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Devenirs de la lettre de Tatiana (Eugène Onéguine) dans La Mise à mort de Louis Aragon et dans Ada ou l’Ardeur de Vladimir Nabokov
Résumé en français
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Extraite du chapitre III d’Eugène Onéguine de Pouchkine, la lettre que Tatiana envoie au personnage éponyme pour lui déclarer son amour devient un enjeu politique et littéraire pendant la guerre froide. En insérant cette page dans leurs œuvres respectives, le communiste Louis Aragon et l’exilé russe Vladimir Nabokov en font le révélateur d’un déchirement. La citation de la lettre de Tatiana met au jour le drame de la relation à l’autre dans La Mise à mort (1965) d’Aragon. La reprise du texte pouchkinien permet à Nabokov de souligner dans Ada or ardor (1969) le charme trompeur de la familiarité.
As a part of the third chapter of Eugene Onegin by Pushkin, the letter that Tatiana sent to the eponymous character to declare her love for him becomes a political and a literacy issue during the Cold War. By inserting some extracts of that page in their own works, the communist Louis Aragon and the Russian in exile Vladimir Nabokov consider it as a sign of pain. The quotation of the letter written by Tatiana highlights the drama of the relation to the other in La Mise à mort (1965) by Aragon. The use of the Pushkinian text helps Nabokov to underline the misleading charms of intimacy in Ada or Ardor (1969).

ARTICLE

      Dans le chapitre XII de La Vraie Vie de Sebastian Knight [The Real Life of Sebastian Knight, paru en 1941] de Vladimir Nabokov, « un Anglais d’un certain âge » [an elderly Englishman] passe pour l’unique survivant d’une catastrophe aérienne. Au milieu du champ dans lequel ce personnage est assis, « image de la détresse et de la douleur [1]  » [picture of misery and pain [2] ], se trouvent une demi-douzaine de lettres, dont les enveloppes et les contenus ne coïncident pas.

Two of these were business letters of great importance; a third was addressed to a woman, but began: “Dear Mr Mortimer, in reply to yours of the 6th inst…” and dealt with the placing of an order; a fourth was a birthday greeting; a fifth was the letter of a spy with its steely secret hidden in a haystack of idle prattle; and the last was an envelope directed to a firm of traders with the wrong letter inside, a love letter [3] .
Deux d’entre elles sont des lettres d’affaires extrêmement importantes ; une troisième est adressée à une femme, mais commence ainsi : « Cher Mr. Mortimer, en réponse à votre lettre du 6 courant… » et elle traite d’une passation de commande ; une quatrième est une lettre de vœux pour un anniversaire ; une cinquième est la lettre d’un espion avec son secret menaçant dissimulé dans la botte de foin de propos oiseux ; quant à l’enveloppe de la dernière, elle porte l’adresse d’une maison de commerce mais à l’intérieur se trouve, au lieu de la bonne lettre, une lettre d’amour [4] .

      Cette absence de coïncidence, image d’une ruse du destin qui compromettrait la communication entre un destinataire et son correspondant, rend perceptible l’angoisse qui apparaît avec la migration de textes venus d’une époque ou d’un pays lointains. La différence des contextes provoquant de nombreuses distorsions, le malentendu devient un risque courant. L’œuvre de Nabokov, sensible à cette menace sourde, rappelle, à travers l’évocation d’un espion, l’intrusion de stratégies politiques qui troublent encore un peu plus la réception des textes littéraires.
    Les années qui suivent la Seconde Guerre mondiale se caractérisent par une compétition entre les émigrés et les communistes à propos des textes patrimoniaux russes. La volonté de s’approprier l’œuvre d’Alexandre Pouchkine (1799-1837) durant la guerre froide (1947-1989) trouve une explication dans les passions de la politique. Le communiste Louis Aragon (1897-1982) s’intéresse pleinement à la littérature russe depuis la fin des années 1920 et sa rencontre avec Elsa Triolet, proche de l’intelligentsia. Pour l’exilé russe devenu américain Vladimir Nabokov (1899-1977), né dans un milieu aristocratique, libéral et cosmopolite, l’impossibilité d’un retour en Russie, les charges de cours devant des étudiants américains peu informés des enjeux d’une autre littérature, la volonté de transmettre une littérature qu’il pense à jamais perdue le conduisent à traduire les classiques de la Russie du XIXe siècle. Deux écrivains incarnant des visions du monde différentes tentent ainsi chacun de leur côté de restituer l’écho d’un même texte : la lettre de Tatiana qui se trouve dans le roman en vers, Eugène Onéguine, de Pouchkine. Il s’agira dans cet article de suivre ce que devient cette lettre venue du XIXe siècle russe dans les proses d’Aragon et de Nabokov, sur deux espaces de migration : l’espace européen et l’espace transatlantique. L’objectif sera ainsi de comprendre comment une œuvre patrimoniale russe permet un renouvellement des formes, alors même qu’elle se diffracte dans les utilisations diverses que l’on fait d’elle en Occident. Nous nous intéresserons donc à la fois au changement de contexte (de langues et de littératures), mais aussi au changement de genres (du vers à la prose, de la figure féminine au féminin du poète).

