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L’effrayant silence. Le regard étranger sur une guerre en suspens dans Waiting for the Babarians (1980) de J.M. Coetzee et Hundert Tage (2008) de L. Bärfuss

ARTICLE

À première vue, tout distingue les deux romans étudiés ici. Le roman Waiting for the Babarians de John Maxwell Coetzee, publié en 1980, s’inscrit – d’une manière plus ou moins évidente – dans le contexte des conflits coloniaux des pays africains. L’écrivain suisse Lukas Bärfuss retrace – dans son roman Hundert Tage paru en 2008 – l’expérience d’un jeune coopérant d’aide humanitaire pendant le génocide des Tutsis au Rwanda en 1994. Ce qui attire l’attention pourtant et permet de les réunir dans une même étude sont quelques parallèles étonnantes au niveau des choix narratifs. Nous retenons ici les trois aspects suivants : premièrement, l’ambiguïté frappante des narrateurs face aux événements en général et à la violence physique en particulier, ensuite, le fait que les deux auteurs mettent en scène un enfermement temporaire de leurs narrateurs au moment même où la guerre éclate et enfin, la place primordiale accordée aux sensations physiques, ce qui permet à Mike Marais d’évoquer « l’autorité du corps [1]  » caractérisant, selon lui, le roman de Coetzee. Ces trois aspects permettent de discuter la question de savoir de quelle manière les deux œuvres affrontent le problème de la possibilité ou de l’impossibilité de (d)écrire la violence et la guerre. Elles conçoivent cette dernière comme une sensation plus ou moins saisissable de terreur et de violence qui s’empare des hommes sans que l’on puisse clairement identifier son origine. En tant que sensation, l’expérience de la guerre n’est dépendante ni d’un réel vécu, ni d’un témoignage direct. La guerre, ici, n’est pas celle des assauts, des tranchées et du bruit effarant de l’artillerie. Elle est celle du silence angoissant qui traduit une menace omniprésente, mais insaisissable et traduit ainsi une sensation d’insécurité totale.

Il importe de souligner qu’il s’agit d’un axe de lecture volontairement restreint qui ne prétend fournir ni d’interprétation générale des deux œuvres, ni d’étude contextuelle du lien entre ces romans et les événements historiques réels (l’apartheid, le génocide au Rwanda [2] ). Le but n’est pas non plus de masquer les différences évidentes qui distinguent les deux romans. Ce que le magistrat dit des languettes trouvées dans le désert peut être lu comme une indication de lecture qui vaut pour les deux œuvres :

They can be read in many orders. Further each single slip can be read in many ways. Together they can be read as a domestic journal, or they can be read as a plan of war, or they can be turned on their sides and read as a history of the last years of the Empire – the old Empire, I mean.

On peut les lire dans différents ordres. De plus, on peut lire chaque languette de plusieurs manières. Prises ensemble, elles peuvent se lire comme un livre de raison, ou comme un plan de campagne, ou bien on peut les tourner sur le côté et les lire comme une histoire des dernières années de l’Empire – je veux dire l’ancien Empire [3] .

Les deux romans évoquent des faits d’une grande violence physique et psychique et peuvent donc être lus comme des récits sur la question de savoir comment la littérature peut décrire, évoquer, exprimer ou faire penser la violence [4] . La difficulté de cette question paraît déjà dans le choix d’utiliser quatre verbes et il peut être plus facile de se servir de l’indéfini des conjonctions et des prépositions : la littérature et la violence des guerres, la littérature sur la violence des guerres. Ce qui lie – par-delà les contextes historiques différents – les deux romans est le fait qu’ils se servent simultanément de deux stratégies narratives qui paraissent contradictoires : d’une part, la description détaillée et sans retenue de la violence la plus atroce, et de l’autre, la mise en scène de l’incapacité de la littérature à représenter et à faire comprendre cette même violence. Les deux romans mettent donc à mal la distinction des deux formes discursives de la violence incarnées par l’œuvre de Primo Levi, d’un côté, et celle de Paul Celan, de l’autre. Chez Bärfuss et Coetzee, la littérature peut et ne peut pas écrire la guerre et c’est cette position ambiguë qui fait toute leur force. Car il ne s’agit pas d’une hésitation poétologique, d’un aveu d’échec plus ou moins assumé devant la souffrance et la perversité humaine, mais d’une écriture qui semble avoir dépassé le questionnement poétologique de la littérature moderne et postmoderne qui n’est rien d’autre que la discussion très ancienne sur le pouvoir ou l’impuissance mimétique de la littérature. Les deux romans semblent ne pas se soucier de cette distinction et affirment et nient avec la même conviction et avec la même force la possibilité et l’impossibilité de représenter la guerre et la violence. Cette ambivalence peut être interprétée comme une particularité des récits de guerre contemporains nourris de la crise du langage propre à la littérature moderne, mais assumant – en même temps – le rôle de témoin en défendant son pouvoir de faire conjuguer la perspective subjective des personnages et la description réaliste de leur environnement. Ils contribuent ainsi à garder le souvenir des conflits meurtriers et à attirer l’attention sur le fait que tout souvenir est une construction à la fois subjective et sociale. Carsten Gansel et Heinrich Kaulen proposent, par ailleurs, dans leur ouvrage collectif sur les discours de la guerre paru en 2011 une situation historique plus précise en y voyant une particularité de la littérature après la chute du mur répondant à un monde qui n’est plus divisé en deux blocs, en noir et blanc, bon et mauvais et dans lequel la mondialisation efface de plus en plus la clarté des frontières [5] . Selon les deux chercheurs, ces dichotomies ont cédé la place à un grand nombre de conflits armés embrouillés :

