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Shéhérazade, la boîte et le labyrinthe - L'influence de la bibliothèque des Nuits chez Salim Bachi

ARTICLE

Raconte une histoire ou je te tue ; principe suprême de la série des Mille et une nuits, principe de récit comme séduction absolue : tel sera notre motif d’écriture, l’axe de notre jouissance narrative.
Abdelkader Khatibi,
De la Mille et deuxième nuit

Corps-récit immémorial, Shéhérazade est conçue par l’écrivain marocain Khatibi au niveau purement théorique : « nul besoin de l’imaginer comme corps réel, nul besoin de reconstruire cet Orient de pacotille » [1] . Elle devient ainsi la théorie fastueuse du récit, le principe du conte comme séduction absolue, principe de la littérature tout court. À l’instar de Khatibi, dans notre étude, nous concevons Shéhérazade à un niveau strictement théorique, comme principe narratif suprême, principe d’une bibliothèque imagée et imaginée qui se construit au fur et à mesure que sa narration avance. C’est à la lumière de ces dynamiques sous-jacentes que nous nous proposons d’explorer l’influence de la bibliothèque de Shéhérazade sur l’œuvre de l’écrivain algérien francophone Salim Bachi, qui a su exploiter les récits des Nuits comme un véritable laboratoire scripturaire. [2]

Shéhérazade et la boîte

Comme Borges le souligne [3] , l’Occident se plaît à redécouvrir de temps à autre l’Orient, dont l’un des mythes les plus répandus est sans doute celui des Mille et une Nuits (Alf laylah wa laylah) qui rassemblent l’histoire de la civilisation arabo-musulmane classique en y ajoutant les acquis des civilisations voisines et la mémoire de civilisations disparues, en y introduisant également « un air nouveau qui est celui de l’imagination sans limites » [4] . La traduction des contes des Nuits par Antoine Galland au début du XVIIIe siècle est en partie responsable du développement de l’Orientalisme en France [5] . Par son recours au merveilleux ('ajîba) et à l’extraordinaire (gharîba), mais surtout grâce à l’engouement qu’elle provoqua pour cette partie du globe terrestre encore largement inconnue, où imaginaire et exotisme se fondaient, le recueil connut un succès immédiat. Comme Jamel E. Bencheikh le souligne dans son essai Les Mille et une nuits ou la parole prisonnière [6] , il y a pourtant un autre élément envoûtant dans les Nuits, à savoir sa construction emboîtée, d’après la technique narrative d’un récit-cadre  boulimique – l’histoire de la trahison de la femme du roi Shâhriyâr – dans lequel se glissent progressivement les autres récits. L’emploi de cette « boîte » initiale n’est pas un choix anodin, un acte sans importance. Récipient à la structure géométrique, qui met en jeu le contenant ainsi que le contenu, la boîte déploie un monde de significations multiples. En effet, la structure de tout récit emboîté est fatalement très réfléchie et la boîte, parallélépipède parfait, renvoie nécessairement aux mathématiques, à une construction cartésienne de l’espace. À l’instar de la bibliothèque, le livre même est, par sa forme, une boîte, au sens aussi bien physique que figuré. La bibliothèque-boîte de Shéhérazade est donc le lieu dépositaire d’une double tendance, qui se fraie un chemin au carrefour de l’Orient et de l’Occident : d’une part, elle est une construction parfaitement géométrique et cartésienne ; de l’autre, elle est un récipient contenant une théorie flamboyante de récits fabuleux, lesquels, enchâssés d’une façon très rigoureuse, s’ouvrent en même temps à la créativité, à l’imagination, au merveilleux. [7]

Ces différents éléments semblent être repris, quoique avec des enjeux et des implications différents, dans l’œuvre de Salim Bachi, notamment dans son deuxième roman, La Kahéna. Développé dans l’interstice entre le sommeil et la veille, entre le jour et la nuit, dans une poche d’ombre magique entre la fiction et la réalité, le roman de Bachi exploite la technique de l’emboîtement, de l’enchâssement et de l’auto-enchâssement. Conteur talentueux, telle une Shéhérazade au masculin, Hamid Kaïm, protagoniste du roman, déroule devant son amante, pendant trois nuits, les histoires légendaires qui ont hanté la vieille villa de ses parents. Dès l’incipit, le roman prend les allures d’un conte merveilleux où les références aux Mille et Une nuits se multiplient, aussi bien à partir du « récipient », voire de la structure de la bibliothèque mythique de Shéhérazade, par sa construction emboîtée, ici charpentée en trois « nuits » ; que du point de vue du contenu, soit un ensemble de récits où l’appel du merveilleux, de la sensualité et de l’aventure se fait entendre dans les multiples références aux motifs récurrents de l'hypotexte comme les sorcières, les cavaliers arabes décapités, les cartomanciennes, les génies, les fées et aux Beni Djer, peuple mythique et mystérieux, qui habitait la ville de Cyrtha avant la conquête de l’Algérie. Pendant qu’il raconte, Hamid Kaïm est décrit tel un mage, un djinn qui surgit de sa lampe (un autre exemple de récipient récurrent dans les Nuits), une odalisque alanguie sur son lit qui écoute sa propre voix s’élever pour ensuite se perdre telle une volute de fumée [8] . De nombreuses descriptions de Kaïm sont en effet déclinées au féminin, comme si l’auteur voulait évoquer continuellement une figure in absentia, celle de Shéhérazade, en traçant en même temps un lien entre le féminin et la capacité de raconter, comme s’il s’agissait d’un pouvoir dont les femmes étaient les premières dépositaires [9] . On assiste alors à un véritable renversement des rôles, qui fait dire à l’amante de Kaïm « Il me faisait l’effet d’une Shéhérazade de pacotille, et moi, femme, je devenais son roi, son amante au bras suspendu » [10] . Dessinées en filigrane, les occurrences des termes « rêve », « légende », « merveille » au cours des trois nuits de Bachi sont nombreuses et ne font que souligner une fois de plus l’influence des contes de Shéhérazade sur l’auteur, même si, dans le chaos bouleversant du monde arabe esquissé par Bachi, il ne s’agit plus que d’un souvenir lointain,  voire un rêve :

