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Un écrin en forme de tombeau

ARTICLE

A la fin du XIXème siècle, les fées envahissent les capitales européennes, elles quittent alors leurs forêts protectrices ancestrales pour se risquer à la vie citadine. Celles sorties des pages des recueils d’antan se joignent à la foule de leurs consoeurs qui s’échappent des écrits modernes. Toutes ensemble, elles montent sur scène, revisitent les musées, et hantent les songes des artistes. En effet, que ce soit sur toile, nées du pinceau de Rochegrosse, de Rackham ou de Burne-Jones [1] , sur les planches, mises en scène par Banville ou Maeterlinck [2] , ou sur la rotative de quelque presse de l’époque, friande de genres brefs, la population « elfique » est là, prête à s’installer à Paris, Londres, Vienne, Bruxelles ou Berlin. En outre, l’activité des conteurs n’a jamais été aussi fertile qu’en ce XIXème siècle finissant, et ce pour toutes sortes de raisons comme la séduction de la forme brève, ou l’essence du merveilleux qui se révèle être, par les libertés thématiques qu’il offre, un terrain de jeux idéal pour ces démiurges pessimistes qui se revendiquent comme impuissants, que sont les artistes décadents [3] . Toute cette production aboutit à la création d’un nouveau genre, celui du conte de fées fin-de-siècle. Ce n’est ni un avatar du conte de fées, ni un genre parallèle, c’est simplement une réactualisation du modèle traditionnel. D’ailleurs, Catulle Mendès n’a pas voulu signifier autre chose en intitulant un de ses recueils, Nouveaux contes de jadis. [4]

Cependant, les modifications apportées, tant à la structure des textes qu’à leur contenu, les éloignent considérablement des récits écrits par les pères du conte de fées littéraire. Aussi est-il plus juste de spécifier que ces contes de fées, qui n’en ont parfois que le nom tant le récit rapporté semble décidément ancré dans le réel, peuvent être regroupés sous la même dénomination que le mouvement qui leur a donné naissance, que l’on s’accorde à l’appeler « décadence » ou « fin-de-siècle ». On pourrait également procéder par analogie et évoquer le conte jaune, à la fois par opposition au conte bleu, naïf, sécurisant et moralisant, et pour rappeler la couverture des œuvres éditées chez Charpentier, principal éditeur des ouvrages décadents et bien sûr la couleur du petit livre qui avait profondément fasciné et bouleversé Dorian Gray [5] . En outre, ce rapprochement entre les textes et leurs auteurs est justifié par le destin commun qu’ils partagent, et ce jusque dans leur extinction. En effet, la mort est présente à chaque instant à l’esprit des artistes de la génération concernée. Conscients de la fin du siècle, ils pressentent la fin du monde et l’imminence de leur propre mort. Aussi la mettent-ils en scène dans leurs œuvres, et particulièrement dans les contes de fées où les personnages féeriques y sont confrontés, et la programment-ils en orchestrant eux-mêmes les derniers jours du conte de fées décadent. Ainsi, toutes ces fées qui investissent la vie artistique de la fin du siècle, sont elles-mêmes amenées à disparaître.

Reste la question du tombeau de ces personnages tutélaires du merveilleux, qu’il semble opportun d’imaginer en forme de bibliothèque tant les symboles de cette dernière semblent guider leur destin. En outre, le motif de la bibliothèque, que l’on utilise ce terme pour signifier le lieu ou le meuble, prend une couleur toute particulière en cette fin de siècle. Comme le rappelle Jean de Palacio dans « Réalité et métaphore de la bibliothèque de Sénac de Meilhan à des Esseintes », elle risque de devenir « cénotaphe ou morgue », puisque « l’amateur fin-de-siècle tourne au pessimisme ». [6] Nous voudrions insister sur trois notions liées à l’idée de bibliothèque qui se retrouvent dans la destinée tragique et annoncée par leurs propres créateurs, des fées fin-de-siècle. Le nombre, tout d’abord : une bibliothèque induit une collection d’œuvres, puis la promiscuité qu’elle engendre, et enfin le devoir de conservation.

La bibliothèque ou le cauchemar de l’écrivain

Nous sommes soumis aux fantômes de l’hérédité ou de l’extrême littérature. Car notre volonté ne sait s’appliquer aux choses extérieures, ni projeter les êtres qui naissent en nous. Les poètes regardent passer l’action, et la regrettent, - mais ils n’agissent pas. [7]