Le choix de la lettre de Tatiana

      Le texte dont Aragon et Nabokov se font les passeurs pose d’emblée question. Une première interrogation touche aux raisons qui conduisent deux écrivains aux idées politiques antagonistes, nous venons de le souligner, à s’intéresser particulièrement à ce texte de Pouchkine. L’intérêt pour la lettre de Tatiana qui apparaît au chapitre III d’Eugène Onéguine ne s’explique pas entièrement par l’usage quasi-quotidien du médium épistolaire par les deux écrivains-traducteurs pour conserver le contact avec un autre continent ou pour atteindre l’autre bloc politique [5] .
    Cette lettre forme un ensemble détachable de 79 tétramètres iambiques aux rimes irrégulières. Le narrateur rapporte qu’elle a été écrite à l’origine en prose, les slavistes s’accordant sur le fait que Pouchkine recherche un anoblissement de l’expression des sentiments en russe à travers la poésie. Dans ce texte en effet, une jeune femme de dix-sept ans dit son amour inconditionnel pour un héros byronien, dont elle découvre plus tard qu’il n’est qu’une chimère. De nombreux paradoxes apparaissent à la lecture. Loin de manifester un art de la parole dont les effets seraient parfaitement maîtrisés, la lettre de Tatiana révèle la solitude d’une voix dans la nuit. Elle dit l’illusion ainsi que l’absence de langage commun avec Onéguine. Dans le même temps, elle devient l’un des moments les plus concertés du roman de Pouchkine, annoncé par un dialogue avec une vieille nourrice qui place Tatiana dans un rapport dialectique à une mémoire commune des générations. L’épanchement lyrique qui suit donne lieu à une réflexion sur le personnage et sur sa langue.
      Voulus sans exemple, les mots de Tatiana sont souvent repris. Ce texte initie une tradition. Dans ces circonstances, un risque de figement existe. Pourtant, même en russe, l’héroïne demeure insaisissable. Élaborée d’une manière complexe, Tatiana permet de réfléchir à une pratique d’écriture. Figure migrante inspirée de Psyché, elle est vue par Onéguine comme une fille des « steppes » dans la traduction de Jean-Louis Backès [из глуши степных селений[/note6]] au chapitre VIII, strophe 17. Elle est « russe jusqu’à l’âme » [русская душою[note id="7"] [6] ] dans le chapitre V, strophe 4, mais elle s’exprime en français, sa lettre proposant un exemple d’ouverture à l’autre ainsi que de l’emprise et de la liberté apportées par les mots.
      Le personnage du poète importe également. Pouchkine passe pour une figure de résistance en Russie, et cette résistance est avant tout artistique. Face à la censure exercée par le tsar Nicolas Ier, Pouchkine est celui qui ne se décourage pas et qui persiste dans son art. L’image du poète qui parvient à garder sa liberté de pensée sous un régime autoritaire exerce une grande force d’attraction sur Aragon et sur Nabokov, qui tentent de conserver un espace littéraire dans un temps où la politique semble dicter sa loi à la littérature [7] .
      D’autres raisons apparaissent plus singulières encore. Nabokov, qui a une connaissance des œuvres de Pouchkine depuis son enfance, voit dans le poète russe l’héritage principal à transmettre, antérieur à la révolution d’Octobre. Aragon, pour qui le russe est une langue apprise, est sensible à des questions de sincérité et d’énergie. Membre du Comité central du PCF depuis 1950, le poète français dit notamment ses désillusions à travers la forme choisie par Pouchkine, le roman en vers, dans le Roman inachevé publié en 1956.
      De surcroît, plus qu’un poète traducteur, Pouchkine est un lecteur qui a eu entre les mains un très grand nombre de textes et ce geste inspire Aragon tout autant que Nabokov. Après Wieland et Schlözer, Goethe a évoqué en 1827 l’idée d’une littérature mondiale [Weltliteratur]. Or à la même époque, le poète russe rassemble dans sa bibliothèque des œuvres souvent non traduites, venues de très nombreuses littératures (992 ouvrages écrits en langue étrangère sur 1522 référencés par le critique B. L. Modzalevski). Il est également le créateur en langue russe d’un autre rapport entre le monde concret, la vie d’un poète et la fiction. En donnant à lire la lettre de Tatiana, Pouchkine prétend traduire en russe un texte d’abord écrit en français. La page devient le lieu d’une élaboration à laquelle participent de nombreux éléments hétérogènes, où se déploie une réflexion sur l’écriture.
      Dominique Billy évoque à propos du sonnet « un cadre étroit [qui] exalte le sujet [8]  ». Constituée de 14 vers, la strophe onéguienne reprend la concentration liée à la forme du sonnet anglais (par contraste avec d’autres formes, plus amples, comme la ballade romantique qui semble se confronter à l’infini [9] ), caractérisé, entre autres, par la place du distique après les quatrains. Shakespeare comme Pouchkine font le choix de placer ce distique à la fin de la stance, ce qui leur permet de conclure sur une pointe. Le poète russe renouvelle, de plus, la forme fixe en travaillant la disposition et le genre des rimes. La strophe fait se succéder les rimes croisées, plates, embrassées. Ce cadre rigide débute par une rime féminine (accentuée sur la dernière syllabe en russe), tout en ménageant une alternance avec les finales masculines (dont l’accent se trouve sur l’avant-dernière syllabe) [10] .
      Après sa parution de 1824 à 1833, Eugène Onéguine a progressivement été perçu en Russie comme l’une des œuvres les plus brillantes de la littérature nationale. En Occident, en revanche, elle a rarement été considérée à sa juste mesure. Donner une traduction s’apparentait donc à une gageure pour Aragon et pour Nabokov, le défi consistant à trouver un dispositif susceptible de ménager une brèche dans un mur d’indifférence, à un moment où de part et d’autre du mur de Berlin, la société de consommation se développe. La reprise de cette œuvre permet de l’envisager comme une matrice où se trouvent rassemblées des formes à disposition, qui pourraient être réimplantées plus tard, ailleurs : l’écriture du portrait (au chapitre II), du passage des saisons (le début du chapitre v), d’une soirée de spectacle (au chapitre I), d’un tombeau poétique (au chapitre VI), pour n’en citer que quelques-unes.