Il rêvait, je crois, porté par sa propension à enrober la réalité d’un voile propice au séjour de la parole. Le mythe prenait naissance dans sa bouche. Et les titans à cheval, qu’il parait de toutes les vertus, auraient pu tout aussi bien naître de ses dents plantées dans le rêve. [11]

Pourtant, le sentiment de déception de l’après-Boudiaf et la crise dans laquelle verse l’Algérie de La Kahéna ne saurait plus accorder de place au rêve. Les temps ont changé, et les modèles aussi. Dans son dernier roman, Autoportrait avec Grenade, Bachi constate avec désillusion :

Il me plaît de penser que les songes de Shéhérazade  ensevelissaient les cadavres, jetaient sur les massacres le voile intemporel et protecteur de l’imaginaire. Circé fit le même don à Ulysse. Il traversa les Enfers et revint parmi les vivants.
A nous, pauvres mortels, il reste la télévision. [12]

Transformée dans la télévision « des pauvres mortels », la boîte mythique du récit-cadre de Shéhérazade se transforme à son tour. À partir d’un décryptage des mythes ancestraux, Bachi amorce ainsi leur déconstruction [13] , en mettant à jour un processus de changement des modèles qui délaisse peu à peu l’Orient pour glisser vers l’Occident.

Chassé-croisé : de la bibliothèque au labyrinthe

Elément particulièrement tropique, la bibliothèque de Shéhérazade est un récipient, un réservoir, mais aussi un réceptacle, un miroir convexe qui reflète en abyme sa propre histoire, jusqu’à conduire Borges à imaginer la nuit centrale du recueil, dans laquelle Shéhérazade, par une distraction magique du copiste, raconte sa propre histoire « qui embrasse toutes les autres, qui – monstrueusement – s’embrasse elle-même » [14] . L’idée de l’infinité, évoquée par le titre même de l’ouvrage, qui rappelle par la finitude d’un numéro bien précis – 1001 – l’illimité, renvoie évidemment à plusieurs infinis possibles : celui des contes emboîtés dans la bibliothèque imaginée, ainsi que celui du langage qui exprime, par un nombre limité de signes, des significations illimitées [15] . Par ailleurs, l’infini dédaléen de la bibliothèque de Shéhérazade évoque également l’image du labyrinthe. Dans son essai Il labirinto tra Medioevo e Rinascimento [16] , Umberto Eco concentre en effet sa réflexion sur trois des métaphores les plus anciennes, puissantes et omniprésentes dans la littérature, remettant sans cesse en cause l’identité de l’homme et sa représentation de la réalité. La première envisage le monde comme un livre, la deuxième le livre comme un monde, et la troisième le monde – et le livre – comme un labyrinthe. Pour Borges, cette troisième métaphore est une évidence et la coïncidence entre livre et labyrinthe s'avère totale : « Ts’ui Pên diría una vez : Me retiro a escribir un libro. Y otra : Me retiro a construir un laberinto. Todos imaginaron dos obras ; nadie pensó que libro y laberinto eran un solo objeto. » [17] [Ts’ui Pen a dû dire un jour : Je me retire pour écrire un livre. Et un autre : Je me retire pour construire un labyrinthe. Tout le monde imagina qu’il y avait deux ouvrages. Personne ne pensa que le livre et le labyrinthe étaient un seul objet.]

Icône du monde maghrébin pour certains, mythe archétypal de la tradition grecque occidentale pour d’autres [18] , le labyrinthe se constitue comme leitmotiv symbolique entre Orient et Occident, et son image revient sans cesse dans plusieurs romans majeurs de la littérature francophone maghrébine [19] . Traditionnellement, l’image du labyrinthe renvoie à celle de la forêt intriquée, sans issues, dans laquelle le voyageur désorienté a failli se perdre. Dans le cas du plus ancien archétype de labyrinthe, défini par Rosenstiehl [20] : « unicursal », qui pourrait être envisagé telle une corde ou un serpent enroulé sur lui-même, la sensation d’être perdu au milieu d’un enchevêtrement inextricable est pourtant illusoire : pour sortir, il suffit en effet de suivre les courbes du corps du serpent. Bref, en dépit de sa complexité figurale, le labyrinthe unicursal, est un non-labyrinthe. Dans son essai, Eco souligne en effet le paradoxe du mythe de Thésée, qui n’avait aucun besoin du fil rouge d’Ariane pour sortir du labyrinthe de Cnossos, car le labyrinthe construit par Dédale était lui-même un fil d’Ariane [21] . D’après Eco, seule la présence d’un « Minotaure » peut rendre dangereux un tel labyrinthe, qui, par ses innombrables circonvolutions, ne représenterait donc pas la complexité, mais la fatalité. D’après la classification de Rosenstiehl, un autre modèle est pourtant possible : il s’agit du labyrinthe "arborescent", construit, pour utiliser des mots borgésiens, tel un jardin de sentiers qui bifurquent, à la manière des cours de l’époque de la Renaissance [22] . Si dans le cas du premier archétype de labyrinthe, le voyageur est obligé de poursuivre son chemin par la seule route possible, ce deuxième modèle à la structure binaire, ramifiée, dichotomique, lui octroie la possibilité de choisir son parcours à la fin de chaque branche de l’arbre, ainsi que le droit de revenir sur ses pas. Si la labyrinthologie donne au modèle unicursal la valeur métaphorique de la prédestination et de la fatalité, le labyrinthe arborescent représenterait donc au contraire le libre arbitre. Le troisième prototype de labyrinthe possible, est enfin constitué par le modèle "cyclomatique", qui se rattache de près au concept de rhizome défini par Deleuze et Guattari [23] . À la différence du deuxième archétype, ce labyrinthe présente une structure non plus en arbre mais en réseau, permettant la possibilité des passages transversaux d’une branche à l’autre, ce qui détermine la création de nœuds, ou îles, où l’on peut tourner de façon cyclique [24] . Par ces particularités, ce troisième modèle représente le labyrinthe où l’on se perd, à moins de laisser une trace de son passage qui permettra ensuite la reconstruction de son parcours.