Un nombre important de nouveaux conflits armés embrouillés a remplacé l’opposition binaire des systèmes qui marquait encore en grande partie le XXe siècle. Ces nouveaux conflits ne peuvent plus être compris ni selon le vieux modèle réducteur de la lutte entre des nations ennemies, ni selon celui d’une confrontation de systèmes comme deux blocs ennemis. [...] Des dichotomies rigides – comme le dualisme du coupable et de la victime, de l’observateur et du combattant, du militaire et de la population civile, des guerres réelles et virtuelles – se dissolvent de plus en plus dans un tel contexte [6] .

La position indécise des deux narrateurs des romans évoqués ici corrobore un tel axe de lecture : ni l’un, ni l’autre ne fait activement partie des conflits qui embrasent l’univers dans lequel ils vivent. La guerre les engloutit sans leur demander leurs avis. Ni l’un, ni l’autre ne part réellement à la guerre, ne participe physiquement aux combats. Ils attendent, se cachent, deviennent des témoins malgré eux en cherchant toujours en vain leurs places et leurs rôles : sont-ils responsables, consentants, victimes, simples témoins [7]  ? Les deux personnages centraux sont comme des reflets de l’ambiguïté de l’humain face à la violence [8] . David Hohl, le jeune narrateur du roman de Lukas Bärfuss, évoque même une sorte de symbiose entre ses valeurs morales et le génocide : « Le pire, c’est cette pensée, qui me revenait sans cesse pendant les cent jours et qui continue à me tourmenter, qu’il y ait eu une symbiose entre notre vertu et leur crime » [« Das Schlimmste ist der Gedanke, den ich in den hundert Tagen immer wieder hatte und der mich bis heute quält, dass es eine Symbiose gab zwischen unserer Tugend und ihrem Verbrechen [9] . »] Et le narrateur de Coetzee va dans la même direction lorsqu’il admet :

For I was not, as I liked to think, the indulgent pleasure-loving opposite of the cold rigid Colonel. I was the lie that Empire tells itself when times are easy, he the truth that Empire tells when harsh winds blow. Two sides of Imperial rule, no more, no less.

Contrairement à ce qu’il me plaisait de penser, je n’étais pas l’inverse du colonel, aussi complaisant et bon vivant qu’il était froid et rigide. J’étais le mensonge que l’Empire se raconte quand les temps sont favorables, et lui la vérité que l’Empire proclame quand soufflent des vents mauvais. Deux faces du pouvoir impérial, rien de plus, rien de moins [10] .

Cette ambiguïté se reflète dans les deux romans également dans un mélange déroutant de pouvoir et d’impuissance sexuelle [11] , de perspicacité et d’illusions souvent narcissiques. Elle apparaît aussi dans les nombreux passages dans lesquels les narrateurs témoignent de leur attirance par le danger incarné souvent par l’étranger incompris. Le narrateur du roman Hundert Tage admet :

Wir saßen im Herzen des schwarzen Kontinents, aber es war einfach nicht heiß genug, um den metaphysischen Schreck zu fühlen. Wir hätten uns gern ein wenig in das Vorzeitliche verstrickt, aber keiner von uns hatte eine Ahnung, wo oder wie er suchen musste.

Nous nous trouvions au cœur du continent noir, mais ce n’était tout simplement pas assez brûlant pour en ressentir toute l’horreur métaphysique. Nous aurions sans doute aimé nous perdre un peu dans la préhistoire mais aucun de nous n’avait la moindre idée d’où et comment il fallait chercher [12] .

Et plus loin :

Ich sagte es keinem, aber ich mochte die Aufregung […] Wir saßen auf einem Pulverfass, aufregend, verstörend, eine Stadt, die von Gerüchten beherrscht wurde, dunkel und vollkommen verwandelt.

Je ne l’ai jamais dit mais j’aimais l’agitation […] Nous étions assis sur un tonneau de poudre, c’était excitant, perturbant, nous étions dans une ville dominée par les rumeurs, obscure et complètement transformée [13] .