Par ce constat, Marcel Schwob illustre l’impuissance que ressentent les auteurs d’alors. Le fait est qu’assoiffé de lecture, le décadent souffre de sa trop grande érudition, car sa connaissance livresque l’amène au sentiment que tout a déjà été écrit, que plus rien ne peut être créé. Et la bibliothèque, aux rayonnages débordant d’ouvrages divers, de siècles et de siècles d’écrits qui devancent, implacablement, les auteurs qui les contemplent désespérés, vient les conforter dans cette idée. L’édifice matérialise, en quelque sorte, le cauchemar de l’écrivain.
Tout a été écrit, soit ! Mais il est possible de réécrire, à savoir opérer des réactualisations d’œuvres existantes. « La littérature de demain sera imitative » [8] , s’exclamait Téodore de Wyzewa en 1893. Or, une fragile frontière sépare l’imitation pure de la perversion, et elle sera rapidement franchie par les conteurs fin-de-siècle. Rapidement, la fée Perversion se proclame donc conservatrice de cette bibliothèque en cours de construction, regroupant les contes jaunes. On y rencontre bien des fées, comme chez Perrault, mais elles sont vieilles et laides autant que méchantes et impuissantes ; parfois elles apparaissent jeunes et belles, mais c’est d’elles dont il faut le plus se méfier car leur nature féminine prend le pas sur leur nature féerique ; d’autres fois encore, elles sont minuscules et alors aussi inoffensives et inutiles que de charmants insectes. On y rencontre aussi des princes et des princesses, mais les voilà soumis aux mêmes tourments que leurs créateurs ; des enchanteurs, mais plus empotés qu’omnipotents ; des créatures légendaires, mais tournées en ridicule… C’est que les conteurs décadents ont voulu fuir les muses du réalisme en s’élançant dans les bras des fées. Hélas, elles les ont poursuivis dans les contrées merveilleuses et ont contaminé ces dernières : la maladie dans ce qu’elle a de dégradant, la vieillesse dans son action avilissante, et la mort irrémédiable s’invitent au pays des fées. Déçus par cet ailleurs prometteur qui ne leur offre qu’un reflet du quotidien abhorré, les auteurs mettent alors leur imagination et leur verve au service de l’ironie et vont jusqu’à convoquer un Perrault d’outre-tombe et d’autres figures fondatrices du genre féerique, pour mieux les attaquer. La vieille nourrice conteuse est alors congédiée, car il n’est plus question de rapporter ces histoires aux enfants. Seul l’adulte peut y accéder, et qui plus est l’adulte érudit, à même de comprendre les morales plus esthétiques qu’éthiques, les marques d’ironie cachées dans chaque recoin du texte et les références littéraires ou mythologiques récurrentes et codées. Toutes ces perversions, si elles permettent de continuer à écrire malgré un sentiment d’impuissance, participent de cette « démarche éminemment autodestructrice où se complaît la décadence ». [9]

Un lieu de débauche

Par ailleurs, la perversion est également induite par une autre réalité de la bibliothèque, à savoir le classement. Quel qu’il soit, il ne peut éviter la promiscuité des œuvres : « la confusion y règne », constate Jean de Palacio avant de citer Adolphe Retté s’offusquant d’y voir Darwin chevaucher les contes de Perrault, tandis que Jules Renard constate que « dans une bibliothèque les livres se dérangent d’eux-mêmes, et qu’un Daudet parfois grimpe sur un Zola ». [10]

En ce qui concerne le conte de fées, la conséquence directe du voisinage qui fait cohabiter Mélusine et Nana, géographiquement parlant pourrait-on dire, survient tout naturellement en cette période où l’amalgame et l’hybridité se font exercice de style et, très vite, c’est au cœur même des récits que les genres vont se mêler. « Dans une poétique de décadence, l’hybridité devient la règle » [11] rappelle Jean de Palacio, le conte n’échappe pas à cette règle et l’amalgame générique qui en ressort est remarquable et protéiforme : entre le conte et le roman, tout d’abord, avec des récits dont la longueur et la richesse des analyses des sentiments et les études approfondies des caractères, les rapprochent un peu plus du roman et les éloignent du conte de fées qui ne s’encombre traditionnellement pas de personnalités complexes, comme le précise Bruno Bettelheim dans Psychanalyse des contes de fées :

Les contes de fées ont pour caractéristique de poser des problèmes existentiels en termes brefs et précis. (…) Tous les personnages correspondent à un type ; ils n’ont rien d’unique. [12]

Les textes de Lewis Carroll, de Hugo Von Hofmannsthal ou de Rémy de Gourmont [13] s’éloignent considérablement de ce précepte empruntant plus au roman qu’au conte de fées traditionnel. Banville, quant à lui, préfère mêler le conte au théâtre et il s’illustre dans la création de comédies féeriques [14] . On notera également l’amalgame entre le conte et la poésie [15] et entre le conte et la comptine. [16]