Les livres-labyrinthes : du modèle unicursal au livre cubique

En suivant la séduisante hypothèse envisagée par Eco qui lie intimement livres et labyrinthes, on pourrait affirmer qu’à chaque représentation archétypale de labyrinthe correspond un modèle de livre possible. Si l’on utilise la métaphore analysée par Eco à la manière d'une grille interprétative, les textes-labyrinthes « unicursaux », à structure linéaire, seraient donc ceux qui n’actualisent pas la possibilité de liens réticulaires, soit les récits « traditionnels », dans lesquels fabula et intrigue se confondent. En poussant à l’extrême ce propos, on pourrait donc affirmer que toutes les formes de contamination entre genres, discours et formes littéraires, à tous les niveaux (narratif, thématique, stylistique et langagier) créent des labyrinthes, dans lesquels se fait jour une nouvelle approche de l’écriture où les distinctions classiques entre fabula et intrigue disparaissent pour fusionner et créer du nouveau. On pourrait affirmer au préalable que Bachi n’accepte pas les règles génériques traditionnelles et qu’il ne dessine donc jamais de labyrinthes linéaires. Dans ses deux premiers romans, il fait un large usage des flash-back ainsi que des digressions, qui montrent le désir de l’auteur d’explorer des sentiers qui bifurquent, des univers parallèles, terres inconnues encore inexplorées.

L’abandon des livres-labyrinthes unicursaux nous conduit à réfléchir sur le deuxième type de livre-labyrinthe, celui qui répond au modèle arborescent, dont les représentations les plus évidentes se trouvent dans le decision novel, ou récits « à bifurcation », qui trouve un écho commercial dans les game-books [25] . Quoique ce modèle appartienne notamment à la paralittérature, il serait pourtant réducteur de considérer ce type de roman comme un stérile jeu paralittéraire : la technique du récit à bifurcation implique en fait l’identification des séquences narratologiques, ce qui ne peut se faire qu’avec une forte conscience d’analyse de matrice proppienne. La preuve en est que l’on trouve des exemples de decision novel même chez de grands auteurs, on pense aux expériences de Diderot [26] , Sterne [27] , Queneau [28] , Eco [29] et Calvino, dont le roman Il castello dei destini incrociati [30] aussi bien que Se una notte d’inverno un viaggiatore [31] pourraient être qualifiés d’hyper-romans [32] . On est obligé de penser à ce que François Le Lionnais a défini comme « Littérature combinatoire ». La formule, créée pour décrire l’œuvre de Queneau, se réfère en fait à un ensemble de pratiques littéraires qui ne visent plus à figer la séquence des parties du texte, en invitant au contraire à leur recombinaison, de sorte que l’œuvre est « jouée » plutôt que « lue » et que les règles du protocole de lecture sont renégociées. Ce jeu de l’écriture délègue donc au lecteur une partie de la fonction auctoriale, telle une mosaïque dont les tesselles peuvent être assemblées de façon différente, selon « les règles du jeu » indiquées toutefois par l’auteur, qui détermine toujours les lignes de la partition à suivre. Si l’on ne peut trouver de véritables decision novels dans la bibliothèque de notre corpus, on repère pourtant des éléments qui ponctuent la narration et qui peuvent figurer telles des bifurcations littéraires, des carrefours narratifs qui dépassent le limen des romans « traditionnels » en en transgressant les règles. Dans le pillage interdiscursif auquel il se livre de la « bibliothèque de Shéhérazade », Bachi abandonne la structure linéaire au profit de la multiplication des instances narratives, des analepses et des prolepses, de l’hétérogénéité énonciative, ce qui engendre l’« étrange pouvoir » du conteur :

Une magie ancienne permettait à Hamid Kaïm de conjurer la misère. Il avait beau malmener la réalité, altérer les faits, ne respecter aucune chronologie, je ne pouvais me soustraire à son étrange pouvoir. [33]