Cette ambiguïté des narrateurs s’inscrit dans le choix des romans d’adopter une perspective résolument subjective, seul moyen d’évoquer semble-t-il l’état d’urgence qui règne dans une société en guerre. Ce choix est renforcé par le fait que les deux romans, d’une part, optent pour la narration à la première personne du singulier qui invite le lecteur à voir les événements à travers les yeux et les pensées des narrateurs, et de l’autre, mettent en scène très souvent les sensations physiques de ces mêmes narrateurs. Leurs cinq sens sont fréquemment évoqués et c’est à travers eux que la peur et la violence prennent possession d’eux. Cette perspective subjective et physique semble provoquer une confusion entre le corps des narrateurs et la société en guerre, entre les bourreaux et les victimes et, enfin, entre le lecteur et le texte. Cette confusion entre le corps et l’environnement, entre le récit et le lecteur traduit une sensation de menace permanente et diffuse qui fait comprendre que le corps ou la maison ou encore les institutions ne représentent plus aucune protection contre la violence et la perversité de la guerre. Le narrateur du roman de Coetzee résume au début du roman la possible signification de cette concentration sur les sensations physiques lorsqu’il dit : « Pain is truth ; all else is subject to doubt [14] . »

Dans les deux romans, cette concentration sur les sensations physiques comme d’une subjectivité incarnée est mise en scène, de manière condensée, par des situations d’enfermement dans un espace confiné. Le magistrat du roman sud-africain semble confirmer cette lecture en remarquant – lors d’une sortie de chasse :

In the clear silence of the morning I find an obscure sentiment lurking at the edge of my consciousness. With the buck before me suspended in immobility, there seems to be time for all things, time even to turn my gaze inward…

Dans le silence limpide du matin, je m’aperçois qu’un sentiment obscur rôde aux marges de ma conscience. Tant que l’immobilité fige devant moi cette antilope, il semble y avoir assez de temps pour tout : assez de temps, même, pour tourner mon regard vers l’intérieur [15]

Ce récit exprime, en même temps, allégoriquement le traumatisme de la guerre vécu comme un brutal figement du temps. Enfermée, la vie des narrateurs se fige dans l’espace et dans le temps et les rend témoins moins par leurs yeux que par leur corps dans lequels la guerre semble s’infiltrer insidieusement. Cette infiltration reprend et personnifie celle que subit la société dans laquelle les narrateurs vivent. Avant d’être victimes eux-mêmes, ils sont les témoins des changements de la société dans laquelle s’installe la peur. Les deux romans mettent en scène la puissance de la violence et de la guerre à bouleverser complètement les rapports humains, leurs codes et leurs structures et ceci en montrant que ces changements s’infiltrent dans la société comme dans le corps de chaque être humain. La situation d’enfermement permet donc de condenser une dualité qui caractérise aussi bien la notion de subjectivité, la question de la possibilité ou de l’impossibilité d’écrire les guerres et enfin les relations humaines respectivement les sociétés en guerre : il s’agit de la dualité de l’esprit et du corps, de la réflexion et des sensations, de la différence et de l’incarnation charnelle. Il n’est plus étonnant alors de voir que les deux narrateurs sont enfermés au moment même où la violence éclate. Ils semblent être mis à l’écart de la guerre, réduite à un vécu individuel et subjectif, mais ce procédé narratif permet aux auteurs, au contraire, de réduire le vécu de la guerre et de la violence à l’essentiel et de résoudre en même temps la question de savoir si la littérature peut ou ne peut pas écrire la souffrance.

Dans le roman de Lukas Bärfuss, le génocide des Tutsis n’occupe qu’une vingtaine de pages. Le jeune coopérant de la direction suisse pour l’aide humanitaire et le développement donne, en quelque sorte, le coup d’envoi au génocide par trois simples phrases affirmatives suivies d’une ligne blanche qui marque également le passage de la narration à l’imparfait à celle au présent :

Drei Tage später, an einem Donnerstag, zerriss eine Explosion die abendliche Stille in Kigali. Irgendjemand hatte die Maschine des Präsidenten abgeschossen. In Kigali brach in derselben Nacht die Hölle los, die Hölle, die hundert Tage und noch ein bisschen länger dauern sollte.

Trois jours plus tard, une explosion déchirait le silence du soir au-dessus de Kigali. Quelqu’un avait descendu l’appareil du président. À Kigali, cette nuit-là, l’enfer s’est déchaîné, un enfer qui allait durer cent jours et même un peu plus [16] .