Donc, l’emprunt à d’autres genres littéraires est une des constituantes de l’écriture des conteurs fin-de-siècle. Une écriture qui modifie les contours du conte de fées traditionnel pour aboutir à ce conte nouveau, genre hybride « qui atteste d’une pratique promise à un bel avenir, celle de l’amalgame. » [17] En effet, les conteurs malmènent les frontières du genre du conte de fées, en ce qui concerne sa matière, mais également sa forme, de sorte que le conte se disloque. Ainsi, le conte de fées fin-de-siècle, faute de se dessiner de nouveaux contours, se distingue en ce qu’il n’en a aucun. Il se réalise dans un délitement générique, qui ne laisse présager que son évanescence. En d’autres termes, ce genre, car c’en est un, puisque comme le rappelle J. M. Schaeffer, « aucun texte littéraire ne saurait se situer en dehors de toute norme générique », ce genre donc, se définit en ce qu’il n’a pas cette définition précise et fiable dont peuvent se targuer les œuvres classiques qui se soumettent à un système de règles explicites [18] . Lui, se définit en ce qu’il n’est pas vraiment un genre précis ; contradiction qui l’inclut d’autant mieux dans une littérature décadente adepte du paradoxe. Ainsi, le conte de fées fin-de-siècle est un mélange de différents genres avec une dominante générique revendiquée, celle du conte de fées.

Mais l’hybridité ne s’arrête pas là : la mythologie mise en scène dans les contes de fées fin-de-siècle va se révéler être une mythologie-mosaïque empruntant çà et là les mythèmes et détails qui lui seyent. Le lieu semble être l’un des premiers éléments constitutifs d’une mythologie propre aux contes de fées décadents. En effet, si Perrault restait évasif sur le chronotope de ses récits, les conteurs les situent au moins géographiquement, selon une géographie qui mélange habilement des lieux réels et connus, à des lieux réels mais peu connus, à des lieux irréels empruntés à la littérature classique, et à des lieux appartenant à la littérature merveilleuse. Ainsi, chez Mendès, Paris, Bougival, et Asnières touchent Golconde, qui semble elle-même n’être qu’une province de Cythère ou de Brocéliande et Mataquin [19] . De même, Lewis Carroll n’établit pas de frontière précise entre le Pays des Fées et Elveston dans son conte Sylvie et Bruno [20] . Enfin, W. M. Thackeray fait de même dans son récit La Rose et la Bague [21] , comme le constate Sylvère Monod :

Le petit ouvrage (…) dépeint les conflits entre la Paphlagonie (nom typique d’un pays imaginaire, archétypal ou déguisé) et sa voisine la Crim-Tartarie. (…) Si les Paphlagoniens arborent des noms à consonance italienne, selon la tradition à laquelle se conformait Shakespeare, les Crim-Tartares portent pour la plupart des patronymes à terminaison russe. [22]

En outre, ces deux pays sont inclus dans une géographie bien réelle, et les princes et princesses doivent apprendre le français, l’anglais et l’histoire de l’Europe !

Les personnages sont quant à eux issus de jeux transtextuels : ainsi Puck [23] quitte un instant la distribution shakespearienne pour venir se joindre à Roland [24] ou à Aymerie [25] , des noms qui plongent immédiatement le lecteur dans le Moyen-Âge. De même, les principaux personnages des contes de fées sont eux aussi, touchés par l'hybridité décadente. Ainsi, les fées elles-mêmes sont soumises à l'amalgame. Entre leurs différentes origines tout d'abord, puisque Mab, une des fées du cycle du Roi Arthur, côtoie Titiana, échappée un instant des forêts qui entourent Athènes chez Shakespeare, et la fée Primevère, issue de l'imagination de ce « grand pourvoyeur de fées » [26] qu'est Mendès. Par ailleurs, les deux registres auxquels étaient liées les fées au Moyen-Âge, s'unissent pour n’en faire plus qu'un. En effet, L. Harf-Lancner, dans son étude sur les Fées au Moyen-Âge [27] , distingue les fées marraines, héritières des Parques antiques qui décident des destinées humaines, des fées amantes, qui, éprises d'un mortel, dominent l'imaginaire érotique du Moyen Âge. Du mélange de la fée marraine et de la fée maîtresse naît Caricine, la prostituée [28] , car ces mêmes personnages féeriques, autrefois garants de la vertu, descendent aujourd'hui dans la rue comme filles de joie.

Ainsi, les récits mettent en scène une mythologie-mosaïque, bricolée et composite, faite de symboles et d’allégories « piochés » au fil des siècles, au fil des manuscrits dont les conteurs, par trop érudits, ont eu connaissance. Le lecteur assiste alors à une sorte de recyclage et de récupération de mythes ancestraux. A n’en pas douter, la fée Perversion s’amuse de ce spectacle, d’autant plus que son dessein se réalise encore dans cette mythologie qui à force d’amalgame perd sa substance. Car cette pratique relève d’un processus dans lequel le mythe se dépare de ses prestiges pour se résumer à un symbole récurrent dans les œuvres de la fin du siècle. Annexé par les fantasmes décadents, il perd de sa force et se condense en une allégorie ! [29]

En définitive, l’amalgame et l’hybridité semblent naître de cette promiscuité qui règne sur les rayonnages des bibliothèques, et là encore, les images que ces dernières véhiculent à cette époque sont en adéquation avec la destinée du conte de fées décadent.