Dans son exploitation de la « bibliothèque », Bachi mélange carrément les genres littéraires, insérant dans la boîte de La Kahéna des carnets de voyages, des chansons et des journaux intimes, et dans celle d’Autoportrait avec Grenade des poèmes, des citations, des lettres, des entretiens entre l’éditeur et l’auteur lui-même, qui font avancer peu à peu l’histoire. Mais c’est surtout dans son dernier roman que Bachi se sert d’enjeux métafictionnels très sophistiqués qui remettent en cause les rôles des actants dans le procès de communication littéraire. Dans un métissage discursif métafictionnel, aussi bien endogène (commentaires intratextuels, autocitations) qu’exogène (renvois à des références intertextuelles), Bachi explore toutes les possibilités de la métafiction, en faisant son entrée dans sa propre bibliothèque, en dialoguant avec ses personnages fictifs, en apparaissant dans la boîte de son monde fictionnel conçue parfois tel un écran, agissant sur la scène du roman presque comme sur un plateau [34] . Par ce tressage de métatexte et de fiction, qui démultiplie la réflexivité du texte, Bachi ouvre en quelque sorte les portes secrètes de son atelier romanesque, en convoquant le lecteur sur la scène du texte, stimulant son attention et le forçant à jouer un rôle actif dans la (re)création du livre.

Au-delà du clin d’œil aux game-books, ce qui est à retenir est le fait que ce deuxième modèle de livre-labyrinthe donne seulement en apparence au lecteur la possibilité du choix à l’intérieur de la bibliothèque, car, parmi toutes les bifurcations possibles, une seule conduit à la sortie, les autres étant des impasses. Si une seule solution correcte convient, sortir de la bibliothèque-labyrinthe signifie donc attribuer l’interprétation exacte au livre : celle prévue par l’auteur.

Cela ne se vérifie pas dans le cas du troisième archétype textuel, celui du labyrinthe cyclomatique. Ce modèle serait représenté littérairement par les hypertextes virtuels, qui se caractérisent par une totale déstructuration de la composition narrative, ainsi que par le manque d’un ordre hiérarchique et d’un fil rouge à suivre [35] . En effet, l’enregistrement sur mémoire numérique permet une lecture non-linéaire du texte : à partir de toute unité, appelée "nœud", on peut accéder directement aux autres par des liens, ou links, selon les désirs du lecteur. Outre le manque de continuité séquentielle, la structure hypertextuelle se caractérise donc par une organisation réticulaire des unités textuelles, dans laquelle le concept de « page précédente » et « page suivante » devient caduque, ainsi que le concept de « page » tout court. Du point de vue de l’interprétation, ce modèle prévoit la possibilité d’effectuer des lectures infinies, dont il est possible de garder une trace numérique, qui, tel le fil rouge d’Ariane, permet de reconstruire son parcours à l’intérieur du « labyrinthe » textuel. La possibilité de décider l’organisation du texte montre de façon évidente la labilité de la distinction entre les deux acteurs principaux du processus de communication littéraire, auteur et lecteur, étant donnée la possibilité de ce dernier de choisir son parcours, ainsi que de modifier, dans certains cas, le texte. On pourrait affirmer que l’hypertexte pousse à l’extrême la théorie barthienne qui faisait des lecteurs des scripteurs, en rendant totalement explicite la renégociation des places des acteurs au sein de la communication littéraire, qui semblait figée par le support papier. Écrit sur support magnétique, l’hypertexte n’est jamais définitif, mais peut être élargi grâce à de nouveaux éléments, même multimédia, tels des morceaux musicaux ou des images. L’absence de support papier compote cependant quelques aspects négatifs, dont le plus important est sans doute le caractère éphémère du texte :

L’hypertexte est à comprendre ici non comme la stricte représentation alphabétique d’un texte cliquable mais comme une co-existence de signes linguistiques et de signes iconiques se matérialisant de façon éphémère sur un espace d’expression qui est l’écran. J’insiste ici sur le terme éphémère car la dimension temporelle de l’affichage est très importante puisque l’auteur peut tenter de la maîtriser sans jamais y parvenir tout à fait (cf. Philippe Bootz et l’esthétique de la frustration). Au contraire, le support papier fixe l’état d’un texte à la survie matérielle de la feuille imprimée. [36]

S’inspirant du concept de rhizome de Deleuze et Guattari, plusieurs auteurs ont proposé l’hypothèse que la modalité hypertextuelle d’organisation de l’information, qui fonctionne tel un réseau sémantique, soit la modalité même de la pensée, conçue tel un système de ralliement entre plateaux, ce qui anticipe théoriquement la création matérielle d’un hypertexte numérique. Il serait donc impossible de trouver des exemples sur papier de ce modèle, car l’hypertexte réticulaire n’est rendu possible que par le support magnétique, en trois dimensions. On peut toutefois noter ans l'ensemble des romans de Bachi une déclaration d’insatisfaction, plus au moins voilée, relativement à la conception purement bi-dimensionnelle du livre, dans lequel l’auteur cherche toujours à creuser une troisième dimension, ne se contentant pas de phagocyter de façon magistrale un genre allogène, issu de la tradition occidentale, tel que le roman. [37]

Dans Sèméiôtikè, Julia Kristeva considère l’intertextualité comme une véritable dynamique textuelle et Bakhtine en a bien mis en relief le potentiel dialogique, ensuite appliqué par Charles Bonn au roman algérien : le texte ne se réfère pas seulement à la chaîne des écrits qui le précèdent, mais aussi à l’ensemble des discours qui l’environnent. Pour sa part, Calvino a avancé une définition du "roman rhizomatique" « come enciclopedia, come metodo di conoscenza, e soprattutto come rete di connessione tra i fatti, tra le persone, tra le cose del mondo. » [38] En recyclant l’image de la boîte traitée ci-dessus, on parvient donc à une nouvelle conception du roman, voire du livre, qui ne serait plus bidimensionnel mais tridimensionnel, voire cubique.  Manganelli écrit à ce propos :