Le drame de La Mise à mort

      Dans La Mise à mort, son roman publié en avril 1965, Aragon fait dire à son personnage Anthoine Célèbre au début de la lettre qu’il envoie à Fougère, la femme qu’il aime :

Je n’ai jamais pu traduire la Lettre de Tatiana : les mots en sont trop simples pour passer d’une langue à l’autre. Le français ne fait pas miroir au russe, Tatiana ne pourrait s’y voir, ce front pur [11] .

      Roman politique qui évoque la transformation des idéaux communistes en un monde de la surveillance, La Mise à mort est aussi, à un autre niveau narratif, un roman de la jalousie et de l’enfermement introspectif, quand Anthoine voudrait tout saisir de son amour.

J’appelle amour cette jalousie de toute chose, cette humiliation de l’homme à deviner sans cesse dans la femme par quoi elle lui échappe, et attentive qu’elle soit de le lui taire, quoi que ce soit qu’elle lui préfère, dans cette préférence le trahit [12] .

      Les vers blancs sertissent la prose comme pour donner le change après l’affirmation d’une impossibilité à faire entendre la voix de Tatiana. Aragon traduit pourtant en épigraphe les premiers vers de la lettre de l’héroïne de Pouchkine, sans donner le russe en vis-à-vis.

Я к вам пишу -чего же боле
Что я могу ещё сказать [13] ?
Et quoi de plus Je vous écris
Que puis-je d’autres encore dire [14]

      En restituant le point d’interrogation par des points de suspension, Aragon souligne l’embarras de la jeune fille et il fait entrer ces vers liminaires dans un ensemble d’allusions au texte de Pouchkine [15] , le personnage d’Anthoine proposant lui-même une interprétation de ces citations.

[J]’emprunte la parole à ceux dont tu ne saurais sourire et je grimpe à ton balcon sous ce déguisement [16] .

      Les mots du poète russe deviennent le sésame qui permet de prétendre à un amour aussi intense que celui de Roméo. Ces vers écrits par un autre deviennent la preuve de l’attachement au monde de la femme aimée. Ils permettent de donner à l’amour d’Anthoine le sérieux qui aurait pu lui manquer.
      Anthoine parodie encore les vers 31 et 32 de la lettre écrite par Tatiana, en mettant ces vers au féminin (drugoj, masculin, est traduit par une autre), pour s’adresser comme il se doit à son interlocutrice :

Другой!.. Нет, никому на свете
Не отдала бы сердца я [17] !
Une autre !.. Non à nulle au monde
-Je n’eusse voulu donner mon cœur [18]

      Ce faisant, la lettre de Tatiana permet à Anthoine Célèbre de se montrer en mal d’amour à l’instar de la jeune fille du roman russe. En reprenant cette voix féminine à laquelle il emprunte ses mots, il tend un miroir à son interlocutrice, puisque cette déclaration a d’abord été prononcée par une femme. Mais dans le même temps, Anthoine se met à la place que Fougère pourrait occuper, comme si la déclaration d’allégeance amoureuse exprimait, dans l’espoir d’une fusion avec l’autre, une quête de l’absolu.
      Le geste n’est pas sans rappeler la position énonciative adoptée dans Le Fou d’Elsa, le poème publié par Aragon en 1963. Incarnation d’un fol espoir (on pourrait le lire comme une réponse à Nadja de Breton, dont le nom, diminutif de nadеjda, exprimait l’espoir en russe), le fou An-Nadjdî qui vit sous la Reconquista espagnole se réclame d’une Elsa vivant ailleurs, plus de quatre cent soixante-dix ans plus tard. En plaçant la femme aimée à l’horizon de la vie et de l’œuvre, le poète construit la figure de sa muse et suggère une réalité au-delà du visible, bien loin apparemment des principes du réalisme socialiste.
      Dans Le Fou d’Elsa comme dans La Mise à mort, Aragon ne cesse de mettre en scène la relation qu’il entretient à la femme. Cet « opéra d’aimer [19]  » ainsi qu’il le nomme dans La Mise à mort, scénographie intérieure du désir, pousse à découvrir, à mesure qu’il écrit, les raisons de l’amour qu’Elsa lui inspire. L’amour ne semble pas préexister à l’écriture. Il est mis en forme par elle. À travers l’exemple de la lettre de Tatiana, le roman d’Aragon s’invente dans la mise en prose de vers « dérimés [20]  ». C’est ce qu’explique l’une des parties de La Mise à mort.