L’enfer du génocide est introduit par la conjonction d’une précision déictique et d’une indication imprécise des acteurs responsables : trois jours plus tard, un jeudi, la même nuit, cents jours, mais : « quelqu’un » avait abattu l’avion du président. Toutes ces indications narratives annoncent normalement une accélération et une concentration de la narration sur un récit de faits. Au contraire, la narration s’interrompt à ce moment précis et se focalise – non pas sur le génocide – mais sur un espace restreint précis : le corps de David Hohl et sa maison comme de son double agrandi. Le jeune coopérant se cache dans son jardin au lieu de suivre les directives d’évacuation. Il attend que ses collègues aient quitté le pays. Pendant les cent jours du génocide, David Hohl ne quittera plus sa maison et se préoccupe principalement de sa survie physique et psychique. Les sens de l’odorat, de l’ouïe et du toucher sont de plus en plus mis en avant, l’enfermement invalidant le sens de la vue. Les fenêtres de la maison ont été barricadées et le narrateur souligne à plusieurs reprises que l’obscurité est plus difficile à supporter que la faim et la soif. La signification allégorique et poétologique [17] de cette obscurité est évidente lorsque le jeune homme explique :

Es war als würde ich jeden Abend in ein Fass schwarzer Tinte getaucht, und wenn zwölf Stunden später die Sonne aufging, stechuhrengleich am Horizont, blieb ich als schwarzer Fleck übrig, ein wandelnder Teerbatzen. Ich wagte nicht, in den Spiegel zu blicken, ich fürchtete, die Finsternis sei an mir kleben geblieben wie der Ruß unter den Augen eines Minenarbeiters, wenn er nach seiner Schicht aus dem Schacht steigt.

C’était comme si chaque soir j’étais plongé dans un tonneau d’encre noire, et quand douze heures plus tard le soleil se levait, pointant à l’horizon, je restais comme une tache noire, un morceau de goudron ambulant. Je n’osais pas me regarder dans le miroir, je craignais que l’obscurité ne reste collée à moi comme la suie sous les yeux d’un mineur quand il remonte de la fosse après son service [18] .

David Hohl n’est pas le témoin oculaire du génocide alors qu’il est le seul de ses collaborateurs à rester sur place, il le sent et l’entend et s’établit ainsi une connexion physique entre le dedans et le dehors, David Hohl et les meurtres perpétrés à quelques mètres seulement de la clôture de sa maison :

[…] es war in diesen Tagen nicht gut, in den Garten zu gehen. Gar nicht gut. Es roch wie bei der Kadaversammelstelle im Lerchenfeld, erinnerst du dich, wo man die tote Katze hinbringen musste, oder das Rind, das die Geburt seines ersten Kalbes nicht überlebt hatte. So roch es, nur unvergleichlich stärker, es war, als säße man selbst in einer der Wannen, in die sie damals die Kadaver legten.

[...] mais à cette époque il n’était pas recommandé d’aller dans le jardin. Vraiment pas recommandé. Ça sentait comme près de la décharge de cadavres dans le champ aux alouettes, tu t’en souviens, où l’on apportait le chat mort, ou la jeune vache qui n’avait pas survécu à la naissance de son premier veau. Ça sentait comme ça, mais incomparablement plus fort, c’était comme si l’on était assis dans l’une des cuves où ils déposaient alors les cadavres [19] .

L’enfermement permet ainsi de mettre la guerre en scène, d’une part, comme une menace immatérielle qui entre par les ouvertures du corps que l’homme ne peut pas fermer comme ses yeux, et de l’autre, comme un ressenti physique incarnant la seule évidence accessible au narrateur.

Comme David Hohl, le narrateur du roman de Coetzee est brutalement écarté de l’histoire au moment où la guerre éclate :

It is only when we emerge on to the square and see the tents and hear the hubbub that we understand : the army is here, the promised campaign against the barbarians is under way.

Ce n’est que lorsque nous arrivons sur la place, en voyant les tentes et en entendant le vacarme, que nous comprenons : l’armée est arrivée, la campagne contre les barbares a commencé [20] .

La précision déictique constatée chez Bärfuss se retrouve ici dans la force banale des propositions principales : l’armée est arrivée, la campagne contre les barbares a commencé. De retour d’une expédition dans le désert pour raccompagner une jeune fille indigène chez sa tribu, le magistrat se fait enfermer dans la prison de sa petite ville frontalière pour « intelligences coupables avec l’ennemi ». Il y restera durant la campagne menée par l’armée contre les barbares et n’est au courant des événements que par les bribes de conversation qu’il entend lors des promenades dans la cour de la prison. Comme David Hohl, il ressent cet enfermement d’abord comme une libération, car il semble résoudre enfin leur position ambivalente face au pouvoir : David Hohl se réjouit à l’idée de prouver que son engagement dans l’humanitaire est inconditionnel et qu’il ne s’enfuit pas quand la situation devient dangereuse. Et le magistrat souligne une fois enfermé dans sa cellule :

I am aware of the source of my elation : my alliance with the guardians of the Empire is over, I have set myself in opposition, the bond is broken, I am a free man.

Je connais la source de mon euphorie : mon alliance avec les gardiens de l’Empire est révolue, je me suis placé dans l’opposition, le lien est brisé, je suis un homme libre [21] .