Vers un recueil œuvre d’art

Enfin, l’essence d’une bibliothèque réside également dans un devoir de conservation, avec une question récurrente : faut-il protéger les livres des lecteurs qui par leur nombre, leur maladresse parfois, fatiguent la reliure, fragilisent les feuillets et affaiblissent les caractères, pour finalement voir le livre expirer sous leurs doigts meurtriers, bien qu’innocents, des lecteurs simplement coupables de s’intéresser à leur victime, dans le meilleur des cas, quand le livre ne succombe pas à quelque fat qui ne se rend même pas compte de la qualité de l’œuvre qu’il assassine. Ou au contraire, faut-il exposer ces œuvres au plus grand nombre, estimant que la véritable mort du livre réside dans le fait de ne pas être lu ? Les conteurs décadents semblent avoir répondu définitivement à cette question en édifiant la bibliophilie, recherchant par là un lectorat réduit, mais de qualité. Soit un élitisme avéré dans une réception limitée, éphémère mais unanime.

Aujourd’hui, quand on réimprime Perrault, c’est seulement pour les artistes et les bibliophiles. Voyez, par exemple, les éditions qu’en ont données Perrin et Lemerre. Elles vont dans les bibliothèques des amateurs et se relient en maroquin plein avec des dorures au petit fer. [30]

Comme l’évoque Anatole France, la fin du siècle correspond à un tournant dans l’édition du conte de fées qui se fait de plus en plus luxueuse. L’ouvrage merveilleux se fait œuvre d’art, non sans la complicité des peintres de l’époque qui montrent un intérêt certain pour la féerie, ce qui s’explique par le fait que, pour les peintres comme pour les auteurs de la fin du siècle, « ces fées répondent au profond besoin de dépaysement ; leur baguette magique est une protestation contre les découvertes d’Edison » [31] . Dans la préface à son anthologie de contes de fées, Si les Fées m’étaient contées, Francis Lacassin remarque en ce sens que « de même que les grands écrivains se flattent d’avoir écrit des contes de fées, les grands artistes de l’époque ont eu envie de les illustrer. Les mises en images de Tony Johannot, Achille Deveria, Célestin Nanteuil, Grandville, Gavarni, Bertall, Gustave Doré, Arthur Rackham, Edmond Dulac, Pissaro, et plus tard Pascin, Alexeieff, ne sont pas de simples illustrations. Comme n’importe quel tableau, elles relèvent de l’œuvre d’art. Les éditions originales qui les révélèrent valent aujourd’hui fort cher. » [32] Ainsi, les éditions se font-elles luxueuses, notamment grâce à l’adjonction d’illustrations remarquables. Les héroïnes de Perrault, par exemple, bénéficient des techniques les plus modernes telles la « chromotypographie », pour être magnifiquement parées dans les œuvres des imagiers. [33] En outre, en 1862, la librairie Hetzel, spécialisée dans le conte de fées, donne jour à « la monumentale édition des Contes de Perrault », illustrée par Gustave Doré et décrite ici par Olivier Piffault :

Format exceptionnel du volume et des planches, quantité inhabituelle des illustrations pour des contes parfois très courts comme le « Petit Chaperon rouge », décors et ambiances fouillées comme jamais auparavant, tout concourt ici à accorder aux contes de Perrault les plus anciens mais aussi les moins « travaillés », les moins affectés en apparence, un statut égal aux œuvres de Dante, Cervantes, Rabelais… [34]

« L’illustration du conte de fées » [35] , de Carine Picaud, revient sur le rôle de Gustave Doré dans cette même édition en remarquant que l’illustrateur impose à travers ses quarante planches une vision dramatique des contes, tant par leur théâtralité que par l’effroi qu’elles suscitent. Les illustrations semblent même surpasser leur support puisque Colette cherchait « en vain à retrouver dans le texte du conteur la force des images de l’artiste » [36] . C. Picaud ajoute que Sainte Beuve, dès la parution de l’ouvrage, consigne dans ses Causeries du lundi son admiration dans les termes suivants :

« Mais que M. Doré excelle donc dans ces tournants et ces profondeurs de forêts, dans ces dessous de chênes et de sapins géants qui étendent au loin leurs ombres ! qu’il est habile à nous perdre dans ces creux et ces noirceurs de ravins où l’on s’enfonce à la file avec la famille du Petit Poucet ! Il y a dans ce Petit Poucet, coup sur coup, trois de ces vues de forêt, qui sont des merveilles ou plutôt d’admirables vérités de nature et de paysage. Je ne sais rien, en revanche, de plus magique et de plus féeriquement éclairé que la haute avenue couverte, la nef ogivale de frênes séculaires, par laquelle le jeune prince s’avance vers le perron de l’escalier dans « La Belle au Bois dormant ». [37]

Toutefois, on peut noter que cet intérêt n’est pas sans conséquences pour l’œuvre support, car l’illustration demeure une interprétation du texte dans laquelle la sensibilité du dessinateur reste omniprésente. Ainsi, si Andersen destinait ses contes aux enfants, il est certain que l’édition agrémentée des dessins « non-enfantins » [38] de Beardsley ne peut se destiner qu’à un public adulte et adepte du style de cet artiste qui a illustré, on le sait, la Salomé [39] d’Oscar Wilde.