Et déjà le roman réaliste apparaît dans les broussailles de la littérature chevaleresque, où, l’on ne se contentera plus de dérimer, mais où l’on va tailler, sarcler, brûler, ordonner, faisant disparaître les morceaux qui se détachent de l’action [] si bien que le roman nouveau apparaîtra comme un remaniement, de plus en plus radical, dont les allègements ne sont pas sans analogie avec la méthode américaine des digests d’aujourd’hui, mais au bout du compte qui relèvent de ces modifications du costume, où une robe de 1905 ne ressemble plus en rien à une robe d’après la guerre de 14-18 [21] []

      Ainsi la lettre de Tatiana participe-t-elle à la cristallisation des sentiments et à l’élaboration, pour Aragon, d’un roman librement inspiré de Pouchkine.

Ada ou les charmes d’une méprise

      Alors qu’Aragon assimile Pouchkine à la figure de ses personnages, Nabokov cherche autant qu’il le peut à distinguer les siens du poète russe [22] . Pour l’auteur de Lolita, la beauté d’Eugène Onéguine repose avant tout sur un usage littéraire de la langue russe à partir de formes poétiques occidentales. Puisque le poète affirme que la lettre écrite par Tatiana est d’abord rédigée en français, Nabokov se plaît à imaginer le texte qui serait à l’origine de cette pseudo-traduction. Comme dans un centon, le traducteur reprend les meilleurs vers de quatre traductions françaises [23] . Il retraduit, par ailleurs, quatorze vers qui lui semblent moins satisfaisants.
      Traduire reste cependant une opération à haut risque qui menace de changer entièrement la vision nouvelle du monde que le poète donne à lire. Cette menace sert de trame d’écriture à bon nombre des œuvres anglaises de Nabokov, notamment à Feu pâle [Pale fire, paru en 1962], roman dans lequel un commentateur profite de la traduction qu’il donne pour raconter sa propre histoire. L’œuvre littéraire, hermétique, devient le miroir où l’on croit se reconnaître et les habitudes de l’auteur sont scrutées pour établir à tout prix un rapport avec le lecteur. Roi déchu en exil, le traducteur fait l’objet d’un règlement de compte politique qui place, comme dans un roman d’espionnage, des tueurs à sa poursuite, prêts à lui tirer dessus. En définitive, c’est le poète qui meurt d’une balle perdue, le dernier mot étant laissé au commentateur fou.
      Sept ans plus tard, Nabokov insère la poésie de Pouchkine dans la prose d’Ada or Ardor, qui conte les amours de Van Veen et de sa sœur Adelaïde, placées tout entières sous le signe des mots prononcés par Onéguine dans son sermon au chapitre iv, strophe 16 du roman en vers de Pouchkine : « je t’aime d’un amour fraternel et peut-être encore plus tendrement [24]  » [Я вас люблю любовью брата / И, может быть, ещё нежней [25] ] (comme Nabokov le rappelle dans le chapitre v de la 3e partie de son œuvre : « I love you with a brother’s love and maybe still more tenderly [26]  »). Van et Ada vivent les tourments de la jalousie, autrement dit de l’orgueil.
      Alors même qu’il dénonce les simplifications que l’œuvre russe peut inspirer, Nabokov nourrit son récit en s’aidant de schèmes inspirés d’Eugène Onéguine et de leur déformation, les épisodes du roman en vers de Pouchkine et la rêverie qu’ils inspirent devenant véritablement la trame de l’œuvre la plus foisonnante de l’exilé russe. Tout le roman de Nabokov peut se lire au prisme d’une phrase qu’il contient, tant l’œuvre de Pouchkine, dont on ne saisit ici que les apparences changeantes, se modifie : « Comme les pièces d’un puzzle, des morceaux de ciel, des morceaux de mur [en l’occurrence ceux du chef d’œuvre de Pouchkine] se désunissaient, quelle qu’eût été la minutie de leur assemblage [27] » [Jigsaw pieces of sky or wall came apart, no matter how delicately put together [28] ]. Ce n’est plus un jeune poète qui meurt en duel dans Ada, mais une jeune innocente qui se noie. Alors que Van Veen ressemble d’abord à Onéguine, en ce qu’il s’apparente à un hédoniste sans scrupules, il devient ensuite proche de Lenski, car il est tourmenté par la jalousie, par exemple dans le chapitre VI de la deuxième partie du roman [29] . L’image des coquillages, dont on se régale à Odessa dans le Voyage d’Onéguine, exprime dans le texte de Nabokov la violence archaïque et obscène de la dévoration que déguise le romanesque des grandes passions amoureuses [30] . Ada, « jeune femme à la fenêtre [31]  » [the maid at (the) window [32] ] à l’image de Tatiana, « ressemblait au jeune soprano Maria Kousnetsova dans la scène de la lettre d’Onéguine et Olga, l’opéra de Tchtchaïkov [33]  » [resembled the young soprano Maria Kuznetsova in the letter scene in Tschchaikow’s opera Onegin and Olga [34] ]. La déformation du nom de Tchaïkovski souligne le manque de tenue et l’excès de pathos, Nabokov exprimant par ailleurs ses réserves à l’égard du type de personnage que représente Olga.