Ora, se il libro è cubico, e dunque a tre dimensioni, esso è percorribile non solo secondo il sentiero delle parole sulla pagina, coatto e grammaticalmente garantito, ma secondo altri itinerari... Un libro, rettamente inteso nella sua mappa cubica, diventa così minutamente infinito da proporsi, distrattamente, come comprensivo di tutti i possibili libri paralleli, che in conclusione finiscono per essere tutti i libri possibili. è chiaro, dunque, che sarebbe gretto tentare di dar le misure di codesto cubo leggibile dall'interno, o di uno qualsiasi dei libri paralleli che vi si acquattano. [Or, si le livre est cubique, et il a donc trois dimensions, on peut le parcourir non seulement selon le chemin grammaticalement garanti par les mots sur la page, mais selon d’autres itinéraires… Entendu dans son plan cubique, un livre devient si minutieusement infini qu’il peut être considéré, rêveusement, comme compréhensif de tous les livres parallèles possibles, devenant enfin tous les livres possibles.] [39]

L’écriture hypertextuelle pourrait-elle devenir la meilleure représentation de cette recherche de cette troisième dimension ? Jean Clément a avancé à ce sujet une hypothèse intéressante sur l’hybridation des genres en mettant en cause le concept de « transmutation poétique du récit », soulignant que « l’hypertexte libère les séquences narratives de leur asservissement à la grammaire du récit traditionnel pour les faire entrer dans l’espace multidimensionnel d’une structure entièrement neuve et ouverte. » [40] La navigation Internet se caractérisant par une lecture faite de l’activation de liens sémantiques, l’hypertexte se compose de textes à emboîtements multiples, qui semblent reprendre, tout en le modifiant, en l’amplifiant et en multipliant son potentiel dialogique, le principe de la boîte, de récits en cascade en « poupées russes » des Nuits. [41]

S’il n’est pas possible de repérer des exemples d’hypertexte réticulaire dans les livres traditionnels, on ne peut pourtant négliger les quelques éléments narratifs et stylistiques qui transgressent la linéarité imposée par le support en papier, soit par la dissémination d’éléments métanarratifs, soit par la création de passages autoréflexifs, qui projettent la théorie au sein de la fiction. Les romans de Bachi, qui s’inscrivent tous dans le même univers fictionnel, structurés comme une sorte de triptyque consacré à la problématique algérienne, peuvent aussi être lus comme un hypertexte interne, dont les links seraient constitués par la récurrence des personnages fictifs et des villes - pas moins protagonistes que les personnages - ainsi que par les auto-citations, qui ne font qu’augmenter le phénomène de réverbération intra et intertextuelle. On ne peut enfin négliger les éléments que l’on retrouve dans l'enchevêtrement des messages non-séquentiels et des événements communicatifs médiatiques dispersés qui entourent le texte, et qui le transforment, parfois malgré lui, en hypertexte.

La métaphore du livre-labyrinthe nous conduit enfin à réfléchir sur l’interprétation, sur le réseau complexe de rapports qu’entretient le texte avec son auteur et son lecteur, voire sur la position de ce dernier dans les textes. Relativement à l’interprétation, on peut considérer que le labyrinthe cyclomatique représente l’absence d’une réponse univoque, avançant l’attribution d’une infinité de sens possibles ; tout livre serait alors un parcours avec son cheminement, ses étapes, ses digressions, ses raccourcis, sa vitesse, son rythme, sa destination, et l’acte de lecture seulement un des parcours possibles prévus par le texte. Contrairement au labyrinthe unicursal ou arborescent, ce troisième modèle souligne donc l’importance extrême du lecteur dans le protocole de lecture. En effet, Bachi semble conscient de l’importance du lecteur dans les dynamiques de « recréation » du texte littéraire (qui n’est pas une "décodification" passive, comme le démontre,  entre autres, Umberto Eco dans son essai Lector in Fabula [42] ) accordant ainsi un très grand intérêt à la position de lecture, et au phénomène de création et d’interprétation littéraire tout court, situant l’auteur lui-même dans la dimension « écriture/lecture », comme s’il lisait son œuvre « par dessus son épaule » [43] . Le résultat est une narration qui s’offre au narrataire sous un double regard, comme s’il s’agissait d’un livre écrit aussi bien au recto qu’au verso, sachant que le niveau de la critique s’entremêle à celui de la narration. Une conception du roman qui veut dépasser sa dimension « bidimensionnelle », sous le signe de la multiplication des instances narratives, comme l’explique Calvino dans la dernière de ses Leçons américaines, consacrée précisément à la Multiplicité :

Qualcuno potrà obiettare che più l’opera tende alla moltiplicazione dei possibili più s'allontana da quell'unicum che è il self di chi scrive, la sincerità interiore, la scoperta della propria verità. Al contrario, rispondo, chi siamo noi, chi è ciascuno di noi se non una combinatoria d'esperienze, d'informazioni, di letture, d'immaginazioni? Ogni vita è un'enciclopedia, una biblioteca, un inventario d'oggetti, un campionario di stili, dove tutto può essere continuamente rimescolato e riordinato in tutti i modi possibili. [44]