Les rééditions se font véritables produits de luxe et se destinent par là même à une réception moindre - en nombre s’entend -, mais choisie, composée, pour reprendre les termes d’Anatole France, de « bibliophiles » et « d’artistes ». Quant aux récits modernes, ils suivent la même logique, ainsi Lewis Carroll est un exemple édifiant du soin que les auteurs portent alors à la facture de leurs ouvrages. En effet, la genèse des Aventures d’Alice au pays des merveilles, que retrace Jean Gattégno aidé du journal de Carroll lui-même, montre qu’après avoir imaginé les aventures de l’enfant pour les conter lors de promenades en barque à trois petites filles, l’une d’entre elles, Alice Liddell, lui demande de les mettre sur papier. Une fois l’entreprise achevée, Carroll remet un exemplaire à quelques-uns de ses amis, qui l’encouragent à publier son récit. Toutefois, tous lui conseillent d’abandonner les dessins qu’il a réalisés pour illustrer son conte, trop puérils selon John Ruskin, et indignes d’un ouvrage imprimé [40] . C’est alors que le 25 janvier 1864, un ami dramaturge, Tom Taylor, lui fait rencontrer John Tenniel. Peintre avant tout, puisqu’il a réalisé une fresque représentant Sainte Cécile. Dès la confection des livres, Carroll se montre très scrupuleux, comme le relate Jean Gattégno :

Tout au long du processus de fabrication, Carroll se montre un auteur vigilant (il le restera toute sa vie), et propose même à Macmillan un format spécifique, auquel il accepte finalement de renoncer... Les choses vont relativement vite, puisque le livre - dont Macmillan, sur la proposition de Carroll, envisageait la publication pour le 1er avril 1865 - est prêt en juillet, et que Carroll fait une séance de signature le 15. Tout se gâte, hélas ! du fait de Tenniel, qui est « très mécontent de l’impression des illustrations ». Carroll, après être allé se rendre compte lui-même des problèmes de clichage, décide de refaire le tirage en conservant, à tout hasard, les 2000 exemplaires tirés. Mais, respectueux de ses lecteurs, il écrit à tous les destinataires des exemplaires dédicacés en les priant de lui retourner un exemplaire dont « les illustrations sont si mal réalisées ». Un deuxième tirage est décidé en août, achevé en novembre, « de très loin supérieur à l’ancien ; c’est pour tout dire un excellent spécimen d’impression d’art », affirme Carroll.

Que faire des 2000 exemplaires – ou plutôt 1952, à en croire Macmillan - rejetés ? Carroll les avait d’abord promis au pilon ; providentiellement, un éditeur américain propose, en avril 1866, de les racheter. Carroll et Tenniel, jugeant sans doute que les Américains, spécialistes alors des publications non autorisées, donc d’éditions de qualités inégales, se satisferont de ce que les Anglais jugeraient inacceptable, autorisent Macmillan à réaliser l’opération. Ces exemplaires sont encore en feuilles, et les 1000 premiers sont reliés en Grande-Bretagne, puis mis en vente aux Etats-Unis la même année, tandis que les 952 qui restent seront reliés aux Etats-Unis pour paraître également en 1866. [41]

La qualité de l’édition est donc importante pour Lewis Carroll qui ne la dissocie pas de la qualité de l’illustration, puisqu’il n’hésite pas à relancer un second tirage des Aventures d’Alice au pays des merveilles, jugeant le rendu des dessins de Tenniel trop fade lors de la première diffusion. On comprend alors qu’il place l’image sur le même plan que le texte dans ses œuvres ; en outre, il se félicite de ce second tirage qui représente un « excellent spécimen d’impression d’art ». [42] Mort en 1898, on peut supposer que Carroll aurait été comblé par l’édition Heinemann parue à Londres en 1907 avec les aquarelles d’Arthur Rackham, qui lui aussi, a succombé aux charmes des chimères et qui a entrepris d’illustrer de nombreux contes de fées.