In Soviet literature, the image of Tatiana has been superseded by that of her sister Olga, now grown buxom, ruddy-cheeked, noisily cheerful. Olga is the good girl of Soviet fiction; she is the one who straightens things out at the factory, discovers sabotage, makes speeches, and radiates perfect health [35] .
Dans la littérature soviétique, l’image de Tatiana a été supplantée par celle de sa sœur Olga, bien en chair, à présent adulte, aux joues rougeaudes, bruyamment joyeuse. Olga est la bonne fille de la fiction soviétique ; elle est celle qui redresse les choses à l’usine, découvre le sabotage, fait des discours, et irradie une santé parfaite [36] .

      Dans la deuxième partie du roman, Ada, qui écrit à Van pour lui demander de lui pardonner ses aventures avec d’autres, retrouve les mots de la lettre de Tatiana, mais le contexte a radicalement changé.

En te disant qu’il m’était impossible de te parler et que je t’écrirais, je voulais te dire que je n’arriverais pas à trouver sur-le-champ les mots qu’il fallait. Je t’implore. Je me rendais compte que je ne pourrais pas les sortir de moi, ces mots, ni les disposer oralement dans l’ordre requis. Je t’implore [37] .

Vers 65 à 67 de la lettre de Tatiana :

Отныне я тебе вручаю
Перед тобою слёзы лью
Твоей защиты умоляю [38]

Compilation établie par Nabokov :

Je te confie mon sort, [Traduction de Dupont, 1847]
Je verse mes larmes devant toi [Traduction de Nabokov, 1964]
J’implore ta défense [39] [Traduction de Dupont, 1847]

      Il ne s’agit plus dans le roman de Nabokov d’une lettre d’amour désordonnée qui indique l’inexpérience de l’épistolière, mais d’une demande de pardon qui cache une nouvelle tentative de séduction. Plus tard, à l’occasion d’un duel, Van blessé se retrouve dans un hôpital soigné par « une jeune infirmière remarquablement jolie et hautaine [40]  » [a remarkably pretty and proud young nurse [41] ] prénommée Tatiana. Le roman russe se change alors en un roman des exploits d’un jeune don Juan, Van étant le protagoniste et le narrateur de ce récit à la troisième personne :

When Van managed once to twiddle her breasts, she warned him she would complain if he ever repeated what she dubbed more aptly than she thought ‘that soft dangle.’ An exhibition of his state with a humble appeal for a healing caress resulted in her drily remarking that distinguished gentlemen in public parks got quite lengthy prison terms for that sort of thing. However, much later, she wrote him a charming and melancholy letter in red ink on pink paper; but other emotions and events had intervened, and he never met her again [42] .
Van réussit une fois à tâter le sein de Tatiana, mais elle l’avertit qu’elle se plaindrait à qui de droit s’il s’avisait encore une fois de lui faire ses avances polissonnes. Une exhibition directe de son cas assortie de l’humble requête d’une caresse curative ne réussit pas davantage auprès de Tatiana qui se contenta d’observer sèchement que des messieurs du meilleur monde avaient purgé des peines de prison fort longues pour s’être livrés à de semblables démonstrations dans les jardins publics. Pourtant longtemps après, elle écrivit à Van une lettre mélancolique et charmante (encre rouge sur papier rose), mais dans l’intervalle Van avait connu d’autres émois et vécu d’autres aventures et jamais il ne revit Tatiana [43] .

      Le mystère du personnage de Tatiana semble grotesquement métamorphosé par une imagination débridée qui ne comprend plus la valeur du don de soi. Or Nabokov déplore les choix de traducteurs qui restituent d’une manière triviale les mots de Tatiana. Il relève ainsi dans l’un de ses articles un vers traduit par Walter Arndt : « vous avez fait un sort juste à mes avances » [you justly dealt with my advances], phrase qui ne semble lui inspirer que de la consternation : « Tatiana, la Tatiana de Pouchkine [44] ! ».
      Ce sont en définitive les malentendus et les confusions qui ne cessent d’alimenter le flux romanesque dans Ada or Ardor, la pulsion narrative se relançant constamment. À l’origine des amours de Van et d’Ada, se trouve une faute originelle, racontée au chapitre II du roman de Nabokov, commise par les parents des deux protagonistes, Démon et Marina. Ces derniers se méprennent sur le sens de l’œuvre de Pouchkine. Démon, marié à Aqua, tombe sous le charme de la sœur de celle-ci au cours d’une adaptation théâtrale d’Eugène Onéguine inspirée de l’opéra de Tchaïkovski. La rédaction de la lettre de Tatiana dans cette mauvaise représentation du poème pouchkinien n’aboutit qu’à un numéro de séduction d’où ne se détachent que des images kitsch, exemples de pošlost’ : les « bottes esquimau » [Esquimo boots [45] ] de la vieille nourrice, « une table de chevet à pieds de biche » [a side table with cabriole legs [46] ], « les ruissellements d’un clair de lune artificiel » [the artificial moonlight’s blaze [47] ] (trad. G. Chahine), le projet artistique de Pouchkine semblant entièrement faussé. À la suite de cette rencontre, naîtra Ada, dont le nom signale l’origine infernale, ada étant le génitif russe de ad, l’enfer.