Mais comme le courage de David Hohl, l’euphorie du magistrat s’effrite rapidement :

And is there any principle behind my opposition? Have I not simply been provoked into a reaction […] As for this liberty which I am in the process of throwing away, what value does it have to me?

Et y a-t-il, sous mon opposition, le moindre principe ? N’ai-je pas simplement réagi à un spectacle provocateur […] Quant à cette liberté que je suis sur le point de rejeter loin de moi, quelle valeur a-t-elle pour moi [22] ?

Comme la maison du coopérant, la cellule du magistrat est sombre et la valeur métaphorique de cette obscurité est pareillement évidente lorsque le magistrat évoque « the black flower of civilization [23]  ». La période de l’enfermement est par la suite un long récit de la dégradation physique et psychique du narrateur. Il se réduit de plus en plus à un corps souffrant :

After two days of solitude my lips feel slack and useless, my own speech seems strange to me. Truly, man was not made to live alone! I build my day unreasonably around the hours when I am fed. I guzzle my food like a dog. A bestial life is turning me into a beast.

Après deux jours de solitude, mes lèvres me paraissent molles et inutiles, mon propre langage me semble étranger. En vérité, l’homme n’est pas fait pour vivre seul ! Déraisonnablement, je bâtis mes journées autour des heures où l’on me nourrit. Je bâfre comme un chien. Une vie bestiale me transforme en bête [24] .

Ou encore :

In my suffering there is nothing ennobling. Little of what I call suffering is even pain. What I am made to undergo is subjection to the most rudimentary needs of my body: to drink, to relieve itself, to find the posture in which it is least sore.

Dans ma souffrance, il n’y a rien d’ennoblissant. Et même, dans ce que j’appelle souffrance, la part de douleur est réduite. Ce qu’on me fait subir, c’est un asservissement aux besoins les plus élémentaires de mon corps : boire, se soulager, trouver la position la moins inconfortable [25] .

On le fait surtout souffrir par la solitude et la négligence par laquelle il risque non seulement de perdre son esprit, mais d’être entièrement réduit aux sensations physiques :

No one beats me, no one starves me, no one spits on me. How can I regard myself as a victim of persecution when my sufferings are so petty? Yet they are all the more degrading for their pettiness. […] If I was the object of an injustice, a minor injustice, when they locked me in here, I am now no more than a pile of blood, bone and meat that is unhappy.

Personne ne me frappe, personne ne m’affame, personne ne me crache dessus. Comment puis-je me considérer comme la victime de persécutions quand mes souffrances sont si insignifiantes ? Mais cette insignifiance même les rend d’autant plus dégradantes. […] Si j’étais, quand ils m’ont enfermé ici, la victime d’une injustice, d’importance d’ailleurs secondaire, je ne suis plus maintenant qu’un tas de sang, d’os et de chair qui est malheureux [26] .

Les sens de l’odorat, de l’ouïe et du toucher sont mis en avant comme dans le roman de Lukas Bärfuss. Les yeux fermés, le magistrat tente d’entendre les cris et d’apercevoir les fantômes des prisonniers qui ont souffert avant lui dans cette même cellule. La nuit, il ressent le frôlement des cafards sur son corps, ressent l’odeur de ses défécations, du pus secrété par ses blessures et de sa sueur. Le magistrat est coupé du monde, mais sa souffrance physique condense en quelque sorte le récit de la violence et d’une guerre qui, dans le roman de Coetzee, reste toujours indirecte. L’armée n’affronte jamais les barbares qui semblent se retirer de plus en plus loin dans le désert et laissent les soldats s’anéantir par le froid, la fatigue et le découragement. Contrairement à l’armée qui cherche un affrontement direct, les indigènes optent pour une stratégie de guérilla qui les rend insaisissables et en même temps laisse toujours planer le doute sur leur existence. Comme le magistrat dans sa cellule, la ville n’est pas attaquée directement par des troupes ennemies, mais c’est par les rumeurs et l’attente que la peur s’infiltre dans les esprits des habitants :

The barbarians come out at night. Before darkness falls the last goat must be brought in, the gates barred, a watch set in every lookout to call the hours. All night, it is said, the barbarians prowl about bent on murder and rapine. […] Instead the air is full of anxious rumours.

Les barbares sortent la nuit. Avant qu’il fasse noir, il faut faire rentrer la dernière chèvre, barricader les portes, installer dans chaque mirador un veilleur chargé d’annoncer les heures. Toute la nuit, dit-on, les barbares rôdent, avides de meurtres et de rapines. […] Maintenant, l’air est plein de rumeurs anxieuses [27] .