Livres possibles : la séduction d’un œil et d’une aiguille ou d’une page blanche

En construisant sa bibliothèque personnelle, à partir de résurgences littéraires des Nuits, Bachi se sert d’un filtre puissant, un miroir parfois déformant, qui est celui de la culture occidentale du XXe siècle. L’idée de la bibliothèque de Shéhérazade, la présence de livres réels et imaginaires et la structure en abyme sont donc transformées, dans le temps et dans l’espace, par la création d’une nouvelle bibliothèque qui ne suit plus la construction linéaire et géométrique de la boîte de Shéhérazade, mais où l’étoilement du sens induit par les enjeux métafictionnels correspondrait plutôt à « una biblioteca fatta di brani, citazioni, periodi incompiuti, moncherini di libri » [45] et dont la construction labyrinthique n’est pourtant pas moins réfléchie. En rêvant à partir des miettes de la bibliothèque de Shéhérazade comme le novice Adso da Melks rêve à partir des cendres de l’incendie de la bibliothèque dans Le nom de la rose, Bachi semble errer parmi les ruines d’une théorie fastueuse de récits, d’un passé flamboyant qui existait autrefois, en recueillant, dans un présent incertain, des débris de papier, des restes de livres, en cherchant à récupérer, dans les gravats, le fil rouge de l’histoire, le sens d’une tradition ancestrale.

Prenant racine dans le terrain épistémologique des contes de Shéhérazade, notre étude voudrait s’achever sur l'idée d'une bibliothèque nouvelle, sur les possibilités encore largement inexplorées d’autres archétypes de livres envisagés dans les Nuits. Nous pensons par exemple à une pratique fréquente dans les contes de Shéhérazade, mais encore inconnue à la tradition littéraire qui s’en inspire : celle des livres écrits "au coin de l’œil" [46] . Cette pratique étrange qui consiste à fixer une histoire sur un autre support que le papier pour la préserver de l’oubli, met pourtant en jeu le thème majeur de la mémoire et de la vue, ainsi que le parallèle entre écriture et broderie, entre texte et tissage, en remontant à la source même du mot « kataba », qui signifie, d’après Kilito, en même temps « écrire » et « coudre », à l'instar du mot latin « texere ». D’autres images de livres fantastiques figurent dans les Nuits, par exemple celle du livre noyé [47] , ou encore celle du livre qui tue [48] . Pour terminer cette rapide collecte de livres possibles, mentionnons enfin une hypothèse aussi séduisante que dangereuse, celle des livres blancs, qui ne peuvent s’écrire. Comme Kilito le souligne, cette possibilité est envisagée par l’édition du Caire, où le roi n’ordonne pas la consignation par écrit des contes de Shéhérazade, qui restent ainsi secrets, cachés dans la plénitude du blanc, déployant « des virtualités infinies et des promesses inépuisables » [49] . Un autre écrivain algérien, Nina Bouraoui, « croit au livre blanc, au livre qu’on sait mais qu’on ne peut pas écrire » [50] comme elle croit à l’amour parfait et par ailleurs, Dino Buzzati, dans Le secret de l’écrivain [51] , définit le meilleur livre comme celui qu’il n’a pas écrit et qui se compose de centaines de pages entièrement blanches. Si la page blanche est synonyme de la perfection, le lecteur comprendra que notre étude doive ici s’achever …

Notes

  • [1]

    A. Khatibi, De la mille et deuxième nuit, in Ombres japonaises, Montpellier, Fata Morgana, 1992.

  • [2]

    Notre attention se concentrera notamment sur le deuxième roman de Bachi, La Kahéna. Pourtant, les romans de Bachi constituent, par leur unité thématique et stylistique et leur cohésion interne, un corpus inséparable ; nous ferons donc également références aux autres romans de l’auteur, en les considérant comme les étapes d’un parcours littéraire singulier.

  • [3]

    Voir à ce sujet l’introduction de J. L. Borges à Le mille e una notte secondo Galland, Parma/Milano, Franco Maria Ricci Editore, 1981.

  • [4]

    André Miquel, « “Les Mille et une nuits” : un trésor de la littérature universelle », Libération, 30 juin 2005. De nombreuses études ont été conduites pour déterminer l’origine exacte des contes dont nous ne pouvons parler ici. Rappelons que l’hypothèse de Hammer-Purgstall, aujourd’hui courante, veut que les contes soient nés en Inde, et que par voie orale, ils aient atteint la Perse, où un premier recueil, le Hezar Efsane, aurait été écrit, se propageant ensuite dans le monde arabe à partir du VIIIème siècle. Par ailleurs, la technique des contes à tiroirs est un élément topique de la tradition indienne. Voir « La nébuleuse du conte », in A. Miquel, Les Dames de Bagdad, Paris, Desjonquères, 1991, p. 138.

  • [5]

    Salim Bachi écrit « J’ai bien essayé de lire les Mille et Une Nuits dans le texte ; mais rien n’y fit, c’est dans Galland et Mardrus que je puisais le miel et l’enchantement de l’Orient. Je comprends assez bien l’orientalisme des Occidentaux ; la fascination et le rejet de l’Orient parcourent la littérature française, même si je n’y adhère pas. Sous ce masque se cachent les faces hideuses de la sujétion et des entreprises coloniales ; et, jusqu’à nos jours, le déni fait à l’histoire des peuples arabes et musulmans. Il n’empêche, mon rapport à la culture musulmane s’est fait par l’entremise de la langue française. » (Autoportrait avec Grenade, Paris, Editions du Rocher, 2004, p. 128).