      Une étude des migrations des genres et des formes artistiques au XXe siècle à travers le devenir de la lettre de Tatiana dans les œuvres d’Aragon et de Nabokov ne peut occulter le fond très sombre du contexte international sur lequel ces réécritures voient le jour. Insistons-y : requis par le monde qui les entoure, ni Aragon, ni Nabokov ne choisissent l’art pour l’art. Le genre épistolaire propose un texte constamment adressé, tendu vers un destinataire, où se manifeste une tentative de renouer un lien qui se rompait : le fil perdu entre un auteur et un public dont on tente de retrouver l’attention. Or dans Ada comme dans La Mise à mort, cette liaison s’accompagne d’une sensation d’exclusion (par le nombre des allusions) et d’un risque de disparition (par la violence du vis-à-vis avec l’autre).
      Un texte de l’Âge d’or russe suscite ainsi de nombreux autres textes. Que deviennent-ils pour les écrivains qui reprennent ces pages si fameuses en Russie ? La lettre de Tatiana offre une expression déchirante, dont la valeur réside dans la mise en forme inouïe en russe d’une complexité de sentiments. Aragon et Nabokov tiennent le texte en haute estime, mais les enjeux pour chacun d’eux ne sont pas tout à fait les mêmes. L’abandon du vers souligne la recherche d’une continuité entre le texte et la prose de la vie pour Aragon, qui prend des précautions rhétoriques pour aborder une référence soviétique incontournable. Son but est de valoriser la littérature pour souligner son imbrication dans la vie. Le texte de Pouchkine inspire en revanche une irrémédiable trivialisation pour Nabokov, à l’heure où la rime est mise au service de nombreuses causes illégitimes, selon lui. Totalement dégradée, la référence à la lettre de Tatiana oscille entre le tragique et le comique. Elle est le signe d’un monde dont tous les repères ont été sensiblement déréglés.
      La difficulté à comprendre rapidement en traduction la beauté, l’importance d’Eugène Onéguine ainsi que le projet de Pouchkine explique le recours d’Aragon et de Nabokov à la réécriture et au prolongement de cette œuvre, les modifications de contexte soulignant d’une manière pathétique l’imminence de la disparition d’une vision du monde. Le renouvellement que permet la reprise d’une œuvre du patrimoine russe comme Eugène Onéguine, dans la diffraction à laquelle conduisent deux réécritures, rencontre les catégories de l’actualisation et de la modalisation des œuvres dans la terminologie proposée par Yves Landerouin [48] . Il s’agit non seulement de transposer les référents de l’œuvre de départ dans une époque plus proche, ainsi que La Mise à mort en donne l’exemple, mais encore de modifier la tonalité du texte premier, comme Ada or ardor le suggère. La fonction de telles réécritures est également, pourrait-on ajouter, de proposer des « mondes possibles », le caractère précaire et faussement familier du poème narratif de Pouchkine diffusant une énergie nouvelle.

Bibliographie

  • ARAGON, Louis, La Mise à mort, dans Œuvres romanesques complètes. V, Daniel Bougnoux et Philippe Forest (éd.), Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2012.

  • BILLY, Dominique, Les Formes poétiques selon Baudelaire, Paris, Honoré Champion, 2015.

  • ERLICH, Victor, The Double image, Baltimore, The Johns Hopkins Press, 1964.

  • LANDEROUIN, Yves, « Pour une typologie générale des procédés de transformation intermédiale », dans Caroline Fischer (dir.), Intermédialités, Paris, SFLGC, coll. « Poétiques comparatistes », 2015, p. 119-139.

  • NABOKOV, Vladimir, Ada or Ardor: A Family Chronicle, New York, Penguin Books, 1969.

  • NABOKOV, Vladimir, Ada ou l’Ardeur, trad. de l’anglais par Gilles Chahine avec la collaboration de Jean-Bernard Blandenier, revue par l’auteur, Paris, Gallimard, 1975.

  • NABOKOV, Vladimir, La Vraie Vie de Sebastian Knight, trad. de l’anglais par Yvonne Davet, révisé par Yvonne Couturier, dans Œuvres romanesques complètes. II, Maurice, Couturier (éd.), Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2010.

  • NABOKOV, Vladimir, Le Don (1952 en russe ; 1963 pour la trad. anglaise), trad. de l’anglais par Raymond Girard, Paris, Gallimard, coll. folio, 1967.

  • NABOKOV, Vladimir, Partis pris [Strong opinions, 1973] trad. de l’anglais par Vladimir Sikorsky, Paris, Robert Laffont, “Bibliothèque 10/18”, 1985.

  • NABOKOV, Vladimir, The Real Life of Sebastian Knight, New York, Penguin Books, 1941.

  • POUCHKINE, Alexandre, Eugene Onegin, A Novel in Verse, trad. Vladimir Nabokov, Princeton University Press, Bollingen, volume II : commentaire, 1964 (1981 pour l’édition consultée).

  • POUCHKINE, Alexandre, Œuvres complètes en un seul volume [Polnoe sobranie sočinenij v odnom tome ], Moscou, Éditions Alfa-Livre, 2010.

  • ROUBAUD, Jacques « Brèves remarques sur la strophe d’Eugène Onéguine », dans Europe, n°842-843, juin-juillet 1999, p. 190-197.

Notes

  • [1]

    Vladimir Nabokov, La Vraie Vie de Sebastian Knight, trad. de l’anglais par Yvonne Davet, révisé par Yvonne Couturier, dans Œuvres romanesques complètes. II, Maurice Couturier (éd.), Paris, Gallimard, 2010, p. 474.