Un passage qui fait écho au suivant issu du roman de Bärfuss :

Aber alles war vergebens, und der Grund dafür war die nackte Angst, die jeden befiel. Und wen sie nicht gepackt hatte, dem wurde sie eingeimpft, eingetrichtert, eingestampft, und zwar in endlosen Reden im Radio, in Versammlungen… […] Es war nicht notwendig, jedes einzelne Wort zu verstehen, um das Alphabet der Angst darin zu entdecken, die Unflätigkeiten, mit denen der politische Gegner überzogen wurde, die Schreckensvisionen, die gezeichnet wurden. Ich verstand den Zweck dieser anderen, neuen, unbekannten Sprache, und ihr Zweck hieß Schrecken, ein Schrecken, der sich von Tag zu Tag tiefer in die Gesichter der Menschen eingrub.

Mais tout cela était vain, et la raison en était cette peur nue qui saisissait chacun. Et celui qu’elle n’avait pas encore atteint, on la lui inoculait, enfonçait, bourrait dans le crâne, avec ces discours sans fin à la radio, ces réunions… […] Ce n’était pas la peine de comprendre chacun des mots pour reconnaître l’alphabet de la peur, les ordures dont on couvrait l’ennemi politique, les visions d’horreur dont on dressait le tableau. Je comprenais le but de cette autre langue, nouvelle, inconnue, et son but était l’horreur, une horreur qui se gravait de jour en jour plus profondément sur le visage des gens [28] .

Comme chez Bärfuss, les habitants de la petite ville du roman de Coetzee ne sont confrontés qu’aux conséquences de la guerre et la question est inlassablement posée de savoir dans quelle mesure ils ne sont pas à l’origine des événements. La guerre semble une construction plus ou moins fictionnelle [29] , mais dont les conséquences sont décrites dans toute leur cruauté. L’origine de cette « fiction absurde » se situe dans l’homme, dans ses représentations, son usage de la langue et ses peurs. Les deux romans attirent l’attention sur ce fait en mettant en avant la corporéité des narrateurs comme leur plus grande fragilité – à la fois origine des violences et principale victime. La mise en scène de l’enfermement – au moment précis de l’éclatement de la violence – permet de condenser cette perspective subjective et de faire du corps individuel une image à la fois de la société en guerre toute entière et du récit sur cette même guerre qui ne peut offrir qu’une vision subjective de la violence. Les deux romans se caractérisent par une vision extrêmement pessimiste et désillusionnée de l’homme. Son esprit, sa morale et sa recherche de vérité ne lui sont d’aucun secours et ne le protègent ni contre la violence venue de l’extérieur, ni contre leur propre violence (raciste, sexiste). Les deux romans n’offrent pas d’espoir quant au futur et refusent également toute idée d’une bonté originelle de l’homme. Il semble toujours déjà affecté par la guerre, par le temps historique. Il n’y a ni de point zéro de l’innocence, ni de vie « like fish in water, like birds in air, like children [30] . »

Notes

  • [1]

    « The authority of the body », Tim Mehigan (éd.), A companion to the Works of J.M. Coetzee, Rochester/New York, Camden House, 2011, p. 66.

  • [2]

    La question de savoir si l’œuvre de J.M. Coetzee, et notamment Waiting for the Barbarians, prend position par rapport à la réalité historique de l’esclavage et de l’apartheid a donné lieu à un débat controversé. « Waiting for the Barbarians encapsulates the central problem for readers of Coetzee’s writing in the apartheid era, since it seems simultaneously to engage with, and yet distance itself from, its political context. » Dominic Head, The Cambridge Introduction to J.M. Coetzee, Cambridge, Cambridge University Press, 2009, p. 48. Voir également : Tim Mehigan (éd.), A companion to the Works of J.M. Coetzee, op. cit., p. 1-8.

  • [3]

    John Maxwell Coetzee, Waiting for the Barbarians, London, Vintage, 2000, p. 122 (je souligne). John Maxwell Coetzee, En attendant les barbares, Paris, Le Seuil, 1987, p. 182 (je souligne).

  • [4]

    Question discutée principalement dans le contexte de la Shoah. Voir, par exemple : Aleida Assmann, Der lange Schatten  der Vergangenheit – Erinnerungskultur und Geschichtspolitik, München, C.H. Beck, 2006. Hans-Joachim Hahn, Repräsentationen des Holocaust: zur westdeutschen Erinnerungskultur seit 1979, Heidelberg, Winter, 2005.

  • [5]

    Pour Maria Boletsi il s’agit plutôt d’un trait caractéristique de la littérature après 1945. « Après les deux guerres mondiales et l’Holocauste, l’idéal de la civilisation occidentale a été discrédité depuis le moment où le côté irrationnel et barbare de l’occidental a pris une place centrale » [« After the two world wars and the Holocaust, the ideal of Western civilization was debunked since the irrational and barbaric side of the Western subject had taken a central stage. »] Maria Boletsi, « Barbaric encounters: Rethinking Barbarism in C.P. Cavafy’s and J.M. Coetzee’s Waiting for the Barbarians », Comparative Literature Studies, n°1/2, 2007, p. 67-96, ici : p. 70. Il faut également tenir compte du fait que le système de l’apartheid est fondé sur une division en deux blocs et que Waiting for the Barbarians est publié en 1980.

