic, « La maladie de la culture », dans B. Krulic (dir.), Ecrivains, identités, mémoires, miroirs d’Allemagne 1945-2000 p.148-159, Paris, Autrement, 2001, p. 154.

  • [13]

    Op. cit., p. 278/388.

  • [14]

    Dominique Iehl, notice de Docteur Faustus, dans : Thomas Mann Romans et nouvelles III 1918-1951 p. 282-315, Paris, Le Livre de poche, 1996, p. 288.

  • [15]

    Op. cit., p. 486/682.

  • [16]

    Op. cit., p. 435/611.

  • [17]

    Ibid., p. 465/653.

  • [18]

    Ibid., p. 254.

  • [19]

    Ibid., p. 309/432 ; p. 476/668.

  • [20]

    Thomas Mann, Le Journal du Docteur Faustus (Die Entstehung des Doktor Faustus) [1949], trad. L. Servicen, Paris, Plon, 1962, p. 208/97.

  • [21]

    Op. cit., p. 214/218. D’autant que Mann explique dans le Journal, op. cit. p. 53, avoir voulu « faire aboutir le thème du livre (empreint d’une coloration très germanique) à une généralisation contemporaine et européenne » pour éviter la « cré[ation d’]un nouveau mythe allemand », confirmant la prédiction d’H. Broch dans Création littéraire et connaissance que le mythe « des temps présents » serait « supranational ».

  • [22]

    Ibid., p. 85/39.

  • [23]

    Ibid., p. 149.

  • [24]

    Sellier, op. cit.

  • [25]

    M. Porée, op. cit., p. 17.

  • [26]

    Ibid., p. 40/Byron, Poems t. III, London, Everyman’s Library, 1963, p.1.

  • [27]

    Ibid., p. 166.

  • [28]

    Ibid., p. 500/390.

  • [29]

    Ibid., p. 417.

  • [30]

    Ibid., p. 614 ; p. 338/209.

  • [31]

    Voir Christian La Cassagnère, « I’ve got new mythological machinery : Don Juan as a myth of the self », dans C. La Cassagnère (dir.), Byron : lectures du Don Juan p.149-165, Paris, Didier Erudition, 1995, p. 160.

  • [32]

    Ibid., p. 524.

  • [33]

    Ibid., p. 545/408.

  • [34]

    Ibid., p. 645/421.

  • [35]

    Ibid., p. 463.

  • [36]

    Ibid., p. 186.

  • [37]

    Ibid., p. 219/129.

  • [38]

    Op. cit., p. 18. D’où la conclusion de C. La Cassagnère, op. cit. p. 151 : ‘‘the « new mythology » of Don Juan is no other […] than this myth of the self’’. Notre trad. : « la ‘‘ nouvelle mythologie’’ de Don Juan n’est autre […] que ce mythe du soi ».

  • [39]

    Op. cit., p.556/359.

  • [40]

    Ibid., p. 567 ; p. 556/359.

  • [41]

    Ibid., p. 501; p. 461-462/293.

  • [42]

    Ibid., p. 55.

  • [43]

    Ibid., p. 58/22.

  • [44]

    Ibid., p. 668/554.

  • [45]

    Ibid., p. 623/618.

  • [46]

    Ibid., p. 6/17.

  • [47]

    Op. cit., p. 172 ; p. 464/652.

  • [48]

    Ibid., p. 181.

  • [49]

    Op. cit., p. 190. Ainsi de l’Apocalipsa « soumis[e] à une maîtrise réfrigérante », op. cit., p. 343.

  • [50]

    Op. cit., p. 192/203.

  • [51]

    Pierre Brunel, « Proposition », dans Mythopoétique des genres p. 7-15, Paris, PUF, 2003, p. 4.

  • [52]

    Véronique Gély, « Pour une mythopoétique : quelques propositions sur les rapports entre mythe et fiction », Voxpoetica, 2006.

  • [53]

    Op. cit., p. 292.

  • [54]

    Ibid., p. 289-293.

  • [55]

    Op. cit., p. 455.

  • [56]

    Ibid., p. 722/676.

  • [57]

    Voir Brunel, op. cit., p. 292 : « Le nouveau lyrique se juge engagé dans la voix de l’épique ».

  • [58]

    Op. cit., p. 483/308.

  • [59]

    Hans Blumenberg, « Wirklichkeitsbegriff und Wirkungspotential des Mythos », dans La Raison du mythe, trad. Stéphane Dirschauer, Paris, Gallimard, 2005, p. 53.

  • [60]

    Op. cit., p. 351/219. C. La Cassagnère, op. cit., analysant la permanence de l’image du lecteur dès la première strophe grâce à un « nous » qui est un « toi et moi », voit le texte comme un double dialogue, entre le « je » et le « il », mais aussi entre ce « je » et ce « tu » « dans l’ordre symbolique ».

  • [61]

    V. Gély, op. cit., cite ici Brunel : « Par le statut même d’antériorité, qui les caractérise, les mythes se situent en-dehors du texte […] Ils sont des pré-textes, mais aussi des hors-textes ».