Le cas du recueil d’Oscar Wilde, publié à Londres en 1891 chez James R. Osgood, McIlvaine & Co., et intitulé The House of Pomegranates, mérite que l’on s’y arrête un instant. En effet, A.J. Farmer souligne dans son étude sur Le Mouvement esthétique et « décadent » en Angleterre, que « la présentation matérielle du livre est remarquable », et il s’explique en ces termes :

Sous sa couverture luxueuse, imprimé avec un soin particulier, illustré de vignettes de deux artistes déjà renommés, Charles Shannon et Charles Ricketts, il est le premier de ces « livres d’art » où s’affirme le renouveau esthétique de la fin du siècle. [43]

Tout suggère le luxe dans la facture du recueil, jusqu’au titre, qui, comme le constate François Dupuigrenet Desroussilles, aurait été suggéré à Wilde « par l’amoncellement des grenades sur la table qu’il avait coutume d’occuper dans un salon de thé à la mode (chez Willy) où l’on dégustait principalement des gâteaux au miel et des grenades », car « par sa rougeur sanguinolente et la façon dont la multitude généreuse de ses grains, mûrs, le font se fendre et éclater, ce fruit est, pour Wilde, un synonyme de luxe et de sensualité ». [44] Cependant, Une Maison de grenades, n’eut pas le succès escompté en librairie du fait de son prix élevé, et dix ans après sa parution, les luxueux recueils invendus furent soldés pour quelques shillings… Car c’est bien là l’écueil d’une telle démarche, et tous ces recueils risquent de passer directement des rouleaux de l’édition aux étagères calfeutrées de quelques amateurs, oubliant de séduire un public plus conséquent qui assurerait, et la prospérité, et la postérité des conteurs. Finalement, le conteur, qui a déjà perdu son auditoire en même temps que son oralité lors de l’apparition du conte de fées littéraire, perd désormais son lectorat puisqu’au mieux, il destine ses textes au petit nombre d’artistes qui saura l’entendre… C’est un peu comme si l’aède d’antan avait chuchoté, susurré même, ses récits merveilleux. L’auditoire, fatigué de tendre l’oreille pour percevoir des mots à peine audibles, se serait certainement lassé des aventures contées, et la fabuleuse Odyssée d’Ulysse, par exemple, serait certainement aujourd’hui inconnue de tous… Mais le conteur décadent, assurément, n’écrit pas pour être reconnu, et c’est même une satisfaction supplémentaire, voire un trait de snobisme, que de ne se savoir compris que par une poignée de personnes.

En définitive, plus que jamais, dans ces conditions, le conte de fées fin-de-siècle rime avec quintessence. En effet, si la forme brève était déjà une réalisation de l’écriture purifiée, libérée, par exemple, du « stupide délaiement du roman » [45] , elle est renforcée dans cette image de « suc concret », pour reprendre les termes de des Esseintes, « d’osmazôme » [46] de la littérature, puisqu’elle se destine à l’élite. Cependant, la fin de l’histoire se devine aisément, car à trop rechercher la quintessence, les conteurs vont mener leurs œuvres dans les affres de l’évanescence. En effet, privé d’un lectorat conséquent, et singularisé par l’étiquette « décadent », le conte de fées de la fin du XIXème siècle va subir le même destin que ses créateurs et plus que jamais la bibliothèque qui renferme ces œuvres leur servira de tombeau.

Ainsi, souhaiter retrouver ces textes bien souvent oubliés, amène le chercheur à pousser la porte d’une bibliothèque aux allures confinées de boudoir capitonné d’un pourpre à peine visible, car dissimulé derrière une multitude de livres poussiéreux. S’échappant des pages jaunies, fées et génies agonisants jonchent les rayonnages. On se la représente facilement sans fenêtre, abritant une atmosphère sombre, alourdie par des parfums rares « de canelle, de spicpectre et de serpolet » [47] , mêlés aux odeurs des reliures ; une atmosphère angoissante car rythmée par les frémissements réguliers et incessants des balanciers d’horloges centenaires, des tics-tacs de petites montres, dont une, à la forme de petite tête de mort sculptée dans l’ivoire, aura été oubliée là par Andréa Sperelli, « l’enfant de volupté » de Gabriele D’Annunzio [48] ; tous témoins du temps qui passe et qui emportera dans sa course et dans l’oubli, à la fois les conteurs, leurs œuvres et leur siècle. Ainsi, à l’entrée de cette bibliothèque fin-de-siècle où le nombre exacerbe l’impuissance ressentie par les auteurs et ouvre les voies de la perversion, où la promiscuité permet l’amalgame, et où la conservation sert une bibliophilie à outrance, pourrait être gravée l’inscription « Ci gît le conte de fées décadent ». Pénétrer dans cet écrin en forme de tombeau plonge son visiteur au pays des merveilles, mais quelles merveilles !

Notes

  • [1]

    Pour avoir un aperçu de la féerie en peinture et en images à la fin du XIXème siècle, on pourra consulter l’ouvrage de P. Jullian, Esthètes et Magiciens, l’art fin-de-siècle, Paris, Perrin, 1969.

  • [2]

    Nous aurions également pu citer G. Hauptmann et sa Griselda en 1909, E. Leterrier et A. Vanloo pour Le Petit Poucet en 1868, R. de Najac avec Barbe-Bleuette en 1890, ou encore J. Richepin pour La Belle au Bois dormant en 1908.