  • [6]

    Carten Gansel/Heinrich Kaulen, « Kriegsdiskurse in Literatur und Medien von 1989 bis zum Beginn des 21. Jahrhunderts », in Carten Gansel/Heinrich Kaulen (éd.), Kriegsdiskurse in Literatur und Medien nach 1989, Göttingen, V&R unipress, 2011, p. 9-12, ici : p. 10 (ma traduction).

  • [7]

    James Meja Ikobwa interprète le roman de Bärfuss dans le contexte plus large de la littérature de témoignage. James Meja Ikobwa, « David Hohl als Zeuge des Genozids in Ruanda in Lukas Bärfuss‘ Hundert Tage », in Carlotta von Maltzan (éd.), Magie und Sprache, Bern, Peter Lang, 2012, p. 107-117.

  • [8]

    Maria Boletsi souligne à juste titre que le roman de Coetzee n’inverse pas simplement le discours colonial : « dans le poème ou dans le roman, l’opposition entre la civilisation et la barbarie n’est pas renversée en montrant simplement que les civilisés sont des barbares et que les barbares sont en fait des victimes de la barbarie occidentale. Les deux s’élèvent en fait au-dessus de cette opposition parce qu’ils remettent radicalement en question les termes de la dichotomie et montre en quoi ils sont inadéquats et vides de sens, et en même temps violents et absurdes. » [« neither in the poem nor in the novel is the opposition between civilization and barbarism just reversed by simply demonstrating that the civilized are in fact the barbarians, whereas the barbarians are the innocent victims of Western barbarism. Both works rise above this reversal because they radically question the terms of the dichotomy and expose them as hollow, inadequate, and, at the same time, violent and absurd. »] Maria Boletsi, « Barbaric encounters: Rethinking Barbarism in C.P. Cavafy’s and J.M. Coetzee’s Waiting for the Barbarians », op. cit., p. 92.

  • [9]

    Lukas Bärfuss, Cent jours, cent nuits, Paris, L’Arche, 2009, p. 165. Lukas Bärfuss, Hundert Tage, Göttingen, Wallstein Verlag, 2008, p. 145.

  • [10]

    John Maxwell Coetzee, Waiting for the Barbarians, op .cit., p. 148. John Maxwell Coetzee, En attendant les barbares, op. cit., p. 219.

  • [11]

    Voir également : Jan Süselbeck, « Der erfrischende Machetenhieb. Zur literarischen Darstellung des Genozids in Ruanda, am Beispiel des Romans Hundert Tage von Lukas Bärfuss und seiner intertextuellen Bezüge zu Heinrich von Kleists Verlobung in St. Domingo (1811) », in Carten Gansel/Heinrich Kaulen (éd.), Kriegsdiskurse in Literatur und Medien nach 1989, op. cit., p. 183-201, ici : p. 193-194.

  • [12]

    Lukas Bärfuss, Hundert Tage, op. cit., p. 5. Lukas Bärfuss, Cent jours, cent nuits, op. cit., p. 64. 3.

  • [13]

    Lukas Bärfuss, Hundert Tage, op. cit., p. 90-91. Lukas Bärfuss, Cent jours, cent nuits, op. cit., p. 105-106.

  • [14]

    John Maxwell Coetzee, Waiting for the Barbarians, op. cit., p. 5.

  • [15]

    John Maxwell Coetzee, Waiting for the Barbarians, op. cit., p. 42. John Maxwell Coetzee, En attendant les barbares, op. cit., p. 67.

  • [16]

    Lukas Bärfuss, Hundert Tage, op. cit., p. 158. Lukas Bärfuss, Cent jours, cent nuits, op. cit., p. 180.

  • [17]

    Les réflexions poétologiques évidentes dans les deux romans ne sont pas étudiées ici, mais sont sans aucun doute d’une importance primordiale et ont donné lieu à de nombreuses études surtout en ce qui concerne le roman de Coetzee. Voir, par exemple : Michael Valdez Moses, « The Mark of the Empire : Writing, history, and torture in Coetzee’s Waiting for the Barbarians », The Kenyon Review, n°1, 1993, p. 115-127.

  • [18]

    Lukas Bärfuss, Hundert Tage, op. cit., p. 11-12. Lukas Bärfuss, Cent jours, cent nuits, op. cit., p. 18.

  • [19]

    Lukas Bärfuss, Hundert Tage, op. cit., p. 11. Lukas Bärfuss, Cent jours, cent nuits, op. cit., p. 17.

  • [20]

    John Maxwell Coetzee, Waiting for the Barbarians, op. cit., p. 83. John Maxwell Coetzee, En attendant les barbares, op. cit., p. 126.