  • [62]

    Op. cit., p. 145.

  • [63]

    Claude Calame, « Entre récit héroïque et poésie rituelle : le sujet poétique qui chante le mythe », dans Mythe et littérature p. 123-142, ibid., p. 126-128.

  • [64]

    Op. cit., p. 163/151.

  • [65]

    Op. cit., p. 76.

  • [66]

    A défaut du catalogue de Don Juan, Byron évoque, op. cit., p. 592 le « catalogue de navires » de L’Iliade.

  • [67]

    Op. cit., p. 285.

  • [68]

    Le mythologique est un ingrédient de l’épique, rappelle La Cassagnère.

  • [69]

    Op cit., p. 42-44/10-11.

  • [70]

    Op. cit., p. 5.

  • [71]

    Ibid., p. 464.

  • [72]

    Ibid., p. 243.

  • [73]

    Ibid., p. 459/645.

  • [74]

    Ibid., p. 274/325.

  • [75]

    Hermann Broch, « L’héritage mythique de la littérature », dans Création littéraire et connaissance (Dichten und erkennen) [1955] p. 245-256, trad. Albert Kohn, Paris, Gallimard, 1966, p. 256/248. Ce texte appartenait au numéro consacré à T. Mann par la Neue Rundschau en 1945.

  • [76]

    Ibid., p. 247.

  • [77]

    A l’instar de l’Apocalipsis où « la forme dramatique se résorb[e] dans une forme épique », op. cit., p. 355.

  • [78]

    Jean-Claude Monod, « Le mythe, de la terreur à l’esthétisation – remarques sur le travail du mythe selon Hans Blumenberg », dans Mythe et littérature p. 161-178, op. cit., p. 173.

  • [79]

    Op. cit., p. 466.

  • [80]

    Michel Contat infère des récritures mythologiques de Sartre qu’« une pensée fait plus que se déguiser sous un mythe, elle se révèle dans sa profondeur philosophique », notice des Mouches, dans M. Contat (dir.), Sartre Théâtre complet p. 1255-1282, Paris, Gallimard, coll. « Pléiade », 2005, p. 1263.

  • [81]

    Paul Ricoeur, « La mise en intrigue », dans Temps et récit 1 L’intrigue et le récit historique p. 66-104, Paris, Seuil, 1983, réflexion poursuivie dans « Les métamorphoses de l’intrigue », Temps et récit 2 La configuration dans le récit de fiction p. 17-58, Paris, Seuil, 1984.

  • [82]

    C’est à une conclusion convergente que parvient Ricoeur. Après une première relativisation t. 1 ibid., p. 75 : « l’épopée suit les règles de la tragédie à une variante près, celle de la ‘‘longueur’’, qui peut être tirée de la composition elle-même et qui ne saurait affecter les règles fondamentales de l’agencement des faits. L’essentiel est que le poète – narrateur ou dramaturge – soit ‘‘compositeur d’intrigues’’ », il dépasse également au t. 2 l’opposition, due à une « méconnaissance du principe formel de mise en intrigue » entre le roman comme primat des caractères et (l’épopée et) le drame comme primat de l’intrigue p. 20, valorisant la possibilité dans le roman d’« un surcroît de raffinement dans la composition » p. 27.

  • [83]

    Thomas Stearns Eliot, « Ulysses, Order and Myth », dans James Joyce the critical heritage, London, Routledge and Kegan Paul, 1970, p. 268-271. Notre trad.

  • [84]

    De la promotion des figures féminines au renversement du rapport de forces.

  • [85]

    Claude Herzfeld, Thomas Mann et le mythe de Faust, Paris, L’Harmattan, 2011.

  • [86]

    Op. cit., p. 168/96.

Pour citer cet article

Charles Brion, « Mutation générique et parodie du mythe : étude comparée de Don Juan de Byron (1824) et de Docteur Faustus de Thomas Mann (1947) », SFLGC, bibliothèque comparatiste, publie le .../.../..., URL : https://sflgc.org/acte/brion-charles-mutation-generique-et-parodie-du-mythe-etude-comparee-de-don-juan-de-byron-1824-et-de-docteur-faustus-de-thomas-mann-1947/, page consultée le 23 Avril 2024.

Biographie de l'auteur

BRION Charles

Maître de conférences en Littérature(s) Comparée(s) à l’Université de La Rochelle, membre du CRHIA (et du CRLC comme membre associé), Charles Brion s’intéresse aux littératures française et étrangères du XIXe et du XXe siècles des continents européen et américain ; il est plus particulièrement spécialisé, en Europe, dans la période 1870-1930 et certaines de ses dominantes culturelles (esthétisme, décadentisme, révolution romanesque). Ses travaux de recherche portent principalement sur la notion de récit initiatique (roman de formation-Bildungsroman, voyage initiatique, notamment transatlantique, découverte et images de l’autre) ; ils abordent aussi régulièrement les mythes littéraires (Don Juan, Faust, Electre).