  • [6]

    J. E. Becheikh, Les Mille et une nuits ou la parole prisonnière, Paris, Gallimard, 1988, p. 22.

  • [7]

    La dichotomie entre la structure-cadre très rigide et l’univers à l’imagination flamboyante qu’elle contient paradoxalement a été notée aussi par Beno Weiss dans un essai où il esquisse un parallèle entre les contes interrompus par Shéhérazade juste avant le lever du jour et les récits coupés de Se una notte d’inverno un viaggiatore. Weiss remarque aussi « very much like Calvino’s interrompted stories, Sheherazade’s tales cover a wide spectrum of places, people, and events wich are unconnected and different in plot but unified by an ingenious narrative framework.” (Understanding Italo Calvino,  University of South Carolina Press, 1993, p. 187).

  • [8]

    S. Bachi, La Kahéna, Paris, Gallimard, 2003, p. 21.

  • [9]

    D’après Chebel, la narration au féminin serait à même de créer un récit non-conflictuel, situé hors du temps. Voir à ce sujet M. Chebel, Psychanalyse des Mille et Une Nuits, Paris, Payot & Rivages, 2002, p. 51.

  • [10]

    S. Bachi, La Kahéna, op. cit., p. 98.

  • [11]

    Ibid., p. 53.

  • [12]

    S. Bachi, Autoportrait avec grenade, cit., p. 62.

  • [13]

    Il s’agit là d’un motif typique de la poétique de Bachi, qui, dans son premier roman, Le Chien d’Ulysse, s’attachait à déconstruire/reconstruire un autre mythe, celui d’Ulysse.

  • [14]

    J. L. Borges, Enquêtes, Paris, Gallimard, 1986, p. 68. Il est intéressant de remarquer que cette nuit, désignée par Borges comme la 602ème,  n’existe dans aucune des versions du recueil des Nuits (voir à ce sujet A. Kilito, L’œil et l’aiguille, op.cit., p. 15). Séduit par l’invention borgésienne, même Calvino n’hésite pas à s’attacher à cette fascinante possibilité (voir à ce sujet Livelli di realtà, sous la direction de Piattelli Palmarini, Feltrinelli, 1984, p. 441).

  • [15]

    Voir à ce sujet A. Bounfour, De l’enfant au fils : essai sur la filiation dans Les Mille et une nuits, Leide, Brill Academic Publishers, 1995, pp. 1-3.

  • [16]

    U. Eco, Il labirinto tra Medioevo e Rinascimento, Giuseppe Barbieri et Paolo Vidali (dir.) Metamorfosi. Dalla verità al senso della verità, Bari, Laterza, 1986.

  • [17]

    J. L. Borges, El jardin de senderos que se bifurcan, Ficciones, Madrid, Alianza Editorial, 2002, pp. 110-1. Comme chacun sait, Borges a érigé un véritable monument à la bibliothèque-labyrinthe, bibliothèque cyclique, périodique et illimitée, qui comprendrait tous les livres possibles (voir La biblioteca de Babel in Ficciones, op.cit.).

  • [18]

    D’après Angelo Arioli, le labyrinthe, entendu comme lieu où l’on se perd, est inexistant dans la tradition arabe, bien que les dédales dessinés par les souks puissent le rappeler. La preuve en serait l’absence en langue arabe d’un mot qui le désigne : à chaque fois qu’il en est question, les auteurs sont obligés d’avoir recours à deux autres mots : « matāha » et « tīh », dont le sens se rapproche de « lieu où l’on se perd », « désert ». Un autre terme, bien que très rare, est celui d’origine copte « barbā », qui indique plutôt le « temple égyptien ». Voir à ce sujet, A. Arioli, Le città mirabili, Milano, Mimesis, 2003, pp. 72-3. Cette absence lexicale est d’autant plus intéressante qu’elle montre que ce n’est que par le filtre de l’Occident que le labyrinthe entre dans la tradition maghrébine. Voir à ce sujet, A. Arioli, Le città mirabili, Milano, Mimesis, 2003, pp. 72-3.

  • [19]

    Mentionnons encore Khatibi, qui en a retracé l’histoire dans sa Civilisation marocaine, dans Maghreb pluriel ou encore dans La blessure du nom propre, conçu telle une véritable variation sur le « dédale ».

  • [20]

    P. Rosenstiehl, Labirinto, in Enciclopedia, Torino, Einaudi, 1979.

  • [21]

    Lié à la tradition grecque ancienne, le paradoxe constitue un élément majeur de la réflexion logique et mathématique, ce qui rappelle encore la « boîte », ainsi que l’échange constant entre Orient et Occident. En effet, nombre de paradoxes peuplent les Nuits. L’un des plus criants a été souligné par Kilito à propos de Shéhérazade, à savoir celui de relater les mille et un récits – souvent misogynes – contenus dans une bibliothèque à laquelle elle n’aurait pas eu d’accès en tant que femme.

  • [22]

    Voir à ce sujet l’étude de G. Papagno, La corte e lo spazio. Ferrara Estense, Roma, Bulzoni, 1982 et G. R. Hocke, Die Welt als Labyrinth, Hamburg, Rowolt Taschenbuch Verlag, 1977.

  • [23]

    Voir à ce sujet l’œuvre de G. Deleuze et F. Guattari, Rhizome, Paris, Minuit, 1976.

  • [24]

    Rosensthiel arrive même à donner une formule algébrique pour la solution du labyrinthe, ce qui ne fait que souligner la structure essentiellement mathématique de ce modèle.