  • [3]

    Pour plus de détails sur ce qui aura mené les auteurs fin-de-siècle sur les voies du conte de fées, cf. N Chatelain, Le Conte de fées en Europe à la fin du XIXème siècle. Naissance, essence et déliquescence du conte de fées fin-de-siècle, Thèse de Doctorat, Nancy 2, 2005.

  • [4]

    C. Mendès, Nouveaux contes de jadis, Paris, Ollendorff, 1893.

  • [5]

    Ce livre apparaît par trois fois dans le roman : O. Wilde, Le Portrait de Dorian Gray, in Œuvres, Paris, Gallimard, « La Pléiade », 1996, pp. 367, 468 et 556.

  • [6]

    J. de Palacio, « Réalité et métaphore de la bibliothèque de Sénac de Meilhan à des Esseintes », in Figures et formes de la décadence, vol.2, Paris, Séguier, 2000, pp. 251-252..

  • [7]

    M. Schwob, « La Perversité », in Spicilège, Paris, Mercure de France, 1960, p. 140.

  • [8]

    T. de Wyzewa, « D’un avenir possible pour notre chère littérature française », in Mercure de France, juillet 1893, p. 194.

  • [9]

    J. de Palacio, Les Perversions du merveilleux, Séguier, 1993, p. 23.

  • [10]

    J. de Palacio, « Réalité et Métaphore de la bibliothèque de Sénac de Meilhan à des Esseintes », op.cit., pp. 262-263.

  • [11]

    J. de Palacio, Figures et formes de la décadence, vol.1, Paris, Séguier, 1994, p. 16.

  • [12]

    B. Bettelheim, Psychanalyse des contes de fées, Paris, Laffont, « Pluriel », 1979, p. 23.

  • [13]

    L. Carroll, Alice’s Adventures in Wonderland, Londres, Macmillan, 1865 ; Through the Looking Glass, and What Alice Found There, Londres, Macmillan, 1871 ; H. Von Hofmannsthal, La Femme sans ombre, Paris, Verdier, 1992 ; R. de Gourmont, Le Pèlerin du silence, Paris, Mercure de France, 1895.

  • [14]

    Citons par exemple son Riquet à la Houppe, Paris, Charpentier, 1884.

  • [15]

    Lire par exemple, C. Mendès, Les Mots perdus, in Les Oiseaux bleus, Paris, Séguier, « Bibliothèque décadente », 1993, p. 144, ou Th. de Banville, Un Début littéraire, in Contes féeriques, Paris, Charpentier, 1882, p. 451.

  • [16]

    Notamment chez Carroll qui met en scène Twideuldeume et Twideuldie, ainsi qu’Heumpty Deumpty dans les aventures d’Alice : De l’Autre côté du miroir, et ce qu’Alice y trouva, texte traduit par H. Parisot, in Œuvres, Paris, Gallimard, « La Pléiade », 1990, pp. 289 et 312.

  • [17]

    J. de Palacio, Les Perversions du merveilleux, op.cit., p. 42.

  • [18]

    J. M. Schaeffer, « Genres littéraires », in Dictionnaire des genres et notions littéraires, Paris, Albin Michel, 1997, p. 339.

  • [19]

    C. Mendès, Les Oiseaux bleus, op.cit.

  • [20]

    L. Carroll, Sylvie et Bruno, traduction en Français de Fanny Deleuze, in Œuvres, op.cit., p. 401.

  • [21]

    W. M. Thackeray, La Rose et la bague, traduction de M.J. Arnaud et préface de S. Monod, Paris, Hoëbeke, « Bibliothèque Elfique », 2000.

  • [22]

    Ibid., préface de S. Monod, p. 12.

  • [23]

    C. Mendès, Les Traîtrises de Puck, in Les Oiseaux bleus, op.cit., p. 210.

  • [24]

    Les Larmes sur l’épée, ibid., p. 219.

  • [25]

    Le Chemin du paradis, ibid., p. 96.

  • [26]

    J. de Palacio, Les Perversions du merveilleux, op.cit., p. 54.

  • [27]

    L. Harf-Lancner, Les Fées au Moyen-Âge, Morgane et Mélusine, la naissance des fées, Paris, H. Champion, « Nouvelle Bibliothèque du Moyen Âge », 1984, p. 9.

  • [28]

    C. Mendès, Les Trois Bonnes fées, in Les Oiseaux bleus, op.cit., p. 160.

  • [29]

    Pour plus de détails sur la mythologie traitée par les décadents, lire A. Montandon (sous la dir. de), Mythes de la décadence, Clermont-Ferrand, P.U. Blaise Pascal, 2001 ; et J. Pierrot, L’Imaginaire décadent, Paris, PUF, 1977.