  • [2]

    Vladimir Nabokov, The Real Life of Sebastian Knight, New York, Penguin Books, 1941, p. 98.

  • [3]

    Ibid., p. 98.

  • [4]

    Vladimir Nabokov, La Vraie Vie de Sebastian Knight, op. cit., p. 474.

  • [5]

    Les activités épistolaires entre la Russie, l’Europe Occidentale et les États-Unis se sont accrues pour Louis Aragon avec la fermeture des frontières à l’époque de la guerre froide. Proche du parti communiste français depuis 1927, Aragon se trouve au centre d’un important réseau de correspondants, notamment en Europe de l’Est. Fuyant le bolchévisme et le nazisme, émigré d’abord en Angleterre, en Allemagne, puis en France, avant de prendre le bateau pour New York en mai 1940, Vladimir Nabokov ne cesse d’écrire à ses proches, puis à de nombreux éditeurs et traducteurs pour poursuivre une activité d’écrivain en Europe de l’Ouest et aux États-Unis. Après la mort de sa mère à Prague en 1939, sa sœur Élèna reste dans cette ville jusqu’en 1948. L’écrivain est célèbre pour avoir refusé tout contact avec le bloc de l’Est pendant la guerre froide.

  • [6]

    Alexandre Pouchkine, Œuvres complètes en un seul volume [Polnoe sobranie sočinenij v odnom tome ], Moscou, Éditions Alfa-Livre, 2010, p. 806.

  • [7]

    Ibid., p. 759.

  • [8]

    Le slaviste Victor Erlich note ainsi que « (le dévouement à la liberté créative) devient plutôt la dernière ligne de défense d’un individu assiégé contre le mastodonte autoritaire » [(the dedication to creative freedom) becomes rather an embattled individual’s last line of defense against the authoritarian juggernaut.]. Voir Victor Erlich, The Double Image, Baltimore, The Johns Hopkins Press, 1964, p. 35. Notre traduction.

  • [9]

    Ibid., p. 38.

  • [10]

    Selon Dominique Billy, « pour ces poètes romantiques à l’inspiration profonde, rien ne valait un champ formel illimité qui répondît pleinement à leurs besoins d’expression, d’où leur goût prononcé pour les rimes suivies et, dans le cadre des formes lyriques, pour les formes strophiques qui offrent aussi des possibilités d’expansion illimitées, enchaînant les stances uniformes ou variées les unes derrière les autres ». Voir Dominique Billy, Les Formes poétiques selon Baudelaire, Paris, Honoré Champion, 2015, p. 246-247.

  • [11]

    Pour une analyse plus complète, qui distingue la strophe onéguienne du sonnet shakespearien, voir Jacques Roubaud, « Brèves remarques sur la strophe d’Eugène Onéguine », Europe, n°842-843, juin-juillet 1999, p. 190-197.

  • [12]

    Louis Aragon, La Mise à mort, dans Œuvres romanesques complètes. V, Daniel Bougnoux et Philippe Forest (éd.), Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2012, p. 49.

  • [13]

    Ibid., p. 52.

  • [14]

    Alexandre Pouchkine, Œuvres complètes en un seul volume [Polnoe sobranie sočinenij v odnom tome ], op. cit., p. 740.

  • [15]

    Ibid., p. 49.

  • [16]

    La lettre d’Anthoine reprend ainsi « Et quoi de plus, je t’écris, Fougère… » et plus loin « je t’écris, que dire plus » et plus loin encore « Je t’écris n’est-ce pas tout dire ? », enfin « Et quoi de plus…». Voir Louis Aragon, La Mise à mort, op. cit., p. 49-50.

  • [17]

    Ibid., p. 50.

  • [18]

    Alexandre Pouchkine, Œuvres complètes en un seul volume [Polnoe sobranie sočinenij v odnom tome ], op. cit., p. 740.

  • [19]

    Ibid., p. 50.

  • [20]

    Louis Aragon, La Mise à mort, op. cit., p. 52.

  • [21]

    Ibid., p. 203.

  • [22]

    Ibid., p. 204.

  • [23]

    L’un des personnages du roman Le Don [Dаr], paru en 1937, évoque la rencontre avec un Pouchkine vieillissant, bien après le duel de 1837, qui sera fatal au poète. Or le narrateur du Don, regardé avec bienveillance par Nabokov, dénigre cette mystification. Voir Vladimir Nabokov, Le Don (1952 en russe ; 1963 pour la trad. anglaise), trad. de l’anglais par Raymond Girard, Paris, Gallimard, coll. « Folio », 1967, p. 155.

  • [24]

    Il s’agit de celles d’Henri Dupont (1847), d’Ivan Tourgueniev et Louis Viardot (1850), d’André Lirondelle (1921), de Jacques David (1946).

  • [25]

    Vladimir Nabokov, Ada ou l’Ardeur, trad. de l’anglais par Gilles Chahine avec la collaboration de Jean-Bernard Blandenier, revue par l’auteur, Paris, Gallimard, 1975, coll. « Folio », p. 624.

  • [26]

    Alexandre Pouchkine, Œuvres complètes en un seul volume [Polnoe sobranie sočinenij v odnom tome], op. cit., p. 747.

  • [27]

    Vladimir Nabokov, Ada or Ardor: A Family Chronicle, New York, Penguin Books, 1969, p. 378.