  • [21]

    John Maxwell Coetzee, Waiting for the Barbarians, op. cit., p. 85. John Maxwell Coetzee, En attendant les barbares, op. cit., p. 129.

  • [22]

    John Maxwell Coetzee, Waiting for the Barbarians, op. cit., p. 85. John Maxwell Coetzee, En attendant les barbares, op. cit., p. 129.

  • [23]

    John Maxwell Coetzee, Waiting for the Barbarians, op. cit., p. 86. Image empruntée à l’écrivain américain Nathaniel Hawthorne qui désigne ainsi les salles des tortures. Voir l’article publié par J.M. Coetzee, le 12 janvier 1986, dans The New York Times dans lequel il fait également référence au roman Waiting for the Barbarians : « Il y a quelques années, j’ai écrit un roman, En attendant les barbares, au sujet de l’impact de la torture sur la vie d’un homme moral. La torture a exercé une sombre fascination sur beaucoup d’autres écrivains sud-africains. Pourquoi cela ? Il me semble qu’il y a deux raisons. La première est que les rapports pendant la torture sont une métaphore extrême des relations entre l’autoritarisme et ses victimes. Dans la chambre de torture, une force illimitée est exercée physiquement sur un individu dans un halo de légale illégalité, ayant pour objectif de sinon détruire l’individu, au moins détruire son noyau de résistance. » [« Some years ago I wrote a novel, “Waiting for the Barbarians”, about the impact of the torture chamber on the life of a man of conscience. Torture has exerted a dark fascination on many other South African writers. Why should this be so? There are, it seems to me, two reasons. The first is that relations in the torture room provide a metaphor, bare and extreme, for relations between authoritarianism and its victims. In the torture room, unlimited force is exerted upon the physical being of an individual in a twilight of legal illegality, with the purpose, if not of destroying him, then at least of destroying the kernel of resistance within him. »] http://www.nytimes.com/books/97/11/02/home/coetzee-chamber.html (dernière consultation le 28/01/15)

  • [24]

    John Maxwell Coetzee, Waiting for the Barbarians, op. cit., p. 87. John Maxwell Coetzee, En attendant les barbares, op.cit., p. 132.

  • [25]

    John Maxwell Coetzee, Waiting for the Barbarians, op. cit., p. 126. John Maxwell Coetzee, En attendant les barbares, op. cit., p. 187.

  • [26]

    John Maxwell Coetzee, Waiting for the Barbarians, op. cit., p. 93 John Maxwell Coetzee, En attendant les barbares, op. cit., p. 140.

  • [27]

    John Maxwell Coetzee, Waiting for the Barbarians, op. cit., p. 134-135. John Maxwell Coetzee, En attendant les barbares, op. cit., p. 198-199 .

  • [28]

    Lukas Bärfuss, Hundert Tage, op. cit., p. 123. Lukas Bärfuss, Cent jours, cent nuits, op. cit., p. 141-142.

  • [29]

    « La construction [de la guerre] par les barbares est montrée dans le roman comme une fiction absurde et bien organisée, et le statut du discours historique est bouleversé par la découverte de sa proche affinité avec le discours mythique. » [« The construction of the barbarians is exposed in the novel as an absurd and well-organized fiction, and the status of historical discourse is shaken by the realization of its close affinity to mythical discourse. »] Maria Boletsi, « Barbaric encounters: Rethinking Barbarism in C.P. Cavafy’s and J.M. Coetzee’s Waiting for the Barbarians », op. cit., p. 86.

  • [30]

    John Maxwell Coetzee, Waiting for the Barbarians, op. cit., p. 146. « Le barbare n’existe pas en tant qu’ennemi extérieur à l’Empire. Cet autre n’est pas situé hors du domaine du sujet civilisé, mais à l’intérieur ». [« The barbarian other does not exist as an external enemy of the Empire. It is not situated outside the domain of the civilized subject, but within it. »] Maria Boletsi, « Barbaric encounters: Rethinking Barbarism in C.P. Cavafy’s and J.M. Coetzee’s Waiting for the Barbarians », op.cit., p. 87.

Pour citer cet article

Evelyn DUECK, "L’effrayant silence. Le regard étranger sur une guerre en suspens dans Waiting for the Babarians (1980) de J.M. Coetzee et Hundert Tage (2008) de L. Bärfuss", in M. Finck, T. Victoroff, E. Zanin, P. Dethurens, G. Ducrey, Y.-M. Ergal, P. Werly (éd.), Littérature et expériences croisées de la guerre, apports comparatistes. Actes du XXXIXe Congrès de la SFLGC, URL : https://sflgc.org/acte/evelyn-dueck-leffrayant-silence-le-regard-etranger-sur-une-guerre-en-suspens-dans-waiting-for-the-babarians-1980-de-j-m-coetzee-et-hundert-tage-2008-de-l-barfuss/, page consultée le 24 Avril 2024.