  • [30]

    A. France, La Bibliothèque de Suzanne, in Le Livre de mon ami, Paris, Calman-Lévy, 1885, p. 262.

  • [31]

    P. Jullian, Esthètes et magiciens, op.cit., pp. 71-72.

  • [32]

    F. Lacassin, Si les Fées m’étaient contées, Paris, Omnibus, 2003, p. XVI.

  • [33]

    Catalogue de l’exposition « Par des Contes d’Ogre et de Fée », 2003., p. 38, note 25. Pour avoir un aperçu du résultat de cette technique, voir en annexe une reproduction de l’Histoire de Peau d’âne, imprimée par Thomas et Roy à Metz en 1864.

  • [34]

    O. Piffault, « Editer la féerie : postérité et concurrents du Cabinet des fées », in Il Etait une fois les contes de fées, catalogue de l’exposition, Paris, Seuil / BNF, 2001, p. 143.

  • [35]

    C. Picaud, « L’illustration du conte de fées », ibid., p. 155.

  • [36]

    Citée par C. Picaud, ibid., p. 161.

  • [37]

    Cité par C. Picaud, ibid., p. 162.

  • [38]

    E. Dal, Un Livre sur le poète danois H.C. Andersen, sa vie et son œuvre, Copenhague, Det Berlingske Bogtrykkeri, 1955, p. 172. Sur le rapport entre le texte et l’image, notamment dans le domaine du conte de fées, voir Romantisme, « Le conte et l’image », n°78, 1992, et plus précisément l’article de C. Velay-Vallantin, « Barbe-Bleue : le dit, l’écrit, le représenté », pp. 75-89. Elle y rappelle que Perrault n’a jamais précisé la condition sociale exacte du personnage principal de son récit, et que ce sont les illustrations successives du conte qui amorcent un « processus de seigneuralisation de Barbe-Bleue » en le représentant comme un riche châtelain. «  Jusqu’à nos jours, remarque l’auteur, l’image élue a décidé de notre lecture ». Par cet exemple précis du rôle de l’illustration sur l’interprétation du texte de Barbe-Bleue, on comprend bien que l’œuvre de l’illustrateur dépasse le simple rôle décoratif. Sur l’illustration et ses rôles en général, on peut se reporter aux ouvrages de M. T. Caracciolo et S. Le Men, L’Illustration, essais d’iconographie, Paris, Klincksieck, 2000 ; R. Palmer et T. Frangenberg, The rise of the image : essays on the history of the illustrated art book, Aldershot, Burlington, 2003.

  • [39]

    O. Wilde, Salome, London, Creation Books, 1996.

  • [40]

    J. Gattégno, « L’image et le mot », in introduction aux Œuvres de Lewis Carroll, op.cit., p. LXXI.

  • [41]

    J. Gattégno, notice pour Les Aventures d’Alice au pays des merveilles, in L. Carroll, Œuvres, op.cit., p. 1647.

  • [42]

    L. Carroll, « Journal », 9 novembre, in Œuvres, op.cit., p. 1051.

  • [43]

    A. J. Farmer, Le Mouvement esthétique et « décadent » en Angleterre, 1873-1900, Paris, Honoré Champion, 1931, p. 210.

  • [44]

    F. Dupuigren et Desroussilles, notice d’Une Maison de grenades, in O. Wilde, Œuvres, Paris, Gallimard, « La Pléiade », 1996, p. 1645.

  • [45]

    Villiers de L’Isle-Adam considérait que « sauf accident, un roman n’est qu’un conte stupidement délayé », cité par M. Raimond, in La Crise du roman des lendemains du naturalisme aux années 20, Paris, José Corti, 1966, p. 66.

  • [46]

    J.K. Huysmans, A Rebours, Paris, Folio, « Classique », 1996, p. 320.

  • [47]

    J. Moréas, Cantilènes, cité par J. Plowert / Paul Adam, dans son Petit Glossaire pour servir à l’intelligence des auteurs décadents et symbolistes, University of Exeter Press, 1998.

  • [48]

    G. D’Annunzio, L’Enfant de volupté, traduit par G. Hérelle, Paris, Livre de Poche, 1991, p. 76 : « C’était une petite tête de mort, sculptée dans l’ivoire avec une extraordinaire puissance d’imitation anatomique. Chaque mâchoire portait une file de diamants, et deux rubis scintillaient au fond des orbites. Sur le front était gravée cette devise : Ruit hora ; et sur l’occiput cette autre Tibi, Hippolyta. Le crâne s’ouvrait comme une tabatière, bien que la commissure fût presque invisible. Le battement intérieur donnait au crâne minuscule une inexprimable apparence de vie. Ce joyau mortuaire, offrande d’un artiste mystérieux à son aimée, avait dû marquer les heures de l’ivresse et avertir par son symbole les âmes éprises. »

Biographie de l'auteur

Nathalie CHATELAIN

Elle a soutenu sa thèse à l’Université de Nancy-III en 2005 (dir. Françoise Susini-Anastopoulos) : « Le Conte de fées en Europe à la fin du XIXe siècle. Naissance, essence et déliquescence du conte de fées fin-de-siècle ».