  • [28]

    Vladimir Nabokov, Ada ou l’Ardeur, op. cit., p. 48.

  • [29]

    Vladimir Nabokov, Ada or Ardor : A Family Chronicle, op. cit., p. 27.

  • [30]

    Vladimir Nabokov, Ada ou l’Ardeur, op. cit., p. 508.

  • [31]

    « Van se souvenait qu’un des meilleurs amis de son précepteur Aksakov, le docte et prude Semion Afanaseivitch Vengerov, jeune professeur adjoint et déjà pouchkiniste célèbre (1855-1954), répétait souvent que le seul passage vulgaire qu’il eût relevé dans l’œuvre de son auteur favori était une description du plaisir cannibalesque éprouvé par une compagnie de jeunes gourmets arrachant à l’huis de leurs cloîtres des huîtres “vivantes et dodues” dans un chant inachevé d’Eugène Onéguine. » Voir Vladimir, Nabokov, Ada ou l’Ardeur, op. cit., p. 343.
    [Van remembered that his tutor’s great friend, the learned but prudish Semyon Afanasievich Vengerov, then a young associate professor but already a celebrated Pushkinist (1855-1954), used to say that the only vulgar passage in his author’s work was the cannibal joy of young gourmets tearing “plump and live” oysters out of their “cloisters” in an unfinished canto of Eugene Onegin.] Voir Vladimir, Nabokov, Ada or Ardor: A Family Chronicle, op. cit., p. 205]. À la fin du chapitre XXXIX de la première partie du roman de Nabokov, on trouve également quelques vers d’une chanson qui semble calquée sur celle des servantes qui ramassent les baies à la fin du chapitre III d’Eugène Onéguine.

  • [32]

    Vladimir Nabokov, Ada ou l’Ardeur, op. cit., p. 502.

  • [33]

    Vladimir Nabokov, Ada or Ardor: A Family Chronicle, op. cit., p. 302.

  • [34]

    Vladimir Nabokov, Ada ou l’Ardeur, op. cit., première partie, ch. xxv, p. 218.

  • [35]

    Vladimir Nabokov, Ada or Ardor: A Family Chronicle, op. cit., p. 127.

  • [36]

    Alexandre Pouchkine, Eugene Onegin, A Novel in Verse, trad. Vladimir Nabokov, Princeton, Princeton University Press, Bollingen, 1964 (1981 pour l’édition consultée), volume II : commentaire, partie I, p. 281.

  • [37]

    Notre traduction.

  • [38]

    Vladimir Nabokov, Ada ou l’Ardeur, op. cit., deuxième partie, ch. 1, p. 434-435. Nous utilisons le gras pour souligner les échos entre Eugène Onéguine et Ada or Ardor.

  • [39]

    Alexandre Pouchkine, Œuvres complètes en un seul volume [Polnoe sobranie sočinenij v odnom tome ], op. cit., p. 741.

  • [40]

    Alexandre Pouchkine, Eugene Onegin, A Novel in Verse, trad. Vladimir Nabokov, op. cit., volume II : commentaire, partie I, p. 388.

  • [41]

    Vladimir Nabokov, Ada ou l’Ardeur, op. cit., p. 409.

  • [42]

    Vladimir Nabokov, Ada or Ardor: A Family Chronicle, op. cit., p. 247.

  • [43]

    Vladimir Nabokov, Ada or Ardor: A Family Chronicle, op. cit., 1969, p. 247. 

  • [44]

    Vladimir Nabokov, Ada ou l’Ardeur, op. cit., première partie, ch. XLII42, p. 410.

  • [45]

    Vladimir Nabokov, Partis pris [Strong opinions, 1973], trad. de l’anglais par Vladimir Sikorsky, Paris, Robert Laffont, « Bibliothèque 10/18 », 1985, p. 266.

  • [46]

    Vladimir Nabokov, Ada or Ardor: A Family Chronicle, op. cit., p. 15.

  • [47]

    Ibid., p. 15.

  • [48]

    Ibid., p. 15.

  • [49]

    Yves Landerouin, « Pour une typologie générale des procédés de transformation intermédiale », dans Caroline Fischer (dir.), Intermédialités, Paris, SFLGC, coll. Poétiques comparatistes, 2015, p. 119-139.

Pour citer cet article

Stanislas Gauthier, « Devenirs de la lettre de Tatiana (Eugène Onéguine) dans La Mise à mort de Louis Aragon et dans Ada ou l’Ardeur de Vladimir Nabokov », SFLGC, bibliothèque comparatiste, publié le .../.../2019, URL : https://sflgc.org/acte/gauthier-stanislas-devenirs-de-la-lettre-de-tatiana-eugene-oneguine-dans-la-mise-a-mort-de-louis-aragon-et-dans-ada-ou-lardeur-de-vladimir-nabokov/, page consultée le 19 Avril 2024.

Biographie de l'auteur

GAUTHIER Stanislas

Agrégé de lettres modernes, Stanislas GAUTHIER est membre associé à l’EA4195 TELEM de l’Université Bordeaux-Montaigne. Il est l’auteur d’une thèse soutenue en 2015, publiée en 2017 aux éditions Hermann sous le titre Cosmopolitisme et guerre froide Aragon, Landolfi, Nabokov, traducteurs de Pouchkine.