  • [25]

    Voir aussi à ce sujet les contes pour enfants de G. Rodari, Tante storie per giocare, Roma, Editori Riuniti, 1971.

  • [26]

    Voir à ce sujet Jacques le fataliste et son maître, Paris, Gallimard, 1973, où l’on trouve de véritables labyrinthes arborescents où les lecteurs sont invités « apparemment » à choisir le parcours à suivre.

  • [27]

    L. Sterne, The Life and Opinions of Tristram Shandy, éd. Graham Petrie, Harmodsworth, Penguin, 1967.

  • [28]

    R. Queneau, Conte à votre façon, Paris, Les lettres nouvelles, 1967.

  • [29]

    U. Eco, Do your movie yourself, Diario minimo, Milano, Bompiani, 1992.

  • [30]

    I. Calvino, Il castello dei destini incrociati, Torino, Einaudi, 1973.

  • [31]

    I. Calvino, Se una notte d’inverno un viaggiatore, Torino, Einaudi, 1979.

  • [32]

    Et Calvino lui-même emploie ce terme dans ses Lezioni americane, Milano, Garzanti, 1988.

  • [33]

    S. Bachi, La Kahéna, cit., p. 30.

  • [34]

    « Hamid Kaïm me regarde sans comprendre, ses traits sont délicats et fins. Son front soucieux ne supporte aucune ride pourtant. Il est sans âge. Il faudra un jour vous parler de Hamid Kaïm. Comment le définir en peu de mots ? Il existe. Il loge dans ma tête depuis des années. », S. Bachi, Autoportrait avec Grenade, op. cit., pp. 12-3.

  • [35]

    Forgé en 1965 par l’informaticien Ted Nelson pendant un colloque de l’Association of Computing Machinery, le mot “hypertexte” veut indiquer la possibilité, prévue par l’ordinateur, de sauter d’une séquence d’information à l’autre. Le préfixe « hyper », dont l’utilisation est analogue à celle de hyperespace, veut indiquer la présence de trois dimensions et plus, voir D. Scavetta, Le metamorfosi della scrittura ; dal testo all’ipertesto, Scandicci, La Nuova Italia, 1992, p. 176.

  • [36]

    E. Broudou, “Manifestations de l’auteur dans et autour de l’hypertexte”, <http://hypermedia.unive-paris8.fr/Groupe/journeesdoc/manifest.htm>.

  • [37]

    Les enjeux méta et para-textuels soulignent la modernité narrative de Bachi ; d’après la définition de Patricia Waugh : “Metafiction is a term given to fictional writing which self-consciously and systematically draws attention to its status as an artefact in order to pose questions about the relationship between fiction and reality.” Dans « l’atelier littéraire » de Bachi on peut trouver nombre de pratiques métatextuelles, qui resurgissent constamment à la surface du récit, en tressant fiction et réalité. Par exemple, les commentaires critiques de l’auteur sur sa propre écriture, l’insertion d’éléments paratextuels englobés dans le texte narratif. Étudier les enjeux textuels et métatextuels signifie donc étudier le roman comme “genre”, dans tous ses principes et ses règles, pour en éclairer l’identité profonde.

  • [38]

    I. Calvino, Lezioni americane, Milano, Garzanti, 1988.

  • [39]

    G. Manganelli, Pinocchio: un libro parallelo, Torino, Einaudi, 1977, p. V-VI.

  • [40]

    J. Clément, « Afternoon, a Story: du narratif au poétique dans l’œuvre hypertextuelle », 1994. <http://hypermedia.univ-paris8.fr/articles.htm>.

  • [41]

    Il ne faut pas oublier que l’entrelacs des contes s’ajoute l’incrustation d’historiettes et d’autres artifices narratifs qui minent la linéarité du texte. Voir Chebel, op. cit., p. 45.

  • [42]

    Voir à ce sujet U. Eco, Lector in fabula, Milano, Bompiani, 1979, et Interpretazione e sovrainterpretazione, Milano, Bompiani, 1992.

  • [43]

    L’expression a été créée par Abdelkébir Khatibi dans Ombres japonaises, op. cit.

  • [44]

    I. Calvino, Lezioni americane, Milano, Mondadori, 1988, p. 120.

  • [45]

    U. Eco, Il nome della rosa, Milano, Bompiani, 1980, p. 502.

  • [46]

    A. Kilito, op.cit., pp. 104-111.

  • [47]

    Voir à ce sujet la séduisante « Histoire de Hâsib Karîm ad-Dîn », éd. Bencheikh et Miquel, t. I, pp. 80-95.

  • [48]

    Voir à ce sujet l’ « Histoire du vizir du roi Yûnan et du sage Dûbân », éd. Bencheikh et Miquel, t. II, pp. 312-450. Cette histoire semble être reprise, en partie, par Eco, dans Le nom de la rose.

  • [49]

    A. Kilito, op.cit., p. 40.

  • [50]

    N. Bouaroui, Poupée bella, Paris, Le livre de Poche, 2004, p. 47.

  • [51]

    D. Buzzati, Il segreto dello scrittore, in Il Colombre e altri cinquanta racconti, Milano, Mondadori, 1966.

Biographie de l'auteur

Ilaria VITALI

Doctorante à l’Université de Bologne. Sa thèse dirigée par P. U. Calzolari porte le titre : « Entre Shéhérazade et le Net. L’atelier du roman maghrébin au carrefour de l’Orient et de l’Occident ».